Animaux
Dans le salon de la jeune Mia, les escargots géants sont rois

À Essert-sous-Champvent (VD), Laurent Duvoisin et sa fille ont adopté ces drôles de bêtes à cornes venues d’Afrique. Des compagnons discrets qui nécessitent toutefois quelques soins et beaucoup d’observation.

Dans le salon de la jeune Mia, les escargots géants sont rois

Ils s’appellent Big Mamma, Twingo ou Raoul, et sont des animaux de compagnie pour le moins originaux. Des escargots géants d’Afrique plus exactement, Lissachatina fulica de leur nom latin. Longs d’une quinzaine de centimètres, ils paraissent encore plus grands qu’ils ne sont dans les petites mains de Mia, leur jeune soigneuse de 10 ans. «Lui, c’est Charlie. Il est âgé de 6 ans, mais n’avait que 4 mois quand on l’a adopté. Aujourd’hui, il pèse 150 grammes, c’est le plus gros de la bande», raconte fièrement l’écolière d’Essert-sous-Champvent (VD). Si elle dit aimer toutes les bêtes – chez sa mère, elle possède aussi un rat et trois chats et a eu des coléoptères et une mante religieuse –, les gastéropodes occupent une place à part.

Plus grand spécimen terrestre

Sa passion est née alors qu’elle n’avait que 4 ans. À l’occasion d’une journée en famille à la montagne, elle aperçoit au bord d’un chemin un jeune individu à la coquille cabossée. «C’était un bébé, il était de la taille d’un ongle. Je l’ai ramené à la maison pour le soigner et je me suis beaucoup attachée à lui. Malheureusement, il est mort quelque temps plus tard», raconte Mia. Son père accepte alors d’adopter d’autres spécimens. «Je me suis renseigné sur internet et j’ai appris l’existence des escargots géants d’Afrique», explique Laurent Duvoisin. Ce gastéropode, originaire de l’est du continent, est la plus grande espèce terrestre au monde.

Ils achètent deux premiers Lissachatina fulica au prix de cinq francs chacun dans une animalerie de la région. Mia les baptise Charlie et Gizmo. Quelques mois plus tard, surprise: père et fille découvrent dans un coin du terrarium une première ponte d’œufs. Ils en gardent quelques-uns pour agrandir leur élevage. Les autres sont aussitôt retirés et placés dans un sac plastique au congélateur afin de stopper leur développement. «Un seul individu peut pondre jusqu’à 80 œufs plusieurs fois par année. On doit donc rester attentif pour ne pas se retrouver submergé», prévient le maître socioprofessionnel devenu éleveur autodidacte.

Régime omnivore

Car, si les gastéropodes sont des bêtes faciles à soigner, ils nécessitent tout de même un entretien régulier. «Il faut notamment sprayer de l’eau dans les terrariums pour maintenir leur environnement humide, changer le substrat de noix de coco toutes les trois semaines environ et bien sûr les nourrir.» Leur régime est omnivore, mais surtout végétal. Au menu des protégés de Mia: concombre, salade, fanes de carottes, courgettes, navets, haricots ou fenouil. Parfois, ils reçoivent également des amandes, noix, noisettes et graines de chia. «Ce qu’il faut à tout prix éviter, ce sont les aliments comme le maïs ou la pomme de terre, car l’amidon les fait sécher de l’intérieur, ainsi que ceux qui sont acides, tels les agrumes, et tous les légumes de la famille des oignons», met en garde Laurent Duvoisin.

Le piment doux, le poivron rouge ou encore le lupin sont en revanche conseillés pour leur action vermifuge. «De temps en temps, nous leur donnons aussi des croquettes pour chats et des vers de farine pour l’apport en protéines. Et ils ont besoin en permanence d’une coupelle d’eau et d’un os de seiche riche en calcium pour la santé de leur coquille.»

 

Un marché très confidentiel

En captivité, l’espèce peut vivre entre cinq et dix ans. Et, de l’avis de Mia, ces drôles de bêtes à cornes sont plus attachantes qu’on pourrait le penser. «Ils sont super sociables et je les trouve intelligents. Ils savent exactement où est la salade, chacun a son petit caractère», assure la jeune passionnée. Le gastéropode africain réunirait-il tous les atouts pour devenir le nouveau compagnon de salon idéal? Selon Yves Morel, directeur des ventes chez Qualipet, leader suisse des magasins animaliers, aucune tendance n’est toutefois observée: «Certaines de nos enseignes les proposent à la vente, mais la clientèle demeure extrêmement rare. Pour l’heure, c’est vraiment un marché de niche dont le commerce se fait essentiellement entre particuliers», assure-t-il.

Laurent et Mia Duvoisin ont d’ailleurs déjà offert quelques-uns de leurs spécimens à des connaissances. «Les gens se montrent souvent un peu dégoûtés au premier abord. Mais la plupart se laissent séduire ensuite. Au départ, je n’avais pas particulièrement d’attrait pour les escargots non plus. Pourtant, plus je les observe, plus je les trouve fascinants», raconte Laurent Duvoisin. Et puis ces animaux possèdent deux atouts non négligeables: «Ils ne font aucun bruit et ne perdent pas leurs poils sur le canapé», conclut le trentenaire dans un sourire.

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): Thierry Porchet

Très voraces

Ne vous fiez pas à leur apparente tranquillité. Si les escargots géants d’Afrique sont certes tout ce qu’il y a de plus pacifique avec les humains, ils représentent en revanche une véritable menace pour leurs cousins européens. «Lissachatina fulica est un animal exotique extrêmement vorace. Il n’a rien à faire chez nous et il ne faut jamais relâcher de spécimens dans la nature», insiste Laurent Duvoisin. Ces gastéropodes figurent d’ailleurs sur la liste des 100 pires espèces envahissantes, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Questions à Estée Bochud, biologiste spécialiste des mollusques et collaboratrice au Musée d’histoire naturelle de Berne

Combien d’espèces d’escargots existe-t-il dans le monde?

Notre planète compte entre 50000 et 55000 espèces marines, 25000
à 30000 terrestres, et 6000 à 7000 qui vivent en eau douce. Les plus gros spécimens sont les escargots marins. La collection du Musée d’histoire naturelle de Berne en possède plusieurs, dont une coquille de Cassis cornuta de 37 centimètres et 6 kilos, et une de Syrinx aruana de 51 centimètres et 2,3 kilos.

Et quels sont les chiffres pour la Suisse?

On a recensé 246 espèces: 167 escargots terrestres, 44 d’eau douce et 35 nudibranches, soit des mollusques gastéropodes dépourvus de coquille. Les plus répandues sur notre territoire sont Arianta arbustorum, appelée aussi «Hélice des bois», Helix pomatia, qu’on connaît sous le nom plus commun d’escargot de Bourgogne, et Helicodonta obvoluta.

Comment se portent-ils chez nous, leurs populations sont-elles menacées?

Selon la dernière liste rouge, qui date déjà de 2010, 41% des mollusques de Suisse étaient considérés comme menacés. La situation s’est probablement encore aggravée aujourd’hui.