L'EPFL diminue l'impact carbone de ses repas grâce aux données des clients
Chaque midi, les quelque 6500 repas servis sur le campus de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) sont passés au crible, grâce à un système de mesure inédit, collectant des millions de données sur les ingrédients, les fournisseurs, les consommateurs, les achats et les déchets générés.
Depuis 2023, le projet MegaBites – contraction de l’unité de mesure informatique «mégabytes» et de «bites» («bouchées» en anglais) – utilise ces informations pour décrypter et modéliser les habitudes des clients, grâce aux sciences des données.
Réduire les émissions de GES
Le but: améliorer la durabilité du système de restauration en réduisant d’un quart, voire d’un tiers, les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation d’ici à 2025. «Ce secteur représente environ 13% de l’empreinte carbone de l’EPFL. Il s’agit de l’un des principaux leviers pour réduire l’impact climatique de l’établissement, avec les voyages professionnels et l’énergie liée aux bâtiments. Il est important d’agir», déclare Bruno Rossignol, responsable de la restauration.
Pour ce faire, environ 7000 produits alimentaires livrés sur le campus sont constamment monitorés, qu’il s’agisse de leur provenance, leur mode de production ou leur emballage, ainsi que le grammage de chaque ingrédient des menus d’une trentaine de restaurants. «À partir de là, nous pouvons analyser la consommation anonymisée des différentes catégories de population, soit les étudiants, collaborateurs et visiteurs, en tenant compte du genre et de l’âge, tout en respectant leur sphère privée individuelle», expose Vincent Moreau, responsable du projet au Laboratoire de science des données.
Premiers résultats encourageants
Bien que le projet se poursuive jusqu’à la fin de l’été, les résultats préliminaires sont déjà positifs, se réjouissent les responsables. «Nous sommes passés d’une empreinte carbone moyenne de 6,2 à 4,1 kg d’équivalent CO2 par kilo de nourriture, entre 2019 et 2024. Cela est notamment dû à des mesures pérennes comme l’instauration d’une journée végétarienne hebdomadaire. Mais nous devons aller encore plus loin, afin d’atteindre les 2,5 kg d’ici à 2030, conformément à l’Accord de Paris», estime Bruno Rossignol.
Techniques de «Nudging»
Ces derniers mois, cette campagne a permis de récolter 27 millions de données et de mener des interventions ciblées, afin de mesurer l’impact de certaines mesures. Parmi celles-ci, on peut mentionner l’augmentation ponctuelle du prix de l’assiette carnée. «Nous avons remarqué que cela permettait d’augmenter de 10% les ventes de la version végétarienne. Afin d’éviter certains biais, nous mettons en œuvre ces expériences de manière discrète, généralement non annoncée et sur de courtes périodes», expliquent les spécialistes, qui parlent de nudging, une méthode d’influence douce inspiré des sciences comportementales, qui vise à inciter les individus à adopter des comportements écoresponsables.
D’autres stratégies ont été testées, comme la modification de la photographie de présentation ou du nom de certains plats. «Par exemple, retirer le terme “végétarien” au profit de descriptions plus appétissantes a un effet significatif sur les ventes de plats sans viande. Ajouter une connotation liée au terroir peut aussi influencer les choix, notamment des personnes plus âgées, statistiquement moins enclines à changer leur alimentation.»
Outil scientifique novateur
La viande rouge a également été retirée temporairement des menus ces trois derniers mois, diminuant de 70% l’empreinte carbone des repas. «Cela est passé plutôt inaperçu auprès de la clientèle, ce qui est intéressant. Toutefois, nous ne voulons pas bannir la viande des offres de l’EPFL, en raison de la diversité culturelle du campus.»
Les autres méthodes incitatives testées les plus efficaces seront intégrées dans le nouveau cahier des charges, d’ici à 2027. «Ce projet est un outil scientifique véritablement novateur, testé sur une vaste population de 18 000 habitants, qui pourra bénéficier à d’autres campus dans le pays et à travers le monde.»
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