La ferme Heidi raconte la vie dans les campagnes d'antan
Elle trône à l’entrée du village de Souboz (BE), comme si elle veillait sur ce petit hameau installé à flanc de coteau dans ce vallon qui relie Moutier à Bellelay. Huitante habitants tout juste, une distillerie, et la silhouette massive du Moron pour décor. Difficile de manquer cette imposante ferme, à l’architecture typique du Jura bernois. La plus grande partie, servant autrefois d’écurie et de grange, est faite de bois. Quant à la portion du bâtiment destinée à l’habitation, la plus petite, elle est de pierre.
Cuisine emblématique
Ce n’est pourtant pas une ferme comme les autres: depuis 2022, la Maison Heidi fait partie du catalogue de la fondation Vacances au cœur du Patrimoine. Avant même d’entrer dans ce lieu chargé d’histoire, la nature et le calme qui entourent la bâtisse font déjà partie de l’expérience.
Puis on pousse la lourde porte en bois et on s’offre un saisissant saut dans le temps en entrant directement dans le vif du sujet: la cuisine voûtée, pièce centrale de la maison, qui pourrait résumer à elle seule le défi consistant à faire entrer un peu de modernité dans un bâtiment historique.
Le plafond de la cuisine, noirci par la suie, raconte un peu de l’histoire de la maison.
«Les cuisines voûtées, généralement construites en calcaire, sont typiques de l’architecture rurale traditionnelle jurassienne, explique Claudia Thommen, architecte de la fondation. Elles constituent autant de symboles de la manière dont on vivait dans les campagnes d’antan.» Dans le cas de la Maison Heidi, ce passé remonte à 1684, l’année de sa construction, sculptée dans l’imposant bloc de pierre taillé pour constituer le linteau de la porte. Un passé que la fondation a décidé de laisser visible, notamment au plafond de la cuisine: il est encore marqué par la suie.
Ces traces rappellent la double utilité d’une pièce qui ne servait pas seulement à préparer les repas, mais jouait aussi le rôle de fumoir pour la viande. «Nous voulions conserver autant que possible la substance architecturale de la maison lors de la rénovation, rappelle Claudia Thommen. Et cette suie au plafond raconte un peu de son histoire.»
Le moderne et l’ancien
Après avoir été habitée durant près de trois siècles, la maison voit ses derniers occupants partir en 1943. C’est sans doute justement cette absence qui lui aura permis d’être aussi bien préservée. Les propriétaires la cèdent à la fondation en 2017 sous le principe du droit de superficie, et les rénovations commencent en 2021, sous la direction de l’architecte delémontaine Nathalie Kury.
Comme c’est le cas dans la plupart des maisons de la fondation, les structures ayant le moins d’intérêt historique sont privilégiées pour accueillir les plus importants travaux. Ainsi est-ce dans le sol de la cuisine de la Maison Heidi que l’on réalise une excavation pour intégrer la tuyauterie de l’îlot de cuisine ainsi que le chauffage au sol, alimenté par une pompe à chaleur air/eau. Une manière de mêler l’ancien et le moderne pour mettre en valeur l’un comme l’autre.
En chiffres
1684, l’année de construction de la Maison Heidi.
2 ans de travaux, de 2021 à 2022.
734 000 francs, le coût de la rénovation.
1 seul étage chauffé par une pompe à chaleur air/eau.
2022, l’ouverture de la maison à la location.
Un escalier contourne l’ancien poêle en faïence et permet d’accéder à l’étage supérieur. Un niveau où les travaux ont été très discrets: un crépi à la chaux a été ajouté par touches, et uniquement où cela était nécessaire, tout comme les planches du sol, remplacées de manière individuelle.
Des murs laissés intacts
Avant l’intervention de la fondation, les propriétaires avaient déjà entrepris des rénovations de l’enveloppe extérieure: «Le toit, la façade et les fenêtres avaient été refaits avec soin en collaboration avec le service cantonal de conservation des monuments», précise Claudia Thommen.
Le point le plus compliqué? Sans surprise, l’isolation, éternel casse-tête des architectes travaillant sur d’anciennes maisons. «Nous avons décidé de garder les murs extérieurs en pierre tels qu’ils étaient et de ne rien ajouter. L’épaisseur des murs suffit à assurer son inertie thermique. Nous avons intégré l’isolation dans la séparation avec la grange, une modification qui est invisible depuis le logement tout en étant réversible.»
Nouveau souffle pour le village
Devant la Maison Heidi, la fondation a installé un petit jardin de plantes, d’anciennes variétés promues par la fondation Pro Specie Rara: «Les hôtes sont invités à s’y servir pour cuisiner. Cela permet aussi d’aborder la question de la biodiversité. Il faut dire que ces maisons historiques sont parfois de véritables petits écosystèmes à elles seules. Le vieux bois sert d’abri à certains insectes, tandis que le toit ou la grange peuvent même faire office de refuge aux chauves-souris.»
La démarche de la fondation Vacances au cœur du Patrimoine s’étend aussi au-delà de la simple conservation d’une maison historique. Elle promeut une approche raisonnée du tourisme, qui peut profiter à toute la localité. À ce titre, l’exemple de Souboz est parlant: un nouveau souffle existe depuis quelques années, entraînant un élargissement des horaires de la ligne de bus locale, tandis que l’épicerie du village est ouverte plus souvent. Peut-être la Maison Heidi veille-t-elle vraiment sur le village, au fond.
+ d’infos À l’occasion des 20 ans de la fondation Vacances au cœur du Patrimoine, Terre&Nature vous propose une série en quatre volets à la découverte de maisons emblématiques. vacancesaucoeurdupatrimoine.ch
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