En Gruyère, son paradis, elle aime tant chanter le «Ranz des vaches»
Son prénom de baptême, c’est Anne-Lyse. Or même ses enfants, Jimmy et Marylin, l’appellent Carol, son nom de scène. Sur la terrasse, devant la piscine de sa coquette maison de Marsens, en Gruyère, Carol Rich se souvient de son enfance. «Je suis née de l’autre côté de la colline, à Villargiroud, dans le district de la Glâne», raconte la chanteuse de variété qui nous reçoit tout sourire dans son «paradis», entre deux séances d’enregistrement. Enfant, déjà, elle aimait chanter, comme son père, laitier du village. Tous deux improvisaient des duos, entonnant en chœur le fameux Temps des cerises.
Très vite, la fillette se fait connaître dans les fêtes villageoises où sa voix s’affirme et séduit. À 14 ans, elle s’inscrit au Conservatoire de Fribourg. Huit ans de chant et de solfège plus tard, elle fait ses premières expériences dans l’opéra en interprétant notamment La Flûte enchantée et Les Noces de Figaro de Mozart.
Quand j’ai débarqué dans son studio, on m’a dit qu’il fallait patienter six mois pour un rendez-vous
L’esprit Starmania
Mais c’est un tout autre répertoire vers lequel se dirige la jeune Fribourgeoise. Les années septante touchent à leur fin et une nouvelle génération de chanteuses françaises et québécoises se fait entendre sur les premières ondes FM: Diane Dufresne, France Gall, entre autres. Celle qui ne s’appelle pas encore Carol Rich se familiarise avec des musiciens de l’opéra rock Starmania, sans savoir qu’elle enregistrera, trente ans plus tard, un disque de country avec Fabienne Thibeault. En attendant, dans le sillage pop, la jeune Fribourgeoise sort, en 1984, un premier album intitulé Tokyo Boy. Les paroles et la musique sont de Jean-Jacques Egli, chanteur des Sweet People et d’Alain Morisod.
«C’est lui qui a trouvé mon nom de scène», rappelle avec reconnaissance Carol Rich. Une belle rencontre ouvrant grand les portes d’une carrière musicale qui démarre véritablement avec un titre pour le moins évocateur en terre fribourgeoise: Moitié moitié. Un succès pour Carol Rich qui gagne la finale suisse du Grand Prix Eurovision à Lugano en 1987. Cet été, ce tube drôlement évocateur sera présenté dans une version allemande, Halbe Halbe, lors des apparitions de Carol Rich au restaurant de Plan-Francey, à Moléson, où elle donne une série de concerts. «Tout le monde pense à la fondue, s’amuse la chanteuse. Mais c’est bien sûr d’amour qu’il s’agit.»
Nul n’est prophète en son pays
Forte de son succès à l’Eurovision, Carol Rich a très vite trouvé son public qui se reconnaît dans son répertoire qui réunit spontanément les amateurs du chant populaire traditionnel et un public goûtant aux variétés dan un registre plus léger et festif. Or, Carol Rich ne se gêne pas de le rappeler, ses plus solides soutiens dans le milieu musical proviennent de France. «À mes débuts, en Suisse romande, la variété était snobée. C’était avant tout la chanson à texte qui était défendue par la radio et la télévision.» Aussi, crânement, Carol Rich n’hésite-t-elle pas à se rendre à Paris où elle frappe aux bonnes portes. Elle y fait notamment la connaissance de Roland Romanelli, compositeur et arrangeur français, qui fut le pianiste attitré de la chanteuse Barbara et collaborateur du chanteur Jean-Jacques Goldman, entre autres.
«Quand j’ai débarqué dans son studio, on m’a dit qu’il fallait patienter six mois pour un rendez-vous», se souvient Carol Rich. Mais pour cette jeune Suissesse, qui croit à la force du destin, il ne s’agissait pas de laisser passer la chance: à force d’insister, en jouant sur le fait qu’elle ne reviendrait pas de sitôt à Paris, la voici priée par Roland Romanelli de se lancer dans un «exercice de haute couture»: chanter en live La petite fille d’à côté, sans autre préparation, un titre qui passera très vite dans Matin Bonheur, la fameuse émission matinale d’Antenne 2. Aux côtés de Francis Lai, une autre rencontre déterminante, Carol Rich perfectionne sa voix et commence à écrire ses propres textes. Faute d’émission de variétés en Suisse, la chanteuse dépose ses valises à Paris en 1990. Il faudra l’entregent de France 3 et l’opportunité d’une émission transfrontalière pour voir enfin s’ouvrir les portes de la TSR. Depuis, la RTS s’est bien rattrapée, via notamment Option Musique.
La tradition est sauve
Sans jamais renoncer à la scène, élargissant aujourd’hui son répertoire à la country pop, Carol Rich a fondé une famille avec son mari Francis. «Il travaille dans le milieu bancaire et nous sommes comme l’eau et le vin, dit-elle en riant. C’est un homme de cœur qui aime la musique et il me laisse m’épanouir.» Comme le dit bien Carol Rich, «si vous vivez avec un artiste, laissez-le respirer». De toute évidence, à Marsens, l’équilibre a été trouvé. Avec en toile de fond la présence des Préalpes, on en vient tout naturellement à parler de ces armaillis de la Gruyère qui connaissent bien Carol Rich. N’est-elle pas la première femme à chanter le Ranz des vaches? «Oui, c’est Patrick Menoud, le soliste de la Fête des vignerons de 1999, qui m’a invitée à l’entonner avec lui. Au début, j’ai été très critiquée. Mais comme je le chante à cappella, dans la pure tradition, les armaillis m’ont acceptée.»
En dates
1987
Avant de gagner la finale du Grand Prix Eurovision de la chanson à Lugano, je m’étais rendue en Israël. J’avais glissé deux souhaits dans le mur des Lamentations: être à l’Eurovision et avoir la possibilité d’avoir des enfants. Jimmy et Marylin sont mes deux plus beaux cadeaux.
2012
J’ai chanté le Ranz des vaches lors de la finale cantonale des combats de reines à Aproz. Il y avait une telle émotion avec ces 12’000 personnes qui reprenaient le chant en chœur.
+ D’infos
Le 21 juillet 2017, Carol Rich participe au festival Cor des Alpes de Nendaz. Les 23 et 24 août, et les 13 et 14 septembre, elle fêtera trente ans d’Eurovision à Moléson.
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