«Malgré les défis, les apprentis agricoles sont nombreux et motivés»
Les enjeux
Les modèles de CFC vont être totalement remaniés à la rentrée 2026, particulièrement pour les agriculteurs.
À l’échelle du canton de Vaud, des formations hors cursus sont aussi proposées pour s’adapter à l’évolution de la profession.
Le diplôme de praticien en microferme rencontre un grand succès, mais «l’école ménagère» ne séduit plus.
Vous prenez votre poste en pleine révision de la formation aux métiers de la terre en Suisse. Est-ce un moment charnière?
Oui, car les modèles actuels d’apprentissage sont les mêmes depuis presque vingt ans. Pourtant, le climat, les habitudes de consommation, la recherche agronomique et les technologies ont énormément évolué. Aujourd’hui, une révision totale du cursus initial est en cours, pour une entrée en vigueur à la rentrée 2026. C’est une étape importante.
Quels sont les changements majeurs?
La plupart des filières – dont le maraîchage, l’arboriculture, l’aviculture et les métiers du vin – seront remaniées et l’agriculture est particulièrement concernée, avec l’introduction d’un modèle plus flexible. Après avoir suivi un tronc commun les deux premières années, les apprentis pourront choisir entre six spécialisations, que ce soit dans les grandes cultures, l’agriculture de montagne ou la production bovine. Une deuxième orientation à choix sera possible lors d’une quatrième année facultative, dans le but de promouvoir la diversification et mieux s’adapter aux entreprises du canton.
Environ 50% des étudiants arrivent en deuxième
formation. C’est considérable et cela illustre une volonté
de renouer avec la terre.
Et sur le fond?
Des méthodes propres à l’agriculture biologique seront enseignées de manière transversale, et non plus seulement à ceux qui souhaitent adopter ce mode de culture. Plus largement, une attention particulière sera accordée à la biodiversité et au climat. Cela reflète bien les objectifs de la Stratégie climatique de la Confédération, ainsi que ceux de la future politique agricole.
Des formations en ce sens sont-elles également proposées à Agrilogie, dans le canton de Vaud?
Tout à fait. D’une part parce que le Plan climat vaudois est ambitieux, d’autre part car notre loi sur l’agriculture favorise la création de formations hors CFC. Ainsi, plusieurs cours complémentaires ont vu le jour ces dernières années, comme le diplôme en conduite d’alpage, la patente en élaboration en produits fermiers, ainsi qu’une formation de praticien en microferme, depuis 2023. Cette dernière, qui enseigne le travail manuel, l’agroécologie et la diversification propre au micromaraîchage, rencontre un grand succès. Une vingtaine de personnes y participent cette année, et nous commençons à avoir une liste d’attente.
Bio express
Après une enfance passée à Vufflens-la-Ville et Donneloye (VD), Christophe Unger a fait des études d’ingénieur en génie rural à l’EPFL, puis s’est orienté vers l’enseignement. En 2004, il a intégré l’École technique et des métiers de Lausanne, avant de la diriger de 2015 à 2024. En octobre dernier, le quinquagénaire a été nommé directeur du centre de formation professionnelle des métiers de la terre Agrilogie.
De manière générale, le profil de vos apprentis agricoles est-il en train de changer?
Les femmes sont plus nombreuses – 29% des effectifs – et l’âge moyen global est en augmentation. Cela s’explique par le fait que de plus en plus de personnes arrivent en deuxième formation, ce qui représente environ 50% des étudiants. C’est considérable! Cela illustre une volonté de renouer avec la terre, qui concerne notamment les personnes qui ne sont pas issues de familles paysannes. Nous devons soutenir ces parcours et faciliter l’accès à toutes les personnes intéressées. Dans un contexte où de nombreux agriculteurs arrivent à la retraite et n’ont personne pour reprendre leur domaine, notre mission est de maintenir le taux d’autonomie alimentaire du canton et de ne pas laisser les fermes tomber en désuétude.
Le nombre d’étudiants a-t-il, quant à lui, évolué?
On compte environ mille apprentis dans nos différentes filières. Ce chiffre est constant depuis plusieurs années, ce qui est satisfaisant. Malgré les conditions de travail et de vie de plus en plus difficiles dans les métiers de la terre, il y a une grande motivation et une forte conscience professionnelle. La plupart des jeunes sont convaincus de leur choix et savent pourquoi ils sont là. C’est essentiel, car ces futurs professionnels devront être des entrepreneurs motivés à explorer de nouveaux marchés, dans un monde compétitif en plein bouleversement. Ils ne devront pas subir l’évolution de leur métier, mais en être acteurs.
En revanche, certaines branches de l’économie familiale, jadis très populaires dans les campagnes pour apprendre à tenir un ménage, sont délaissées…
Effectivement. La fréquentation du cours bloc de six mois dit «des Marcelines», qui existe depuis plus d’un siècle, est en forte diminution. Quant à la formation d’employés en économie familiale, plus récente, elle compte trente élèves, contre une centaine il y a vingt ans. Les compétences de gestion d’un ménage sont malheureusement peu valorisées socialement et économiquement. Pourtant, je suis convaincu que les savoir-faire qu’on y apprend – comme la mise en valeur des produits locaux et de saison, la gestion d’un budget familial ou l’art de l’accueil – sont utiles à tous et permettent de valoriser notre agriculture. Nous souhaitons moderniser cette filière et attirer davantage de garçons, car les professionnels de l’économie familiale sont des ambassadeurs du terroir et de la durabilité.
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