«Edja», l'aventurière qui arpente le monde au rythme des sabots

La Niçoise d'origine a fait du voyage à cheval son style de vie et une expérience initiatique. Il y a six ans, elle a entamé un périple à travers l'Europe. Rencontre en Valais, où elle a fait halte avec ses deux équidés.
6 décembre 2025 Marion Police
© Louis Dasselborne

Les sabots claquent sur le bitume, le pas est rapide, même en montée. La cavalière se tient bien droite et nous salue d’une main levée, un franc sourire aux lèvres malgré une longue journée de marche. On trouve Edmée Mommeja au milieu des vignes, à quelques encablures d’Ayent (VS) où elle fera étape aux écuries du Picadéro, chez Florence Emery.

La jeune femme de 28 ans, originaire de Nice, a voyagé à travers la Suisse avec ses deux juments Marie et Lucie plusieurs semaines durant et s’apprête à faire une pause. Une fois les chevaux à l’abri, leurs têtes grises plongées dans le foin et leurs jambes enrobées d’argile, Edmée Mommeja s’affaire à ranger les divers bagages qu’elle devra à nouveau hisser sur leurs dos le lendemain.

Enfance citadine

Les animaux d’abord, c’est la maxime. Le trio a foulé le sol suisse pour la première fois en 2023 après deux mois d’un périple commencé au centre de la France. Depuis, Edmée Mommeja alterne entre des périodes d’emploi sédentaire et des mois d’exploration du territoire helvétique. Mais le voyage en lui-même, le grand voyage, a débuté bien avant. La jeune aventurière grandit dans le centre-ville de Nice aux côtés d’une mère et d’un père tous deux ingénieurs, ainsi que d’une petite sœur. «Nos parents nous emmenaient beaucoup à l’aventure en extérieur. Nous faisions du camping sauvage et de la randonnée», résume-t-elle.

Elle restera discrète sur une enfance citadine dont elle s’écarte lors de ces sorties et lorsqu’elle rencontre les chevaux. Mais c’est avec une chamelle qu’elle part pour la première fois en 2019. «J’avais besoin d’un défi. Les chevaux, je connaissais bien. Les vaches, c’était trop calme. J’ai pensé aux chameaux, ils me fascinaient.» Cette urgence du départ faisait suite à un grave accident de vélo survenu lors de vacances avec des amis en Allemagne. L’une d’entre eux y a laissé sa vie. «J’ai mis du temps à m’en remettre… Mais ça m’a changée. J’ai senti en moi une force de vie incroyable.»

À dos de chameau

Lorsqu’elle parle, Edmée Mommeja conserve une posture droite et sûre. Ancrée. Il lui en a fallu, de l’assurance, pour pérégriner d’abord avec Attika, ancienne chamelle de cirque, jusqu’en Pologne. Elle décide alors de passer l’hiver sur place, une période dont elle garde un souvenir ému. «Il y a là-bas une vraie tradition de l’accueil. C’est un honneur pour les gens de loger une voyageuse. J’ai trouvé refuge chez celle que j’appelle «ma mère polonaise». Dagmara m’a traitée de la même manière qu’elle traitait son propre fils.»

Malheureusement, la chamelle Attika décède après une infection. Edmée Mommeja connaîtra ensuite plusieurs compagnons d’aventure pour rallier la République tchèque, revenir en Allemagne… C’est là qu’elle achètera Marie. Mais rapidement, la jument se révèle boiteuse et sa propriétaire fait le choix de la rapatrier en France. Deux ans plus tard, lorsqu’Edmée Mommeja prend la direction de la Suisse, ce n’est pas avec un, mais deux chevaux.

Son univers

Un animal domestique

«Un chat. Indépendant et franc dans sa façon d’être. Il est un exemple pour moi.»

Un livre

«Ellana, le pacte des marchombres, de Pierre Bottero. Une recherche d’équilibre, de force et de liberté.»

Un film

«Into the wild, de Sean Penn. Un jeune homme part chercher sa vérité. La vie lui confirme que ce n’est que dans le partage qu’on est heureux.»

Un plat

«Les crêpes. Meilleur moyen de faire plaisir aux gens, dans n’importe quel pays.»

Par le col de la Gemmi

«Lorsque j’ai acheté Marie, je ne pouvais pas savoir qu’elle était gestante», confie-t-elle. Sa pouliche, Lucie, passera donc sa deuxième année de vie sur les routes. «C’est une force de la nature. Je la vois grandir et devenir très résistante mentalement. Sa mère, elle, a été longtemps dépressive. C’est seulement aujourd’hui qu’elle commence à s’ouvrir à moi. Toutes les deux ont une force qui m’inspire et me transforme», souffle Edmée Mommeja. Car pour la jeune femme, le voyage a un rôle initiatique. «Il s’agit de faire des rencontres, mais surtout de me développer. Je veux me dépasser.»

Les épreuves ne sont jamais bien loin, à l’image du passage du col de la Gemmi, il y a quelques semaines. «Au moindre écart de comportement, un cheval pouvait tomber. Mais elles ont tout fait tranquillement. Elles m’ont fait confiance, je leur ai fait confiance.» Kandersteg, Thoune, Berne, puis retour par le Jura, Fribourg et Château-d’Œx. Les paysages défilent dans la douceur automnale. Edmée Mommeja s’amourache du lac de l’Hongrin où un groupe de jeunes amateurs de slackline – pratique sportive s’apparentant au funambulisme sur une sangle élastique tendue au-dessus du sol – lui offre un toit, lui épargnant une nuit glaciale.

Digérer le voyage

«C’est tout le temps comme ça: quand c’est difficile, il se passe quelque chose d’extraordinaire.» Aujourd’hui, à l’aube d’une nouvelle saison d’hiver et de travail, Edmée Mommeja réfléchit à regagner le sud de la France d’ici à quelques mois. Elle a besoin de se reposer, de se stabiliser. «Le voyage ne permet pas vraiment de prendre du recul, de digérer les choses.» Si le nomadisme l’a changée, il l’a aussi confrontée à quelques rudes réalités, notamment les clichés liés au fait d’être une femme qui serait moins forte, moins capable qu’un homme.

«Dans un monde où le masculin impose sa loi, partir à l’aventure est une façon de résister. J’aimerais être initiatrice et que les femmes osent aussi», conclut-elle. Les aventures d’Edmée Mommeja, Marie et Lucie feront l’objet d’un film réalisé par Devon Allowitz, étudiant en cinéma. Le court-métrage devrait s’intituler Edja, le surnom polonais de l’intrépide voyageuse.

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