Adepte de la discrétion, le pic mar a fait des vieilles chênaies son bastion

Le picidé au sommet du crâne flamboyant connaît depuis le tournant du millénaire une dynamique positive, entre autres grâce aux mesures de conservation et à la bonne collaboration entre les acteurs concernés.
22 septembre 2024 Chloé Pang
Le pic mar ne tambourine pas ou très peu et son bec est trop faible pour extraire des larves d'arbres sains.
© Marcel Burkhardt

Dans la famille des picidés, on demande le pic mar. Il s’agit d’un des membres de la catégorie «pic bigarré noir, blanc et rouge», au même titre que le familier épeiche, l’épeichette et celui à dos blanc.

Il n’est pas le plus rare de la bande, le titre revenant à l’énigmatique pic à dos blanc, mais il n’en est pas moins discret et gagne à être mieux connu. On le reconnaît à ses flancs striés, au-dessus de sa tête rouge chez les deux sexes, et à l’absence de motifs sur la face.

À chaque pic sa niche

S’il fait presque la même taille que le pic épeiche, on ne le devine pas en le voyant en photo, la faute à un bec court qui lui donne l’air plus menu. C’est d’ailleurs ce bec singulier qui justifie que le pic mar puisse coexister avec d’autres espèces de pics dans les mêmes forêts.

En effet, chaque espèce, bien que similaire en apparence et en mode de vie, toutes étant forestières et cavernicoles, occupe sa propre niche écologique – que l’on peut définir par le rôle et la place utilisée par l’espèce dans l’écosystème. Le pic mar a donc un bec plus faible que le pic épeiche, ainsi qu’une musculature du cou et de la nuque moins développée.

Cela ne lui permet pas d’atteindre les insectes et larves qui constituent sa nourriture dans les arbres bien portants: il se rabat plutôt sur les vieux arbres ou le bois mort, et se concentre sur la surface des troncs crevassés.

Spécialiste du chêne

En Suisse, ce sont principalement les vieilles chênaies qui constituent l’habitat du pic mar, mais il adopte aussi les forêts de vieux feuillus riches en bois mort. Il est plutôt thermophile et privilégie les zones en dessous de 800 m d’altitude. En Romandie, ses bastions historiques se situent dans le canton de Neuchâtel, mais on le trouve également dans le Jura, dans le canton de Vaud et celui de Genève.

L’espèce a connu des difficultés dès les années 1970 en Suisse, se raréfiant, voire disparaissant localement. Comme le pic mar est très spécialisé en matière d’habitat, les changements liés à l’exploitation des forêts et leur rajeunissement se répercutent aussitôt sur ses effectifs.

Les bénéfices du bois mort

Au vu de la dégradation de sa situation, le pic mar s’est vu attribuer le statut d’espèce cible pour une conservation prioritaire, assorti d’un plan d’action taillé sur mesure.

Outre la conservation des chênaies existantes, de nouveaux espaces vitaux ont été créés – il faudra attendre quelques années avant leur colonisation par le pic mar – et mis en réseau afin de garantir l’échange entre les populations. L’augmentation du bois mort en raison d’épisodes de sécheresse a sans doute eu aussi un effet positif sur la population dans son ensemble.

Dans le cadre d’un projet, la Station ornithologique dédommage les propriétaires de forêts qui subissent un stress hydrique en contrepartie d’un renoncement à l’exploitation durant plusieurs décennies, une action qui profite au pic mar.

Collaboration gagnante

Des actions en faveur du chêne ont aussi été entreprises, sans oublier l’activité de conseil à destination des gardes forestiers, des propriétaires de forêts et de toute autre partie prenante concernée. Car la clé du succès se trouve dans la bonne entente avec les partenaires et parties prenantes.

Si les effectifs du pic mar ont pu se redresser dans les années 2000, dépassant déjà largement les objectifs fixés par le plan d’action pour 2035 – 700 couples nicheurs, pour déjà 1700 à 2100 aujourd’hui –, c’est grâce à la bonne collaboration avec les associations que sont BirdLife Suisse et ProQuercus pour ce qui est des activités de conseil, ainsi qu’avec les propriétaires de forêts, privés ou non, et avec l’Office fédéral de l’environnement. Il ne reste plus qu’à poursuivre sur cette lancée pour le pic mar, mais également pour son cousin le pic épeichette ainsi que pour le loriot d’Europe, aussi beau qu’insaisissable. Car la conservation de l’habitat du pic mar profite à toute une biodiversité forestière.

+ d’infos Dans le cadre d’un partenariat, Terre&Nature a proposé à la Station ornithologique suisse, qui fête ses 100 ans cette année, 
de mettre en avant une série d’oiseaux indigènes.

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Icône Boutique Icône Connexion