A Fully, des vignes en perpétuel renouveau
Le soleil inonde les coteaux de Fully (VS), en ce début de printemps. Entre la fin de la taille et le début de l’ébourgeonnage, la période de dormance de la vigne laisse une fenêtre idéale pour le repiquage des plants manquants ou malades. «Mon approche est celle d’un renouvellement constant, avec un tournus de trois à quatre cépages sur quinze par an. Cela offre une pérennité plus longue aux vignes», indique Mathilde Roux, à la tête de la Cave de l’Orlaya.
Quatre personnes s’affairent dans une parcelle de cornalin, avant de passer à l’arvine, à l’humagne blanche et au gamay au cours d’une période de deux ou trois semaines. À chaque pied manquant, il s’agit de mettre en terre le jeune plant enduit de paraffine, avec un échalas et un drain qui restera trois ans pour le protéger. En avril, le moment est bien choisi pour le repiquage, d’autant que l’irrigation sur la commune de Fully vient de rouvrir.
Choix stratégiques
Ce début d’année 2025 sans pluie présage aussi d’un potentiel infectieux moindre qu’en 2024 pour les maladies fongiques, auxquelles les jeunes plants sont particulièrement sensibles. En tout, il faudra patienter entre trois et cinq ans avant qu’ils ne deviennent productifs.
Passage des machines, maladies du bois, âge ou taille: les causes de mortalité des plants peuvent être multiples. Dans chaque parcelle, Mathilde Roux évalue l’ampleur du travail et, dans le cas de location, la nécessité d’impliquer ou non le propriétaire à qui appartient le capital plant.
Cette année, la jeune viticultrice a aussi décidé d’arracher entièrement deux vignes, qui seront remplacées la saison prochaine. Délicat, le choix des cépages se fait en fonction de plusieurs critères, dont la configuration du terrain, le terroir ou le marché. «Je convaincs certains propriétaires de replanter les vignobles entièrement ou partiellement à mes frais, ce qui m’assure de les travailler à long terme.»
Avec un pépiniériste
Auparavant, Mathilde Roux commandait tout naturellement ses plants au dernier pépiniériste-viticulteur de Fully. Mais depuis son départ à la retraite il y a trois ans, la vigneronne a développé un nouveau partenariat avec un professionnel savoyard. «Pour moi, le critère le plus important est la qualité du matériel végétal», apprécie-t-elle.
Ce technicien produisait déjà de la syrah et du gamay, deux cépages courants en France. Après des échanges et une visite sur place, le pépiniériste-viticulteur a élargi sa gamme en greffant également du cornalin, de l’humagne blanche et de la petite arvine, variétés typiques du Valais.
Au moment de passer commande, difficile pour Mathilde Roux d’évaluer la quantité exacte de plants nécessaire. C’est pourquoi l’excédent est mis en jauge pour un repiquage à l’automne. Cette saison donne aussi d’excellents résultats, avec un bon développement des racines, cependant le calendrier n’est pas idéal après la période chargée des vendanges et la fermeture hivernale de l’irrigation.
Démarrage de la flore
Depuis la reprise de la cave Gérard Roduit en 2016, Mathilde Roux a agrandi son domaine. Elle cultive aujourd’hui 9,2 hectares, dont 3,3 hectares en propriété et 5,9 hectares en location à une quarantaine de propriétaires. Si elle ne souhaite pas croître davantage en surface, elle ambitionne de posséder la moitié des terrains.
Sa chance est de travailler des vignes toutes situées sur la zone ouest de Fully, à une altitude de 450 à 900 m, avec la possibilité de remaniements parcellaires ou de rachats de terres. À chaque intégration, la nouvelle parcelle passe en reconversion biologique selon la certification Bio Suisse pour la viticulture.
La viticultrice bio intervient peu dans ses vignes, en sélectionnant les adventices de sorte qu’elles sèchent et tapissent le sol pour empêcher les mauvaises herbes de pousser: «À cette période, j’aime bien le démarrage de la flore. Je ne fauche pas trop tôt pour laisser les plantes faire un cycle complet.» Cette philosophie proche de la nature se reflète dans le nom de la cave, puisque l’orlaya est une fleur rare en Suisse, très présente dans la réserve naturelle des Follatères, à Fully.
+ d’infos orlaya.ch
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