Pétris d'idées, les frères Charlet visent les sommets de la boulangerie
Lorsqu’on va à la rencontre de deux frères boulangers et pâtissiers bardés de distinctions, on s’attend à ce que le rendez-vous se déroule à la table d’un tea-room ou sur le plan de travail d’un laboratoire, dans l’odeur doucereuse du levain. Mais le duo en a décidé autrement: c’est en pleine nature, dans une forêt des hauts de La Barboleuse (VD), qu’Adrien et Guillaume Charlet nous attendent.
Il faut dire que la nature représente un lieu de ressourcement essentiel à l’équilibre de ces artisans de haut vol, qui cultivent une exigence de tous les instants dès lors qu’ils boutonnent leur vareuse blanche. «Aller en pleine nature avec nos enfants, cueillir des champignons ou se balader, c’est ce qui nous permet de tenir le coup», indique Adrien.
Des distinctions multiples
La liste des distinctions obtenues par les deux frères de 38 et 34 ans pourrait faire office de curriculum vitae. Il y a l’aîné, Adrien, qui après un apprentissage de pâtissier-confiseur à Villeneuve (VD) puis un autre de boulanger à Verbier (VS) remporte le championnat romand des pâtissiers-confiseurs en même temps qu’il empoche son brevet fédéral.
Et il y a le cadet, Guillaume, qui réalise lui aussi deux apprentissages et est à chaque fois auréolé du titre de meilleur apprenti du canton, d’abord comme pâtissier-confiseur puis comme cuisinier, au sein du restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier (VD). Ce printemps, un nouveau prix est venu récompenser le duo: le Mérite culinaire suisse, qui couronne des chefs et des artisans incarnant l’excellence de la gastronomie. Dire qu’ils n’en sont pas fiers serait faire mentir la plaque qui rappelle ce titre sur la façade de la boulangerie.
L’excellence comme but
Il n’empêche, la reconnaissance qui compte le plus à leurs yeux n’est pas celle d’un jury professionnel. «C’est celle de nos clients quotidiens», résument-ils d’une même voix. Sur une souche, une miche de pain frais. Le cri d’un rapace, le craquement des branches dans le vent. La parenthèse de l’après-midi est une bouffée d’oxygène dans un quotidien qui tient davantage de la course de fond que du fleuve tranquille: les deux frères sont au laboratoire dès 3h du matin pour lancer les premières préparations et accueillir leurs équipes.
À chaque saison ses coups de stress. Pour Adrien, c’est la période des galettes des rois: «Il faut qu’elles soient rondes et brillantes. Si elles sont réussies, cela lance bien l’année.» Pour Guillaume, c’est le 24 décembre, lorsqu’il installe en vitrine ses bûches de Noël et que la file de clients remonte jusqu’à la rue. «Leurs sourires nous poussent à viser l’excellence.»
Leurs univers
Un sujet de discorde
L’individualisme. «Il n’y a pas de sujet sensible entre nous. Le seul problème pourrait être quand l’un prend une décision et oublie d’en parler à l’autre.»
Celui qui ne fait jamais débat
La stratégie. «On suit la même ligne directrice et on sait l’un comme l’autre précisément où on veut aller.»
Le plat qui les rassemble
La fondue à la tomate. «Selon la recette de notre grand-maman.»
Leur pain préféré
Celui au feu de bois. «Réalisé au levain, c’est un classique.»
Une vie à la boulangerie
Le terme n’est pas galvaudé, et explique le succès de cette enseigne familiale située aux portes de Villars-sur-Ollon (VD). On entre dans la Boulangerie Charlet comme dans un magasin de jouets: dans un décor de bois et de verre, pains, pâtisseries et chocolats accueillent une clientèle composée aussi bien de locaux que de touristes internationaux. Il y a dix ans qu’Adrien et Guillaume ont repris l’entreprise des mains de leurs parents.
En coulisses, Ghislaine et Didier Charlet continuent à prêter main-forte aux deux hommes, qui ne manquent pas une occasion de leur rendre hommage. Évoquer ce passage de témoin suffit à faire replonger les frangins dans l’histoire du lieu où ils ont grandi. «L’appartement était juste au-dessus de la boulangerie et comme il n’y avait pas de porte, toutes les odeurs montaient, se souvient Guillaume. On descendait en pyjama chercher le déjeuner.»
Caractères complémentaires
Si la modeste boutique a laissé place à un imposant chalet contemporain, les deux frères restent tout proches: ils y habitent l’un et l’autre. Quant à leur benjamine Caroline, enseignante, elle rejoindra l’aventure sous peu: «Elle va nous épauler pour la partie administrative. On préfère être au labo que derrière un bureau, et avec 35 collaborateurs, il y a un peu de paperasse…»
Notre moment préféré, c’était la nuit du réveillon, durant laquelle on pouvait aider notre papa à préparer les tresses.
Journées interminables, vacances rares, promiscuité: pour bon nombre de fratries, tout serait réuni pour faire naître des conflits. Pas entre ces deux-là. «On n’a pas le même caractère, donc on se complète, explique Guillaume. Je suis du genre à dire les choses sans prendre de gants, alors qu’Adrien est plus diplomate.»
L’envie de reprendre le flambeau
Leurs retrouvailles n’étaient pas écrites à l’avance. L’école finie, diverses possibilités s’offrent à chacun des frères, sportifs accomplis: vélo pour Adrien, tennis pour Guillaume. «Nos parents ont tenté de nous dissuader de reprendre le flambeau, mais depuis tout petits, on savait ce qu’on voulait faire, raconte Adrien. Notre moment préféré, c’étaient les nuits de réveillon: à 23h, on pouvait aider notre père à faire les tresses. On n’aurait pas pu imaginer plus belle manière d’entamer la nouvelle année.»
Après leurs apprentissages, les deux frères reviennent avec l’envie d’ajouter leur pièce à l’édifice familial. Entre eux, les idées fusent en permanence. Outre la création de nouvelles spécialités, ils proposent des pizzas au feu de bois à l’emporter, ou lancent leur marque de pop-corn en collaboration avec l’ancien footballeur Johan Djourou. Sans compter les prochaines idées qu’il est encore trop tôt pour dévoiler. Mais pour l’heure, il est temps de profiter de la nature en famille.
+ D’infos boulangeriecharlet.ch
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