Reportage
Randonner avec un âne, quelle expérience!

Emblème de la nuit de Noël, l’âne fut un fidèle compagnon de route de l’homme au fil des siècles. Aujourd’hui, des propriétaires proposent de vivre cette expérience en louant leurs équidés le temps d’une balade.

Randonner avec un âne, quelle expérience!

Ils n’ont certes pas la noblesse du cheval et leur réputation d’animaux têtus leur colle aux sabots depuis toujours. Pourtant, avec leurs grandes oreilles et leur caractère doux, les ânes ont tout pour plaire. Et ce n’est pas Sonia Seydoux qui dira le contraire. Cette Fribourgeoise installée à Villarsel-le-Gibloux (FR) est tombée amoureuse de ces équidés il y a dix ans exactement. «Avec mon mari, nous avions le projet de partir voyager une année à pied. Nous avons alors pensé à des ânes pour porter notre fils de 3 ans et nos bagages.» Le couple suit une courte formation puis achète Basile et Apollon, leurs futurs compagnons de route, avant de mettre le cap sur l’Espagne.

Activité prisée des familles
Cette première expérience scellera leurs liens avec les équidés. Depuis 2014, Sonia Seydoux partage son expérience en proposant des balades de quelques heures ou de plusieurs jours avec ses compagnons. Moyennant 50 francs l’après-midi ou 100 francs la journée complète, tout un chacun peut louer l’un de ses protégés le temps d’une randonnée dans la région. Les équidés sont sellés pour permettre aux enfants de grimper sur leur dos, et des sacoches sont prévues pour transporter le pique-nique des promeneurs. «Après quelques explications sur l’itinéraire choisi et la manière de guider l’animal, nous le brossons et le préparons ensemble, puis les gens partent seuls», explique Sonia Seydoux. Un concept qui séduit de plus en plus de monde, assure-t-elle. Sa ferme Dos d’âne et Dodo accueille aujourd’hui cinq équidés. «Cette activité plaît surtout aux familles avec enfants, qui redécouvrent avec ces animaux une manière différente de marcher.»

Des êtres très sensibles
Comme Sonia Seydoux, plusieurs âniers proposent des offres similaires en Suisse romande. À Chapelle-sur-Moudon (VD), Claude Warpelin est membre d’Àne Aventure, une amicale créée pour promouvoir les activités avec ces équidés. Ancien animateur socioculturel aujourd’hui à la retraite, il organise depuis près de vingt ans des courses d’école et des journées d’anniversaire, avec virées en forêt et goûters autour du feu. Le Vaudois constate lui aussi le même engouement de la part du public. «Il y a l’envie chez beaucoup de gens de ralentir et de se reconnecter à la nature. Les ânes sont des animaux calmes et très sensibles. Les enfants les adorent.» Claude Warpelin tient pour sa part à accompagner les promeneurs. «Certaines personnes ne se sentent pas à l’aise de devoir gérer un animal qu’ils ne connaissent pas. Je les laisse mener les ânes eux-mêmes, mais ma présence leur permet de profiter pleinement du moment.» Il demande 120 francs la demi-journée pour une dizaine d’enfants et 300 francs par jour pour une course d’école de 20 élèves. «L’idée est de rester dans les 15 francs par personne. C’est moins cher que fêter un anniversaire dans un fast-food et cela permet surtout de profiter d’une activité en plein air différente», explique-t-il.

D’autres atouts que les chevaux
Membre de l’Association suisse des amis des ânes, Dolores Telley tient toutefois à rappeler que ces animaux n’ont pas les mêmes capacités que leurs cousins chevalins. «On estime qu’ils peuvent porter au maximum 20% de leur poids. Ils restent donc avant tout destinés aux enfants.» Autre différence majeure: si l’âne est capable d’évoluer sur des terrains escarpés, son allure de prédilection demeure le pas. «Il ne possède pas l’endurance du cheval au trot et au galop», précise Dolores Telley.

Passionné par ces équidés, Jacob Geiser les a côtoyés pendant plus de trente ans. Dans sa ferme de La Chaux-d’Abel (BE), aux portes des Franches-Montagnes, il a accueilli jusqu’à quarante-deux ânes, utilisés pour l’attelage et des balades dans la région. «Ces animaux souvent méconnus se révèlent très proches de l’homme», relève le septuagénaire, qui a aujourd’hui cessé son activité. «Ils sont très curieux et n’ont pas l’instinct de fuite des chevaux. Contrairement à ces derniers, les ânes ne tapent pas et mordent très rarement. Autant de qualités qui font d’eux des compagnons de voyage privilégiés.» Quand on le questionne sur leur réputation d’animaux têtus, Jacob Geiser répond qu’ils doivent ce trait de caractère à leur tempérament privilégiant la prudence. «Les ânes sont introvertis et ne montrent pas facilement leurs émotions, d’où leur tendance parfois à se braquer lorsqu’ils ont peur. Mais, contrairement à la croyance populaire, ils sont extrêmement intelligents, réfléchissent beaucoup avant d’exécuter une action. J’aime d’ailleurs répéter que si les humains fonctionnaient davantage comme des ânes, le monde se porterait bien mieux.»

+ D’infos www.dnd.bio et www.ane-aventure.ch

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): Pierre-Yves Massot

Questions à...

Clara Ackermann, collaboratrice scientifique au Haras national suisse d’Agroscope, à Avenches (VD)

Combien d’individus comporte la population d’ânes en Suisse?
Selon les chiffres de la Banque de données sur le trafic des animaux, le cheptel s’élevait à environ 11000 têtes en 2019, ce qui représente 10% de l’effectif total des équidés en Suisse. Il faut toutefois préciser que ce chiffre concerne la catégorie des ânes, mulets et bardots confondus. La taille du cheptel est stable depuis près d’une décennie. Nous pouvons aussi relever que notre pays importe chaque année 15% de sa population totale d’ânes, de mulets et de bardots.

Quelles sont les races les plus répandues?
Il est difficile de les citer avec précision, car les ânes sont la plupart du temps issus de croisements, et chaque propriétaire les inscrit un peu comme bon lui semble. On parle alors souvent d’âne commun. Mais les races les plus connues sont le grand noir du Berry, originaire du centre de la France, et l’âne normand.

Bye-bye Babalou!

S’il était un âne apprécié des Romands, c’était bien lui, Babalou, fidèle monture pendant dix-neuf ans de saint Nicolas lors de la traditionnelle fête organisée chaque premier samedi de décembre en ville de Fribourg. Né le 12 mars 1995 au Haras national d’Avenches (VD) d’une ânesse suisse et d’un mâle italien, la célèbre mascotte aux longues oreilles s’en est allée il y a quelques jours. À 25 ans, il faisait partie des rares ânes reproducteurs du Haras national. C’est Balou, âne des Pyrénées âgé de 9 ans, qui lui succédera lors des défilés de la Saint-Nicolas dans les rues de Fribourg.