Agriculture
Cacahuètes, micropousses, chanvre ou safran: qui sera le grand gagnant?

Quatre projets sont en lice pour le Prix à l’innovation agricole de l’État de Fribourg. Si un jury délibérera ce printemps, le public peut aussi voter en ligne en avril pour son coup de cœur. Voici une présentation des finalistes.

Cacahuètes, micropousses, chanvre ou safran: qui sera le grand gagnant?

Novateurs, viables et durables: tels sont les trois principaux critères pour remporter le Prix à l’innovation agricole, organisé depuis 1998 par l’État de Fribourg. En 2022, une épicerie coopérative, de la mozzarella au lait fribourgeois, un piège antiravageurs et un robot désherbant avaient été sacrés. Cette année, parmi la dizaine d’acteurs s’étant annoncés, quatre se sont distingués. «Il s’agit de personnes pionnières, actives dans l’agriculture ou l’agroalimentaire, qui ont lancé un projet concret, mais qui ont besoin d’un coup de pouce pour se développer. Nous sommes ravis de pouvoir les aider et les valoriser», expose Urs Zaugg, organisateur de cette 18e édition. Au mois de mai, un jury présidé par le conseiller d’État Didier Castella partagera une enveloppe de 25 000 francs entre les quatre lauréats. En parallèle, un prix spécial de 5000 francs sera remis à celui qui aura récolté le plus de votes en ligne. «Les projets qui étaient innovants il y a dix ans sont devenus la norme aujourd’hui. C’est pourquoi il est important de les soutenir constamment», souligne-t-il. La remise des prix aura lieu le 12 juin prochain.

Les votes sont ouverts jusqu’au 30 avril sur innovation-pia.ch

 

Des micropousses à la verticale

Lorsqu’ils se sont rencontrés durant leurs études de gestion, Léandre Chkarnat et Julien Bourquenoud n’y connaissaient pas grand-chose en agriculture, encore moins en micropousses. Pourtant, quand la Fondation Saint-Louis, établissement de réinsertion sociale à Fribourg, leur a proposé de développer ce concept avec les résidents, les jeunes hommes se sont vite pris au jeu. Après un an de test, ils ont créé leur petite entreprise, Pousses en l’air, en 2022. Aujourd’hui, le duo fait germer des choux rouges, des brocolis, des radis roses, de la bourrache ou encore de la moutarde sur de grandes étagères, dans un local à Givisiez (FR). «Cette culture novatrice a énormément d’avantages. En plus d’être bonnes, belles et saines, les micropousses ne mettent qu’une semaine à sortir de terre, tout en étant très peu gourmandes en eau», expose Léandre, âgé de 33ans. En effet, après que les graines ont été semées dans un substrat en chanvre puis plongées dans l’obscurité, les premières feuilles apparaissent rapidement grâce à la lumière LED. Tout au long du processus, une pompe pulvérise de l’eau puis la réutilise en circuit fermé. À terme, les deux collègues espèrent produire une vingtaine de kilos par jour. «Pour l’instant, nous livrons des restaurants et allons sur les marchés. Avec ce Prix, nous espérons étoffer notre clientèle et sensibiliser les consommateurs à ces superaliments.»

 

Culture de safran dans des bacs

Cuisinier de formation, Fabien Fragnière cultivait depuis près de douze ans des Crocus sativus dans son jardin, afin d’agrémenter ses petits plats du quotidien. En 2020, ce fils d’agriculteurs a décidé de reprendre le domaine familial, à Grolley (FR), pour développer son produit fétiche. Durant l’été, le Fribourgeois a planté 100 000 bulbes sur une surface de 6000 m2, qui ont éclos en automne. «Les récoltes se font sur plusieurs jours toute la saison. Chaque fleur est cueillie après la rosée du matin et émondée le jour même, afin de faire sécher les pistils. C’est une grande charge de travail», raconte-t-il. Environ 200 000 crocus sont nécessaires pour un kilo de safran. Afin d’améliorer sa productivité, celui qui est aussi un adepte de l’agroforesterie aimerait surélever ses plantations en les mettant dans des bacs en bois. «Cela permettrait d’extraire plus facilement les bulbes du sol après la floraison, afin de les multiplier manuellement au printemps», explique-t-il. Cette installation équipée d’un grillage vise aussi à optimiser le drainage, tout en empêchant la venue des campagnols. «Ces rongeurs causent environ 20% de pertes chaque année», rapporte-t-il. Actuellement, le domaine commercialise sa production en vente directe, en ligne et dans des épiceries régionales, sous forme de biscuits, de pâtes, de confitures ou encore de pain d’épice.

 

Huilerie pour le chanvre, mais pas que

Développer la filière du chanvre suisse de manière durable, c’est le credo de la start-up Flow. À sa tête, Florian Meyer, qui a lancé sa petite entreprise à la fin de ses études d’ingénieur mécanique, en 2021. «Cette plante résistante répond à de nombreux enjeux environnementaux, car elle demande peu d’entretien et d’arrosage, pousse en moins de trois mois, tout en absorbant beaucoup de CO2 pendant sa croissance. Malgré tout, elle est peu cultivée en Suisse. J’ai eu envie de la promouvoir.» Aujourd’hui, le jeune homme de 27 ans collabore avec cinq agriculteurs bios dans les cantons de Fribourg et de Vaud, afin de confectionner divers produits dans son atelier situé au domicile familial, à Mouret. Parmi ceux-ci, on retrouve des farines, des pâtes, des infusions ainsi que des huiles. «Toutefois, l’huilerie la plus proche est dans le canton de Vaud, il n’en existe pas à Fribourg. C’est dommage, notamment pour les producteurs régionaux de colza et de tournesol. Souvent, ceux-ci ne valorisent pas leurs cultures par manque de praticité et les vendent à de grands distributeurs, qui les transforment eux-mêmes et empochent la marge.» Pour pallier ce problème, Florian Meyer souhaite créer une huilerie artisanale en circuit court. «Plusieurs paysans sont déjà intéressés. Certains ont même proposé un local. C’est prometteur!»

 

Machine pour cueillir les cacahuètes

«J’adore les cacahuètes, alors je me suis dit que ça allait marcher. Je le fais avec le cœur!» lâche Daniel Schaller avec enthousiasme. Cet agriculteur singinois, installé à Wünnewil (FR) dans un domaine aux mains de sa famille depuis neuf générations, a démarré cette culture originale l’an dernier, après avoir diminué sa production d’ail biologique. «Ce n’était plus assez rentable. Mais entre-temps, j’avais acheté un séchoir à pellets, donc je voulais le rentabiliser. D’autres collègues alémaniques avaient déjà planté cette arachide. J’ai décidé de me lancer», raconte-t-il. En mai dernier, il a consacré environ 40 ares à cette culture et plusieurs centaines de kilos ont été récoltées en septembre. «Ça a super bien marché, notamment grâce à notre climat de plus en plus chaud. La cacahuète n’a besoin d’aucun arrosage et supporte les fortes températures. Ses feuilles restent vertes même quand tout est sec.» Fort de son succès, le paysan s’apprête à planter un hectare ce printemps. Seul bémol: «Les récoltes sont difficiles, car il faut tout faire à la main. Si je gagne ce Prix, j’aimerais m’acheter une machine spécifique destinée à cette tâche, qui vient de Chine.» Il vendra sa production à son domaine et dans diverses épiceries en vrac. À terme, celui qui est aussi éleveur de vaches laitières et sélectionneur de céréales souhaite fabriquer du beurre et de l’huile de cacahuète.

 

 

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): DR