Abattage à la ferme: les Romands plus lents à la détente

En Suisse, la mise à mort du bétail sur la ferme qui l'a vu naître et grandir est une pratique qui se renforce d'année en année, mais surtout du côté alémanique. En Romandie, la démarche reste encore embryonnaire.
9 juin 2025 Diane Zinsel
© Adobe Stock

Tuer son animal à la ferme, plutôt qu’au terme d’un transport stressant jusqu’à l’abattoir: cette possibilité, offerte par la législation fédérale depuis 2020, reste peu répandue. Si elle séduit un nombre croissant d’éleveurs en Suisse alémanique, la méthode peine à s’imposer en Romandie.

Ce type de mise à mort est pourtant plus respectueux du bien-être animal, selon l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Une étude de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) le confirme: le taux de cortisol, hormone du stress, est vingt fois plus bas chez les animaux abattus à domicile qu’après un trajet en bétaillère.

Débuts timides

Pour faciliter cette pratique, l’OSAV a prolongé début 2024 de 45 à 90 minutes le délai entre la mise à mort et l’éviscération à l’abattoir. Et pourtant, selon les données du FiBL, seuls 250 à 300 élevages sur 31 500 en Suisse utilisent cette méthode, et moins de dix fermes romandes y ont recours, principalement dans les cantons de Neuchâtel (3) et Vaud (3).

Pierre-François Gobat, vétérinaire cantonal de Neuchâtel, reconnaît que la pratique est peu répandue côté romand, sans cause évidente. Il évoque cependant la présence d’installations mobiles en Suisse alémanique, qui simplifient grandement le processus. «Le Valais, dispose de 14 petits abattoirs de proximité qui permettent de limiter les transports des animaux et le stress qui y est associé, réduisant ainsi l’intérêt d’une mise à mort directement à la ferme», analyse son homologue valaisan Eric Kirchmeier, précisant qu’une seule procédure d’autorisation est en cours dans le canton.

Une démarche à valoriser

«Est-ce que le marché de la viande issue de la mise à mort à la ferme, qui constitue une niche dans le canton de Vaud, serait plus développé en Suisse alémanique?» s’interroge le vétérinaire cantonal vaudois Giovanni Peduto. Les exploitations qui recourent à cette pratique offrent généralement de la vente directe à la ferme», relève Nathaniel Schmid.

Et cet ingénieur agronome au sein du FiBL de poursuivre: «Elles savent que les consommateurs sont sensibles au bien-être animal et à la qualité gustative de la viande, meilleure en l’absence des hormones de stress.» C’est peut-être aussi une question d’habitude: dans les cantons où la procédure est maîtrisée tant par les éleveurs que par les vétérinaires cantonaux, le nombre de demandes augmente, poursuit-il.

Parcours semé d’embûches

D’un côté ou de l’autre de la Sarine, les étapes pour obtenir ces autorisations sont conséquentes et coûteuses. La ferme doit adapter sa structure pour que l’animal puisse être tué, saigné, déplacé; elle doit organiser la venue d’un vétérinaire assermenté à chaque mise à mort et le transport rapide vers un abattoir.

En parallèle, le service vétérinaire cantonal doit informer, examiner chaque paramètre du dossier et surveiller les cinq premiers abattages tests avant de pouvoir accorder une autorisation définitive, liste Giovanni Peduto.

Quid des abattoirs à la ferme?

L’installation d’un abattoir directement au sein d’une exploitation, une solution intéressante dans les zones reculées où le délai de 90 minutes est difficile à respecter, n’est pas plus simple. L’ampleur des investissements et des exigences – qui s’ajoutent à celles nécessaires pour une mise à mort à la ferme – représente un frein important, relève le FiBL. Ce n’est pas la ferme Martin à Puidoux (VD) qui dira le contraire. Pour mettre aux normes leur petit abattoir de 1989, Pascal Martin et son père souhaitaient le reconstruire dans un bâtiment existant.

Le début d’une longue bataille juridique. «Nous avons dû nous défendre pendant plus de dix ans pour que la justice reconnaisse l’abattage comme une activité agricole, au même titre que le pressurage du vin ou la fabrication des produits laitiers, et non comme une activité industrielle», raconte celui qui est à la fois éleveur et boucher. La décision du Tribunal cantonal faisant office de jurisprudence, ce sera «un obstacle de moins pour les suivants», confie-t-il, soulagé de pouvoir continuer à valoriser la totalité de la bête élevée à la ferme.

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