L'agent de voyages qui donne un cadre pour que l'imprévu soit une fête
Nous sommes en 1997 au Brésil. Jean-Marc Imhof est venu rejoindre son amoureuse de l’époque. Les deux tourtereaux, qui ont raté le dernier train pour Rio, parviennent à grimper in extremis dans une locomotive d’un convoi de marchandises.
«J’ai compris ce jour-là que rien n’est impossible! Au contraire, chaque imprévu est l’occasion de faire de la vie une fête» s’exclame, près de trente ans plus tard, cet infatigable voyageur, aujourd’hui à la tête de sa propre agence, Terre&Goût. Il a tiré de cette expérience de jeunesse une philosophie de vie et une certaine audace.
La Chine, une révélation
Ce natif de Neuchâtel n’était pas destiné aux escapades lointaines. Fils d’un père entrepreneur dans la construction et d’une mère au foyer, il a passé l’essentiel de ses vacances en Suisse. «Mon père travaillait sans relâche», détaille-t-il sobrement. Derrière son allure décontractée et ses poses facétieuses pour la photo, Jean-Marc Imhof se montre pudique au moment de narrer son enfance. «Vous allez vraiment dans les détails» souligne-t-il à plusieurs reprises, visiblement pressé d’aborder son parcours professionnel.
Son premier grand voyage remonte à 1985. Le quinquagénaire se souvient parfaitement de ce soir où son père a déclaré «cet été, nous allons pouvoir partir en vacances» en ouvrant une grande carte du monde. La famille opte pour un voyage organisé de trois semaines en Chine avec Kuoni. Une expérience marquante pour cet ado qui n’était jamais sorti d’Europe. «J’ai compris que d’autres manières de vivre existaient, que le monde ne s’arrêtait pas à ce que je connaissais.»
Des postes au quatre coins du monde
Jean-Marc Imhof ignore encore qu’il fera ses armes dans cette agence helvétique, réputée pour ses voyages haut de gamme. Il se tourne vers l’industrie touristique à la fin du gymnase, après un test d’orientation. «Deux domaines se sont détachés: le graphisme et les voyages», relate cet amateur de bandes dessinées, pas très étonné. En sortant de l’entretien, le jeune homme, qui n’est pas du genre à tergiverser, toque à la porte de Kuoni. Les examens pour les apprentissages ont eu lieu la veille, mais on lui donne sa chance. Il est engagé.
Dans cette agence en plein essor, cet employé sociable et entreprenant gravit rapidement les échelons. «J’arrivais toujours à trouver le meilleur rapport qualité-prix.» Au fil des ans, Jean-Marc Imhof occupe des postes aux quatre coins du monde. «Presque toutes mes promotions, je les ai obtenues après un aléa», confie-t-il citant l’exemple d’une négociation bien menée évitant aux passagers d’un avion de passer la soirée sur le tarmac.
Son univers
Un plat
«Le filet mignon aux morilles. C’est une recette de ma mère et notre repas familial à Noël.»
Une destination
«La Chine. Le pays d’origine de ma femme. Et le Brésil, pays de l’imprévu, tout peut y arriver.»
Un paysage
«Les montagnes du Valais. Elles changent de couleur à chaque saison.»
Un livre
«Les guerriers du silence, de Pierre Bordage. Un écrivain de science-fiction que j’aime beaucoup, car il explore les possibilités de l’avenir de l’humanité au-delà des contraintes quotidiennes.»
Du voyage au terroir
Ce grand randonneur raconte sa vie comme un récit de voyage jalonné de rencontres et de rebondissements. L’attentat de Kuta, à Bali, en 2002 – alors qu’il doit rejoindre une agence indonésienne après trois ans à Hong Kong — met un terme à ses pérégrinations asiatiques. Il rentre en Suisse et s’engage au sein de l’agence genevoise Fert&Cie. C’est entre les murs de ce bureau genevois qu’il rencontre sa future femme, Yiwen, et développe une nouvelle passion: le terroir. «Nous organisions souvent des dégustations chez des petits producteurs pour nos clients», précise le voyagiste, regrettant à cette époque de ne pas pouvoir se fournir chez eux à cause de ses horaires tardifs.
Presque toutes mes promotions, je les ai obtenues après un aléa.
Comme souvent, il transforme cette frustration en projet: un commerce de produits locaux en ligne, qu’il lance avec un ancien collègue. Ces experts de la logistique réussissent leur pari. Après un début difficile, la plateforme décolle. Mais les contacts noués dans le monde touristique finissent par manquer à Jean-Marc Imhof, désormais père d’un jeune garçon et résident vaudois. Il quitte l’entreprise et monte un projet d’agence de voyages avec le mouvement Slow Food qu’il préside: «C’était mon job de rêve, car il alliait tourisme et gastronomie locale.»
Destinations phares
L’aventure pleine de promesses finit par capoter quelques années plus tard à la suite de désaccords stratégiques et financiers internes. Du jour au lendemain, ce professionnel aguerri se retrouve sans travail. Convaincu qu’en suivant son instinct on ne peut se tromper, il décide de créer sa propre boîte. C’est la naissance de Terre&Goût, une agence au créneau bien défini: faire découvrir un pays par son terroir et sa gastronomie.
Depuis 2024, ce polyglotte organise une dizaine de voyages par an pour des petits groupes. Il mise désormais sur des circuits plus intimistes. «Le tourisme de masse que j’ai contribué à développer est devenu un monstre aujourd’hui.» Ses destinations phares? Patmos en Grèce, le Maroc et le Japon. Dans chacun de ses séjours, il cherche à valoriser des initiatives locales contribuant à préserver des traditions en voie de disparition.
Et sans surprise, il veille également à conserver une petite part d’imprévu pour offrir «la magie du contretemps sans les soucis» à ses clients. Dernièrement, cet as de l’improvisation a transformé deux heures d’attente devant un barrage routier au Monténégro en une dégustation savoureuse dans une ferme biologique locale. «Cela reste leur meilleur souvenir du voyage.
+ D’infos Retrouvez une sélection de voyages organisés par Jean-Marc Imhof sur terre-gout.com

