Au sein de l'Atelier Givré, l'abricot valaisan prend un accent italien
Il plane un petit air d’Italie dans le laboratoire de Gabrielle Seidel Pot, à Vouvry (VS): le visiteur peut y apercevoir une bouteille de limoncello, quelques flacons de limonade en provenance de la Botte et, surtout, ce très «vintage» triporteur Piaggio portant fièrement l’inscription «Gelato naturale».
La Chablaisienne l’avoue: elle adore ce pays. «J’ai étudié dans une école de stylisme à Milan, je voyage régulièrement dans les différentes régions et j’y ai pas mal d’amis…» Cette passion n’est pas étrangère à sa réorientation professionnelle. Accessoiriste et décoratrice dans les studios de la télévision romande, elle s’est lancée dans la fabrication de glaces artisanales quelque temps après son licenciement, créant l’Atelier Givré.
L’art de l’équilibre
«J’avais envie de proposer quelque chose qui manquait ici. Quand je vais me balader au bord du lac avec mes filles, je suis souvent déçue de ne pas trouver des glaces comme celles qui existent en Italie.» À l’approche de la Fête de l’abricot – qui s’est déroulée début juillet à Saxon –, le fruit emblématique de ce canton est à l’honneur. En ce mercredi matin, Gabrielle s’attelle à la préparation d’un sorbet, mais avec une petite touche surprenante: «J’ajoute une infusion de grains de carvi. J’aime bien proposer des choses qui sortent de l’ordinaire: abricot-aspérule ou abricot-thym. Je n’ai pas choisi le nom de mon atelier au hasard. Je suis un peu givrée», rigole-t-elle.
Les ingrédients de base sont simples: «Des fruits, du sucre, de l’eau», énumère l’artisane. Mais tout l’art du sorbet réside dans le juste équilibre. Alors qu’elle commence à dénoyauter les abricots – cultivés et mûris exclusivement en Valais –, elle précise: «Ils commencent enfin à avoir du goût. Avec toute cette pluie, ils manquaient de sucre jusqu’ici. Quand c’est le cas, je dois adapter la recette en ajoutant un peu plus de sucre.» Cet ingrédient est essentiel: «Il est anticongelant. L’eau, au contraire, va solidifier la glace. Il faut trouver les bonnes proportions pour arriver à la meilleure consistance possible.»
L'artisane
Même si la pandémie s’en est mêlée alors qu’elle commençait tout juste, l’aventure de l’Atelier Givré a vite pris de l’ampleur. Une campagne de financement participatif a permis à Gabrielle Seidel Pot de se lancer après sa formation. La boutique située à la Grand-Rue à Villeneuve est ouverte les après-midis du mardi au dimanche, mais l’artisane valaisanne adore se balader de marchés en festivals avec son triporteur électrique, qui peut emporter six parfums. Cette visibilité est payante: ses produits sont également proposés dans différents restaurants et tables d’hôtes du Chablais.
A bonne école
Gabrielle Seidel Pot a été à bonne école puisqu’elle a appris son métier en Toscane, auprès de Manuele Presenti. Le chef a fondé à Grosseto une école de la glace naturelle. «C’est une personne très créative. Chez lui, on apprend à tout faire et à adapter les recettes en fonction des ingrédients.» L’élève n’a d’ailleurs pas grand-chose à lui envier en matière d’inventivité (lire encadré).
Ces deux premiers ingrédients pesés, Gabrielle sort sa calculatrice pour déterminer avec précision la quantité de sucre de raisin à ajouter. «Le dextrose a les mêmes propriétés que le sucre blanc, mais il permet d’avoir un produit qui n’est pas trop doucereux.» Un sirop de glucose qui amène élasticité et brillance à la glace ainsi qu’un émulsifiant naturel, dont la Chablaisienne ne révélera pas le secret, hérité de Manuele Presenti, complètent le mélange.
Se détendre en triporteur
Une dernière étape, l’adjonction de l’infusion de carvi, que Gabrielle complète de quelques grains macérés, «pour donner du croquant». Ceux-ci viennent de la vallée d’Illiez, comme la plupart des autres plantes qui s’intègrent aux recettes de l’Atelier Givré. «J’ai parfois l’impression d’être une sorcière en train de préparer ses potions dans son chaudron», s’amuse Gabrielle, avant de mixer le mélange et de le transvaser dans la turbine – de marque italienne bien sûr – qui va faire le reste du travail.
En quelques minutes, la masse s’épaissit à vue d’œil et peut-être placée au congélateur. Il faudra attendre un peu avant de procéder à la dégustation: «Je compte vingt-quatre heures pour que le goût du carvi se développe un peu plus. Le sorbet va aussi prendre une couleur plus vive.»
Sucrées et «salée»
Le guide italien Il Gambero Rosso a décerné au glacier Manuele Presenti sa note la plus élevée de trois cornets. Le chef de Grosseto, en Toscane, est régulièrement salué par la presse italienne pour ses idées folles, avec des saveurs telles que basilic-pignons de pin, safran ou encore ricotta de bufflonne. Gabrielle Seidel Pot a hérité de cette envie d’explorer. Contrastant avec sa gamme classique, elle propose d’étonnants mélanges, doux, mais aussi salés, tels que poire-gorgonzola, pesto ou gaspacho. À la Table de Denise à Ollon (VD), Denise Crettol se plaît, elle aussi, à expérimenter des parfums improbables. Chez elle, on ne déguste pas uniquement de la glace au dessert. «Je fais les choses de manière très spontanée. On peut par exemple l’apprêter en entrée, ce qui promet une jolie découverte.» À ceux qui tiennent à finir sur une note douce, on peut aussi conseiller un crochet par le Gîte de la Chaux à Morgins (VS), qui propose une crème glacée à la «salée», inévitable gâteau traditionnel de la vallée d’Illiez.
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