Point fort
Profiter d’une journée à la montagne tout en contribuant à la nettoyer

Durant tout l’été, la rédaction de Terre&Nature a participé à des projets de volontariat en faveur de la biodiversité, du patrimoine ou de l’agriculture. Dernier volet dans le cadre d’un ramassage de déchets à Verbier (VS).

Profiter d’une journée à la montagne tout en contribuant à la nettoyer

Le soleil tape déjà fort en ce milieu de matinée sur Verbier (VS). Au départ des télécabines, place de Médran, randonneurs et vététistes s’enduisent de crème solaire et prennent un dernier café avant de grimper sur les hauteurs. Je rejoins quant à moi un petit groupe réuni autour d’un stand, sous une tente jaune marquée de l’inscription «Clean Up Tour», un programme de nettoyage des déchets en montagne. Il est organisé par Summit Foundation, structure active depuis vingt ans dans la lutte contre le littering en Suisse. Chef de projet du Clean Up Tour, Téo Gürsoy, 26 ans, accueille les bénévoles. Casquette vissée sur la tête, il distribue le matériel nécessaire à la mission du jour: sacs de tri, gants et pinces, sans oublier le pass qui permettra à chacun de rejoindre par les remontées mécaniques la zone très fréquentée des Ruinettes et La Chaux, à 2200 mètres d’altitude.

Mégots et tube de crème solaire
Après avoir embarqué dans une télécabine, puis pris un télésiège, nous atteignons notre destination après une vingtaine de minutes de trajet. Une fois sur place, Téo Gürsoy livre ses dernières instructions: «Surtout, ne prenez aucun risque. Si vous repérez un déchet difficile d’accès, photographiez-le et notez son emplacement. Nous nous occuperons d’aller le chercher plus tard. Le but n’est pas non plus de rapporter le sac le plus lourd. Souvent les microplastiques sont les plus problématiques pour la faune et la nature. Et surtout, prenez du plaisir et profitez de cette journée en montagne!» lance le jeune homme dans un esprit bon enfant. Nous le suivons sur un petit sentier caillouteux qui serpente jusqu’à un étang 300 mètres plus loin. Dans l’eau, des centaines de têtards ondulent dans un bleu cristallin, se faufilant entre les rochers immergés. J’amasse mon premier butin sur le rivage: deux mégots de cigarettes blanchis par la pluie et les UV. Hop, dans le sac-poubelle! Quelques mètres plus loin, j’y ajoute un tube de crème solaire probablement tombé d’un anorak, une brique de thé froid, un emballage de sandwich et une capsule de bière. J’avance lentement, les yeux rivés au sol, tout en discutant avec un collègue affairé à décoller de la terre humide un morceau de plastique orange arraché d’une barrière. À 22 ans, cet étudiant en 4eannée de médecine accompagne sa sœur. «Elle a vu une affiche du Clean Up Tour dans le train. On fait pas mal de randonnées et de VTT en montagne et on a pris l’habitude de ramasser spontanément les déchets croisés en chemin. On avait envie de s’engager de manière plus active», lâche-t-il entre deux trouvailles. Nous rejoignons des membres de l’équipe dispersés au départ d’un télésiège situé non loin de là. «Il y a du boulot ici!» fait remarquer l’un d’eux en exhibant une fine tige de plastique grisâtre. Elle provient des brosses fixées sur le rail du télésiège. «Il en tombe des centaines chaque saison. Elles se confondent avec l’herbe et sont très difficiles à éliminer», grimace Téo Gürsoy.

Entre satisfaction et découragement
À la mi-journée, les sacs commencent à peser. Nous trouvons de vieux piquets métalliques rouillés, des emballages de nourriture, des canettes, des bouteilles en verre, des bouts de chaussures de ski. Tout le monde se réunit à midi pour pique-niquer aux abords d’un restaurant juché sur les pistes. Autour de nous, le spectacle est saisissant: des centaines de mégots, des couverts jetables, des tessons de verre, des bouteilles en PET, des gobelets incrustés dans le sol. «Je n’en reviens pas qu’il y ait autant de détritus dans le voisinage d’un établissement. Je pensais que les gérants s’occupaient eux-mêmes du nettoyage de leur restaurant une fois la saison de ski terminée», me dit une bénévole en s’accordant une pause à l’ombre. Cette quadragénaire, fonctionnaire à Genève, a pris un jour de congé pour participer à la mission. «J’ai beaucoup skié cette année et j’avais envie de contribuer à préserver ces belles montagnes», explique-t-elle. Nous oscillons alors entre deux sentiments: la satisfaction du travail réalisé depuis le début de la journée et une forme de découragement face à tout ce qu’il reste encore à accomplir. «C’est sûr, nous pourrions quadriller cette zone trois jours sans réussir à tout collecter, mais chaque déchet en moins a un impact positif», nous encourage Téo Gürsoy. Organisé en milieu de semaine, le Clean Up de Verbier n’a réuni que douze participants pour un butin final de 50 kilos. Mais depuis le début de la saison, la trentaine de journées menées aux quatre coins de la Suisse ont rassemblé 1400 participants et permis de soulager la montagne de 4,7 tonnes de détritus.

+ D’infos www.summit-foundation.org

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): Sedrik Nemeth

Comment participer?

L’agenda des actions de nettoyage est disponible sur le site internet du Clean Up Tour. On y trouve toutes les informations relatives aux dates et aux lieux de ramassage ainsi qu’un formulaire en ligne permettant de s’inscrire comme bénévole.

+ D’infos www.cleanuptour.ch

Des tonnes de plastique jeté par an

Fondée en 2001 à Vevey (VD), Summit Foundation emploie quatre personnes et compte sur le soutien de plusieurs centaines de bénévoles. Démarré début mai, le Clean Up Tour 2021 s’achèvera fin septembre, bouclant une trentaine de journées de nettoyage en montagne, dont plus de la moitié ont eu lieu en Suisse romande. Les déchets récoltés sont de trois types: ceux qui sont perdus, ceux qui sont volontairement jetés dans la nature et ceux qui sont issus de l’exploitation des domaines skiables. En dehors des mégots, trois quarts des détritus sont du plastique. Il représente plus de 14000 tonnes abandonnées dans la nature chaque année en Suisse. «Notre message vise donc avant tout à inciter les gens à réduire au maximum son utilisation», explique Téo Gürsoy. La station d’Andermatt (UR) a interdit pendant plusieurs années les bouteilles en PET au profit de fontaines à eau, avant de revenir en arrière à cause de la Covid. «Résultat: sur 460 kilos de déchets ramassés sur son territoire, nous n’avons trouvé qu’une dizaine de bouteilles, soit cinq fois moins que la moyenne.»