Les moutons apportent toujours plus leur aide pour désherber les vignes
En plein cœur de l’hiver, il est de plus en plus fréquent de croiser des ovins dans les vignes, quel que soit le vignoble concerné. En Lavaux, le troupeau de Gérald et Fabien Vallélian, à Saint-Saphorin (VD), fait ainsi le bonheur des promeneurs, qui s’arrêtent souvent pour admirer les bêtes. Mais au-delà de l’image d’Épinal, cette pratique apporte certains avantages. Si les viticulteurs bios ont été les premiers à oser se lancer, ceux qui travaillent en conventionnel s’y intéressent désormais également. «Les moutons permettent de nettoyer l’herbe résiduelle en fin de saison, note le vigneron du domaine des Faverges. Mais l’idéal est de pâturer le plus tard possible en février ou mars, afin de retarder la repousse de printemps et de s’épargner ainsi une fauche.»
Entretenir les parchets alors que la vigne est au repos, voilà en effet l’atout principal des ovins. «Un passage en moins avec la machine représente une économie de carburant non négligeable», souligne Véronique Rouvinez, de Sierre (VS). D’autres y voient principalement un gain de temps. «Je privilégie les parcelles où il serait plus compliqué d’accomplir la tâche avec la débroussailleuse, explique Vincent Gränicher, de Tartegnin (VD). J’économise du temps de travail.»
Quant à la fertilisation, autre point souvent mis en avant, elle est difficile à quantifier. Les viticulteurs contactés admettent ne pas avoir observé de différence. «J’ai un taux élevé de matière organique, grâce au couvert végétal, mais il est souvent trop carboné, observe néanmoins Gérald Vallélian. Les déjections des moutons permettent d’amener un peu d’azote.» Si l’aspect marketing est pour l’heure peu mis à profit par les vignerons, les domaines Rouvinez, en Valais, ont créé des assemblages de rouge, rosé et blanc «nez noir», du nom de la race qui pâture quelques-unes de leurs terres.
Éviter certains déboires
Entre un seul parchet et quasiment l’entier des surfaces, la part broutée varie fortement d’une exploitation à l’autre, certaines parcelles se prêtant plus ou moins bien à la pâture. Les jeunes vignes, trop fragiles, ne conviennent guère. Tout comme celles équipées de goutte-à-goutte, à cause du risque de dégâts qui pourraient être occasionnés à l’installation. De même si un semis direct a été effectué pour mettre en place un couvert végétal. «Il est plus difficile de poser une clôture dans les vignobles en terrasse escarpés de Lavaux, admet Vincent Chollet, du domaine Mermetus, à Aran (VD). La région compte en outre par endroits des vignes de petite taille, avec beaucoup de murs, guère pratiques.»
Certains reprochent aux bêtes d’abîmer les installations de soutien ou de casser une corne du plant en s’y frottant. La hauteur du premier fil peut jouer un rôle, laissant plus ou moins facilement passer les moutons dessous. Attention également aux traitements phytosanitaires, qui peuvent mettre en danger la santé des animaux, les ovins étant particulièrement sujets aux intoxications par le cuivre. Naturellement, le troupeau sera enlevé avant que la vigne débourre, sous peine de voir les animaux s’y attaquer.
Expériences différentes selon les races
Du mouton d’Ouessant, le plus petit ovin au monde, à l’imposant nez noir du Valais, en passant par le brun noir du pays, les spécimens engagés dans les vignes présentent une grande diversité de races. Si tous peuvent remplir leur rôle avec succès, on notera cependant que certains viticulteurs ont fait de moins bonnes expériences avec des animaux de grande taille: ils ont tendance à commettre davantage de dégâts quand ils se frottent contre les piquets, ou à dégager trop de feuilles au-dessus de la grappe lorsqu’ils sont utilisés pour les effeuilles. Quand les brebis ont des cornes – à l’image des roux du Valais ou des nez noirs –, celles-ci peuvent également plus facilement casser des fils de soutien. Petits, ils devront être plus nombreux pour être efficaces.
Demande croissante
Malgré ces quelques points à respecter, la pratique s’est plus largement répandue ces dernières années. Néanmoins, la développer est pour l’heure difficile, les moutonniers ne pouvant pas répondre à la demande de la majorité des viticulteurs. «Ma centaine de brebis pâture plus de 90 hectares de vignoble sur La Côte, note Quentin Vuilleumier, de Montricher (VD). Je reçois chaque année davantage de requêtes, que je dois malheureusement refuser.» Justine Jacquemart, dont les moutons d’Engadine sont actifs dans les vignes de Genève à Lavaux, admet également ne pas faire de publicité, car elle ne peut déjà plus honorer toutes les sollicitations. Des viticulteurs, encore rares, ont donc opté pour leur propre troupeau.
Chaque automne, Fabien Vallélian achète une trentaine d’agneaux. «Historiquement, les vignerons étaient souvent aussi paysans, observe le Vaudois. La viande produite sur notre domaine est servie lors des vendanges ou vendue en direct.» Le temps nécessaire à la gestion de ses propres moutons ne doit cependant pas être négligé. Vincent Chollet, bien que convaincu par la pratique, a arrêté l’expérience, à l’exception d’un clos géré par un autre propriétaire d’ovins. Reste que le potentiel est bien présent. Certains exploitants, à l’image de Yann Bertholet, à Villeneuve (VD), ont même fait des essais prometteurs pour les effeuilles, économisant ainsi du personnel.
Echange gagnant
Accueillir des ovins dans ses vignes ne coûte généralement rien au viticulteur. La majorité des moutonniers y voient un échange de service, à savoir du fourrage gratuit pour le troupeau contre une fauche à titre gracieux. Quelques éleveurs demandent néanmoins un dédommagement. Matériel, montage des clôtures, mise à disposition des animaux, surveillance, déplacements: le travail et le coût ne sont en effet pas négligeables. Vu le déséquilibre entre l’offre et la demande, les propriétaires de moutons privilégient souvent les parcelles plus faciles à clôturer.
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