Avec les langues de lapin, Pâques croque sous la dent

À Granges-près-Marnand (VD), la boulangerie Sébanne s’inspire d’une vieille recette et propose une pâtisserie meringuée au chocolat. Un biscuit qui régalera aussi les personnes intolérantes au gluten.
6 avril 2023 Pierre Köstinger
© Pierre-Yves Massot

Chez Sébanne, comme dans toutes les boulangeries, les lapins en chocolat pointent leurs oreilles croquantes à l’approche du week-end pascal. Mais Anne-Claude et Sébastien Paltenghi, qui tiennent l’établissement au centre de Granges-près-Marnand (VD) depuis onze ans, ajoutent une de leurs créations: les langues de lapin, un biscuit chocolaté particulièrement digeste pour les personnes ne supportant pas le gluten. «Nous avons été sensibilisés à ces questions avec nos deux derniers enfants intolérants au lactose», glisse Anne-Claude en entrant dans le laboratoire, derrière le magasin.

Au passage, elle ramasse une échelle qu’elle plie et range dans un même mouvement. «C’était justement pour notre petit dernier», dit-elle, alors que le bambin trotte derrière.Sur le plan de travail, cette boulangère-pâtissière a préparé les ingrédients qui permettent de fabriquer leur spécialité: blancs d’œufs, sucre, pistaches et poudre d’amandes. En fait, ces langues de lapin s’inspirent d’une vieille recette, celle du «japonais», un biscuit traditionnellement meringué à la noisette avec une crème au beurre. Et au-delà de cette préparation, concoctée uniquement à Pâques, Sébanne propose tout un bestiaire.

Leur recette, la simplicité

Dans le magasin, on trouve ainsi des langues d’écureuil, à la noisette, ou de paresseux, à la noix de coco. En fin d’année, ce sont des celles de renne aux épices ou celles du Père Noël, trempées dans le chocolat dit «rubis», du nom de sa couleur rose. Chaque variante a son étiquette, dessinée par Anne-Claude. «C’est tout simple.» Ces créations résument bien la philosophie de Sébanne: les colorants, très peu pour eux, et dans la mesure du possible, Anne-Claude et Sébastien privilégient les produits locaux. «Les œufs, par exemple, viennent du hameau voisin de Brit», relève la boulangère-pâtissière avant d’enclencher le robot de cuisine.

Sous l’effet du fouet, les blancs montent rapidement en neige. Elle se saisit d’une langue de chat – l’ustensile qui a donné son nom aux biscuits – pour intégrer amandes et pistaches, ces dernières amenant un peu de verdure printanière. Elle mélange d’un mouvement délicat. «À regarder, ça fait un peu dînette, mais je préfère procéder par petites quantités, car la masse est plus vite travaillée et retombe moins facilement.»

Les artisans

Sébanne, c’est l’alliance de deux prénoms. De deux vocations aussi. Sébastien et Anne-Claude Paltenghi se sont connus durant leur formation de boulanger-pâtissier. Elle vient de Bassins, lui de Vallorbe, et en passant devant les locaux à louer d’une ancienne quincaillerie, au centre de Granges-près-Marnand (VD), ils ont décidé de se lancer. C’était il y a onze ans. Depuis, la boulangerie a grandi, tout comme la famille qui compte quatre enfants. En plus de nombreux pains, dont certains à l’épeautre et au blé ancien, Sébanne propose des pâtisseries telles les tuiles aux amandes ou des spécialités vaudoises, à l’image du taillé aux greubons et de la salée au sucre.

Chocolat grand cru

À l’aide de sa langue de chat, Anne-Claude dépose alors cette préparation dans un chablon. Là encore, il faut éviter de tirer et d’écraser. Tout l’inverse du macaron pour lequel il s’agit de faire retomber la masse, indique-t-elle, enfournant les chablons pendant cinquante minutes. Plus tard, elle trempera ses confections cuites et refroidies dans du chocolat agrémenté d’éclats de noisettes torréfiées.

La boulangerie grangeoise n’utilise que de grands crus, soit un cacao dont les fèves sont issues d’un lieu ou d’un domaine particulier, et elle recourt à une entreprise qui rétribue équitablement les producteurs. Livré sous forme de pastilles, cet or brun est soumis à la méthode du tempérage.

Meringue légère comme l’air

La matière est d’abord fondue, la température est ensuite descendue puis remontée, suivant des réglages précis. «Cela apporte du croquant et de la brillance», relève Anne-Claude tout en nous tendant une plaque sur laquelle frémissent les biscuits tout juste sortis du frigo. Et sous la dent, en effet, c’est un régal, la légèreté de la meringue se conjuguant au croustillant du chocolat et de la noisette.

Une fois emballées, les langues atterrissent vite sur les étals. «Il ne faut pas attendre, car ce produit sec prend vite l’humidité», précise Anne-Claude. Ces pâtisseries, fabriquées depuis quatre ans, trouvent de plus en plus d’amateurs au sein d’une clientèle principalement villageoise. «Certains viennent acheter leur pain en pyjama le matin, c’est un esprit qu’on aime bien», confie l’artisane qui apprécie le côté créatif et varié de son travail. Elle et son mari ont aussi à cœur de redonner aux gens le goût de manger des choses simples. À l’exemple de leurs caracs au glaçage exempt de l’habituel colorant vert. «Cela a mis un peu de temps, mais les clients y ont pris goût», observe Sébastien.

Une histoire de renaissance

La fabrication de lapins de Pâques et d’œufs en chocolat se développe dès le XIXe siècle, à mesure que se démocratise la consommation de cet or brun. L’origine des symboles, en revanche, remonte à plus loin. Bien avant l’arrivée du christianisme, entre autres dans la culture germanique, le lièvre symbolisait la renaissance, l’immortalité et la fécondité. Et l’on relève avec intérêt que le lapin de Pâques se dit Easter bunny en anglais. Le mot Easter vient du nom de la déesse anglo-saxonne Eostre (ou Ostara chez les Germains), célébrée au printemps, et dont l’animal sacré était un lièvre. Un substrat païen toujours bien présent dans notre culture chrétienne où Pâques fête la résurrection du Christ.

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