Quand une petite merveille fend les hautes herbes

Tout au long de l'année, l'artiste genevois Pierre Baumgart nous invite à ouvrir l'œil sur la faune et la flore qui nous entourent, en partageant ses aventures naturalistes en Suisse romande.
8 juin 2025 Pierre Baumgart
© Pierre Baumgart
© Pierre Baumgart

Les yeux gonflés et le nez qui coule, malgré l’antihistaminique pris ce matin, je marche discrètement dans un sous-bois du pied du Jura vaudois en direction d’une station de sabots-de-Vénus que je connais et que j’espère trouver en pleine floraison.

Parvenu proche d’une lisière, je longe un pré fleuri, dont les récentes pluies et le vent ont couché par endroits les tiges de graminées. Mon attention est soudain captée par l’appel d’un animal que je n’identifie pas tout de suite.

Un bêlement discret

Je patiente un moment, jusqu’à entendre de nouveau ce qui ressemble à un bêlement discret en provenance de la prairie. Et voilà qu’une forme rousse se déplace dans les hautes herbes en s’approchant de la source sonore. Par chance le vent m’est favorable et la chevrette ne m’a pas repéré. Je comprends alors qu’elle va retrouver son faon.

Collé le long d’un tronc, j’apprécie cette observation providentielle. Je ne vois que le haut de son corps et ne peux qu’imaginer la rencontre de la mère et du faon au moment où elle s’arrête et plonge la tête dans la végétation. Elle émerge pour se mettre aussitôt en mouvement. Derrière elle, je constate que les herbes bougent et que son petit la suit.

L’immobilité pour survivre

Jumelles braquées, j’essaie de ne rien perdre de la scène et devine par intermittence la pointe de ses oreilles. Alors qu’ils dirigent vers un bois voisin, j’ai la chance de les observer un moment à découvert et de pouvoir enfin admirer le petit animal à la robe marquetée et aux longues pattes.

Les faons naissent habituellement au mois de mai et bien qu’ils puissent tout de suite marcher, ils ont pour habitude de rester tapis dans la végétation pendant les premières semaines de leur vie. La femelle les délaisse souvent et parfois longtemps.

Ils ne peuvent alors compter que sur leur discrétion. Inodores et parfaitement dissimulés par un pelage cryptique, ils se prémunissent du danger en restant immobiles, comme plongés dans une sorte de torpeur. Je me souviens d’une rencontre fortuite avec un faon, découvert blotti dans une cuvette de feuilles au pied d’un arbre.

Tentation trop forte

J’ai hésité à rester, car j’avais bien conscience du dérangement occasionné, mais la tentation était trop forte de pouvoir dessiner une fois dans ma vie un jeune chevreuil dans de telles conditions. Installé très calmement à côté de la petite merveille, j’ai pris le temps de la dessiner avant de repartir tout aussi discrètement. L’animal est resté immobile et sans ciller le temps du dessin, confiant en son mimétisme. Tout juste si je percevais le mouvement de sa respiration.

Cette stratégie ne fonctionne pas avec les chiens errants, raison pour laquelle il est demandé de les tenir en laisse dans la nature entre les mois de mai et de juillet, ce que de nombreux propriétaires ont encore parfois de la peine à comprendre. Pour les agriculteurs qui souhaiteraient éviter de tuer ou de mutiler de jeunes ongulés avec une moissonneuse, il existe dans tous les cantons, des associations qui permettent le repérage des animaux à l’aide de drones équipés de caméras thermiques. Ainsi localisés, les faons peuvent être protégés lors de la moisson.

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