Comment alléger la facture énergétique des exploitations?

Gérer une ferme, c’est également aller au-devant de nombreux défis financiers. Cette année, Terre&Nature a décidé d’aborder une série de questions en lien avec cette thématique.
30 mai 2024 David Genillard 
© Illustration Marcel G.

Face aux factures d’électricité et de chauffage et devant la pompe à essence, plus d’un Suisse se gratte la tête. La crise énergétique pèse sur les familles et les ménages agricoles ne sont pas épargnés. Ce n’est qu’une moyenne, mais elle donne une assez bonne idée du défi auquel font face les paysans.

La consommation électrique d’une ferme équivaut à celle de quatre ou cinq foyers, à laquelle il faut ajouter 4000 litres de diesel et autres combustibles fossiles par an, selon les chiffres articulés par l’Union suisse des paysans. La fourchette peut toutefois être large (lire l’encadré). «Chaque filière et chaque exploitation ont leurs particularités», précise Claude Gallay, responsable de la thématique «Construction et technique agricole», auprès de la centrale de vulgarisation agricole Agridea.

L’inquiétude des éleveurs

Évaluer l’impact de la crise sur les entreprises agricoles s’avère complexe à plus d’un titre. «On parle beaucoup d’énergie directe, soit la consommation électrique ou le diesel, relève Nathanaël Gobat, ancien directeur de l’association AgroCleanTech et désormais expert indépendant. Mais il y a aussi des répercussions indirectes: la crise conduit à un renchérissement du prix des engrais ou de l’alimentation du bétail.

L’ammoniac, composé important dans les engrais fabriqués à partir d’hydrogène craqué du gaz naturel, a par exemple doublé entre 2021 et 2023.»Preuve que cette évolution inquiète dans le milieu, les éleveurs bovins ont demandé une hausse de 1 à 2 centimes du prix par litre de lait, pour aider à faire face à cette période compliquée.

«Je comprends que le message politique est porteur, mais je regrette que l’accent ne soit pas plus mis sur la thématique de la réduction des coûts de production, poursuit Nathanaël Gobat. Pour une exploitation qui produit 200’000 litres de lait, 2 centimes représentent 2000 francs. On peut facilement réaliser une telle économie en réduisant les coûts énergétiques.»

Définir un plan d’action

Fondée en 2011, pilotée par des acteurs des secteurs de l’énergie et de l’agriculture et gérée depuis le 1er janvier 2024 par Agridea, l’association AgroCleanTech intervient précisément pour accompagner les exploitants dans cette transition. «Elle entend renforcer sa fonction de plateforme en se concentrant sur les aspects techniques dans les domaines de la protection du climat et de l’efficacité énergétique dans l’agriculture», précise Janine Thoma, responsable de la gérance.

Pour ce faire, l’association a lancé en 2019 le conseil énergétique agriPEIK. Soit un bilan en deux phases: chaque producteur peut bénéficier d’un conseil d’orientation gratuit après avoir rempli un questionnaire en ligne. «Sur cette base, on peut effectuer une première estimation de l’efficience énergétique et du potentiel d’économies, explique ainsi Claude Gallay. Selon les résultats, nous pouvons ensuite proposer un audit détaillé, afin de définir un plan d’action.»

Les premiers gestes sont simples et relativement peu coûteux. «Un boiler mieux isolé permet déjà de réaliser des économies, observe Nathanaël Gobat. Mais la plupart des mesures sont difficilement rentables avant dix ans. Pour du photovoltaïque solaire, on atteint vite un investissement de 10’000 francs pour une rentabilité à douze à quinze ans.»

Aides financières possibles

D’où l’importance d’être bien conseillé. «Il ne faut pas sous-dimensionner l’installation: les outils vont devenir de plus en plus techniques et il faut anticiper cette évolution. Mais tout couvrir de panneaux, au risque de doubler le temps nécessaire pour rentabiliser l’infrastructure, alors que le coût au kWh fluctue, n’est pas non plus une solution.»

Les subsides existent pour accompagner les paysans dans cette transition. AgroCleanTech a ainsi mis en place avec ses partenaires plusieurs programmes pour soutenir l’amélioration des nids à porcelets, l’augmentation de l’efficacité énergétique en cave ou le remplacement des chauffe-eau classiques par des appareils plus performants.

Des mesures financées par différentes sources, dont l’Office fédéral de l’énergie, via le programme ProKilowatt. Une kyrielle d’investisseurs se sont également engouffrés sur le marché du renouvelable. Pas facile de s’y retrouver. «C’est là tout l’intérêt d’une plateforme indépendante comme AgroCleanTech et d’un conseil d’orientation spécifique, adapté à la réalité de chaque exploitation», souligne Claude Gallay.

À chaque filière ses besoins

Comment réduire sa consommation énergétique? Il existe autant de réponses que d’exploitations, tant chacune a ses particularités. Créneau agricole, taille ou âge sont autant de paramètres qui jouent un rôle. Selon les comparatifs réalisés ces dernières années par AgroCleanTech, une serre maraîchère nécessitera par exemple 201 kWh de chaleur par mètre carré et par an, contre 160 pour une serre horticole. De même, il faudra 2000 kWh électriques par an pour faire tourner un élevage de poules pondeuses de 1000 places.
Alors qu’un élevage de 1000 poulets d’engraissement a besoin de 3000kWh électriques, auxquels s’ajoutent 18’000 kWh thermiques. «D’une manière générale, c’est l’élevage de bétail qui implique les coûts énergétiques les plus importants, précise Nathanaël Gobat, ingénieur en énergie. On considère qu’une exploitation laitière de 40 vaches a les mêmes coûts énergétiques qu’un élevage de porcs à l’engrais de 300 places et un élevage de poulets de 4000 places, pour une facture annuelle de 8000 à 9200 francs.»

+ d’infos
www.agrocleantech.ch

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