La grande errance du sympétrum à nervures rouges

Les oiseaux n'ont pas le monopole de la migration. Une libellule, le sympétrum de Fonscolombe, entreprend chaque année de longs voyages, qui s'assimilent davantage à un parcours erratique.
27 juillet 2025 Daniel Aubort

Certaines libellules ont la fibre voyageuse. Alain Maibach, docteur es sciences et biologiste conseil, évoque les longs déplacements du sympétrum à nervures rouges, ou de Fonscolombe (Sympetrum fonscolombii), en apportant toutefois une correction aux termes utilisés: «Selon les conditions météorologiques générales sur le bassin méditerranéen, des «nuages» de sympétrums de Fonscolombe sont aspirés vers le nord et essaiment aujourd’hui jusque dans le sud de la Scandinavie, en Grande-Bretagne et sur les côtes de l’Irlande. On ne peut pas franchement parler d’une espèce migratrice, mais plutôt d’une espèce erratique.»

Les sympétrums rencontrés au premier printemps sous nos latitudes sont le plus souvent des individus de l’espèce fonscolombii arrivés du sud de l’Europe.

Emporté par le vent

Le sympétrum de Fonscolombe ne suit pas des chemins déterminés pour parvenir chez nous. Le départ de nuées serait lié à l’émergence simultanée de milliers d’individus, dans leur patrie d’origine du pourtour méditerranéen et du sud de l’Europe, mais également aux changements de conditions des milieux habités. «L’assèchement de sites comme les rizières, et la densité des cohortes jouent vraisemblablement dans le rôle de déclencheur du parcours erratique de S. fonscolombii, poursuit Alain Maibach.

Sans chemin précis, les libellules sont emportées passivement par le vent et se disséminent dans le nord du continent, leurs déplacements étant avant tout liés aux conditions anticycloniques générales rencontrées sur l’Europe. Le Sympetrum fonscolombii est un opportuniste et son caractère erratique lui permet de se trouver au bon endroit au bon moment, mais avec certainement des pertes gigantesques.» De plus, et contrairement aux oiseaux, on n’assiste pas à des mouvements de retours vers le sud en automne pour fuir les frimas de l’hiver.

Espèce aux couleurs lumineuses

Classé parmi les anisoptères, sous-ordre de libellules de taille moyenne à grande reconnaissables à leurs larges yeux, le sympétrum à nervures rouges est remarquable par la vivacité de ses couleurs. Des critères permettent de le distinguer des autres espèces indigènes de sa famille. On le reconnaît notamment à ses pattes noires finement striées de jaune et à ses ptérostigmas, petites cellules colorées situées aux extrémités des ailes.

Chez S. fonscolombii, les ptérostigmas sont de couleur jaune-brun et bordés d’un fin liseré noir. La couleur des yeux est également un indice. Ils sont rouges en haut, bleus en bas. L’espèce est aussi nommée «sympétrum à nervures rouges» en raison de la teinte de nervures à leur base. Les mâles ont l’abdomen rouge vif, les femelles l’ont jaune.

À l’affût pour chasser

Les grandes libellules chassent souvent en parcourant leur territoire d’un vol infatigable. Pour sa part, Sympetrum fonscolombii pratique volontiers l’affût. Il se tient posé sur une brindille ou sur la végétation aquatique. De ce poste, l’insecte observe en tous sens afin de repérer le passage de proies (insectes volants) qu’il saisit lors d’un vol éclair.

L’espèce s’écarte régulièrement des plans d’eau pour chasser en lisière de forêt et le long des chemins de campagne. Par de fortes chaleurs, le sympétrum de Fonscolombe adopte une surprenante posture: celle dite de «l’obélisque». Posé avec les ailes protégeant le thorax, l’insecte pointe son abdomen en direction du soleil, cette position lui permet d’atténuer l’absorption de chaleur par son corps.

Répartition plus vaste

Le sympétrum à nervure rouges peuple l’Europe, l’Afrique, l’Asie centrale, l’Inde et jusqu’à certaines îles de l’océan indien. «En Suisse, l’espèce peut être considérée comme indigène puisqu’elle s’y reproduit de manière régulière. Toutefois ses populations restent dépendantes d’apports externes des régions du sud.

On assiste dès les mois de mai et juin aux premières pontes, qui vont engendrer des émergences en août-septembre, puis une deuxième génération partielle en septembre-octobre, avec à chaque fois une diffusion des individus souvent loin des sites de reproduction», précise Alain Maibach.

En Suisse, des pontes et des larves traversent maintenant les hivers cléments avec des émergences au printemps. Situation que le réchauffement risque d’influencer toujours plus.

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