A observer
L’étourneau n’est pas qu’un chapardeur de raisins

Plutôt discret le reste de l’année, cet oiseau focalise l’attention en début d’automne, lorsqu’il assaille en nuées les vignobles. Mais, à l’observer de plus près, il mérite bien mieux que sa réputation de pilleur.

L’étourneau n’est pas qu’un chapardeur de raisins

Vol à la tire
Bien qu’omnivore, l’étourneau sansonnet a visiblement un faible pour les baies. Mûres, de préférence. Et il n’aime rien tant qu’en faire bombance en famille. Ces orgies comptant parfois plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’individus, autant dire que le volatile n’a pas bonne presse auprès des arboriculteurs et surtout des vignerons. D’où la pose de filets, pour réduire les dégâts. «Ces derniers ont longtemps été des pièges fatals pour quantité d’étourneaux et d’autres oiseaux. Mais depuis 2010, des méthodes d’installation ménageant la faune ont été développées et proposées aux viticulteurs. Elles limitent fortement le nombre de victimes prises dans les filets», indique Jérôme Duplain, collaborateur scientifique à la Station ornithologique suisse de Sempach (LU).

Arabesques dans le ciel
Il faut dire que l’étourneau est un malin et que les autres systèmes d’effarouchement, notamment sonores, ne portent guère leurs fruits. «Cela tient en partie au fait qu’il se déplace en bandes, ce qui rend ses mouvements imprévisibles, tout en diminuant les risques de prédation par un épervier ou un faucon pèlerin», poursuit le biologiste. Les vols en nuées sont du reste une caractéristique de cette espèce grégaire et sociale. Elle est une des rares à les pratiquer dans nos contrées, avec les pinsons du Nord qui font parfois escale chez nous, mais en hiver.

Familles nombreuses
Si Sturnus vulgaris semble particulièrement semer la pagaille dans les vignes en septembre et octobre, c’est que les juvéniles nés au printemps ou au début de l’été sont venus gonfler les rangs. «Environ 130’000 couples se reproduisent en Suisse chaque année. Cavernicole, l’étourneau élit généralement domicile dans des cavités naturelles ou creusées par des pics. Il n’est pas rare non plus qu’il squatte des nichoirs destinés à d’autres espèces, telles les huppes fasciées. Très prolifique, il peut faire deux nichées entre avril et juillet, comptant chacune 4 à
6 jeunes», précise l’ornithologue. À ces effectifs plutôt stables s’ajoutent encore les étourneaux qui, migrant du nord-ouest de l’Europe vers le sud, ne font que traverser notre pays en automne… sans pour autant se priver, en bons opportunistes qu’ils sont, de se servir au passage!

Vibratos coloratos
Assez semblable au merle noir de par sa taille et son bec jaune, l’étourneau s’en distingue par son plumage aux reflets violets et moucheté de blanc, mais également par ses parades nuptiales. Souvent perché en évidence, il aligne les vocalises pour séduire sa partenaire tout en battant des ailes. Une autre de ses particularités est qu’il imite très bien différents passereaux, dont le loriot d’Europe. «À tel point que, au tout début du printemps, une oreille non avertie pourrait croire à une migration précoce du loriot qui, lui, n’arrive en général que fin avril!», sourit Jérôme Duplain.

Ennemi et ami
Présent à l’origine de l’Europe à la Chine, l’étourneau a été introduit par l’homme sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. Il s’y est fort bien développé, étant même considéré comme nuisible aux États-Unis, à la fois pour les cultures qu’il pille, mais aussi pour les autres oiseaux auxquels il fait concurrence. En Suisse, ses effectifs sont abondants et il ne fait donc pas l’objet de projets de conservation particuliers. S’il peut lui arriver de nicher jusque vers 2000 mètres d’altitude dans les Alpes, c’est surtout en plaine qu’il s’établit, le temps de se reproduire, privilégiant alors les milieux agricoles ouverts comme les vergers, les pâturages ou les lisières. Une période de nidification au cours de laquelle il redore d’ailleurs son blason auprès des paysans, mais cette fois-ci sans faire grand bruit: «Au printemps, il est volontiers insectivore, et consomme énormément de tipules, ces gros moustiques dont les larves peuvent endommager certaines cultures maraîchères», souligne l’ornithologue. Comme quoi, on peut être chapardeur et auxiliaire à la fois!

+ D’infos www.vogelwarte.ch

Texte(s): Céline Prior
Photo(s): DR