Terroir
Les melons genevois n’auront pas la grosse tête cette année

En collaboration avec Pays romand, pays gourmand, nous vous emmenons cet été à la découverte de produits originaux. Sauvé des eaux et des mulots, Cucumis melo n’en offrira pas moins ses délices aux gourmands.

Les melons genevois n’auront pas la grosse tête cette année

On a utilisé les bas-côtés du tunnel, dont l’allée centrale est dévolue aux plants de tomates, qui s’élancent vers le ciel. De part et d’autre, on admire les lianes verticales des solanacées et les vrilles rampantes des cucurbitacées, ponctuées de grosses boules vert pâle, au feuillage malmené par les errements climatiques. Trois hectares et un réseau dense de serres et de tunnels accueillent les cultures maraîchères de Trajets, entreprise sociale, à Troinex (GE). Après ce début d’été pourri, à batailler contre les cieux et les rongeurs, la chaleur vient enfin caresser les rondeurs des cucurbitacées qui n’attendaient que ça pour gonfler à toute vitesse. «On a toujours cultivé des melons, de différentes variétés selon les années, depuis l’installation de la fondation sur cette parcelle, raconte Fabien Fogal, gérant de l’exploitation depuis 2017. Mais cette année, on aura tout vu, tout eu!»

Il faut dire que le terrain est situé dans une zone d’anciens marais asséchés, au pied du Salève, avec une nappe phréatique qui affleure encore par endroits à quelque 40 centimètres. «Tout avait bien commencé en début de saison, mais, là-dessus, on a eu de grosses inondations dans les champs en juillet et une partie de l’eau est remontée jusqu’aux tunnels», se désole le maraîcher.

Récolte jusqu’en septembre
Les plantons bios des melons sont commandés à l’extérieur, à une entreprise spécialisée. On les installe sur des films de plastique biodégradable, début mai, soit juste après les tomates. De quoi limiter la colonisation des herbes folles. Le système d’arrosage au goutte-à-goutte est assez peu utile par une année comme celle-ci. Il faut ensuite observer et accompagner les cultures, aucun traitement n’étant requis en bio. Et, surtout, limiter la végétation. «Le melon se taille au rythme de la valse, explique Alexandra Larequi, cheffe des cultures maraîchères. On compte trois feuilles et on coupe. À chaque repousse, un, deux, trois… et on recommence avec la liane suivante. Il s’agit de réduire le feuillage, de concentrer la sève dans le fruit en devenir et aussi de limiter l’apparition d’éventuelles maladies.»

Manque de chance, après les intempéries, les mulots, grands amateurs de ce dessert sucré, s’y sont mis eux aussi, perçant de petits trous dans de nombreux fruits pour y goûter, avant de recommencer plus loin. Bref, 2021 ne sera pas un grand millésime pour ce qui est des volumes. Tout de même, les rescapés sont particulièrement savoureux et juteux et, pour peu que la météo se fasse plus propice ces prochaines semaines, la seconde partie des cultures devrait mûrir à toute vitesse. «On a récolté les premiers melons en retard, fin juillet, mais la saison devrait se prolonger jusqu’en septembre», pronostique Fabien Fogal.

Comment le choisir?
Avec la pandémie, le petit magasin de vente à la ferme ouvert les mercredis a été pris d’assaut, avec des files allant jusqu’à cinquante clients. «C’est pourquoi on a décidé d’ouvrir à l’automne un nouveau point de vente-épicerie à Genève», se réjouit le gérant. Sa clientèle y trouvera la belle diversité qui foisonne dans les serres de la fondation: une quinzaine de variétés de tomates anciennes, moult cucurbitacées, des oignons tiges et des haricots, de nombreuses herbes aromatiques et piments, en attendant la récolte de patates douces. Le tout produit de manière bio et labellisé Genève Région – Terre Avenir.

Mais au fait, comment choisir son melon? Lourd, sous une peau épaisse, souple et sans tache. Odorant? Oui, mais pas exagérément, au risque d’être déjà trop mûr. La craquelure qui se dessine sur le pourtour du pédoncule est un signe de maturité et devrait inciter à le consommer rapidement. Mais encore, mâle ou femelle? Les fruits dits femelles (réputés plus savoureux) arborent, à l’opposé du pédoncule, un plus large cercle pigmenté.

Texte(s): Véronique Zbinden
Photo(s): Nicolas Righetti/lundi13

Le producteur: La Fondation Trajets

La fondation genevoise Trajets regroupe une dizaine d’entreprises sociales – dont deux restaurants, une structure maraîchère, des hébergements – visant à offrir un travail, un toit, des loisirs et des formations à des personnes au bénéfice de l’AI. À Troinex, elle est propriétaire de 3 hectares, labellisés GRTA (Genève Région – Terre Avenir) et certifiés Bio suisse depuis deux ans: une demi-douzaine de professionnels encadrent 25 bénéficiaires. On y propose à la fois des services de paysagistes et des cultures maraîchères très diversifiées, souvent originales, des tomates aux herbes, en passant par l’étonnante courge-violon. «On en est à plus d’une centaine de variétés et on en essaie chaque année de nouvelles», explique Fabien Fogal. Plusieurs chefs exigeants ont été séduits par la démarche et la qualité des produits, de Jean-Marc Bessire à Serge Labrosse. L’essentiel de la production annuelle (30 tonnes de légumes) est écoulé via Espace-Terroir et sur place, en attendant l’ouverture d’une épicerie à Genève, dans le quartier des Acacias.

+ D’infos www.jardinstrajets.ch

Immigré et hybridé

Il est un des rares fruits venus d’Afrique australe. Gros comme une pomme (malum en latin) et acide, le melon des origines poussait près des oasis pour se gorger d’eau. Ce n’est qu’au terme d’un périple séculaire et de l’apport de multiples sélectionneurs qu’il a fait sa mue jusqu’à devenir le fruit qu’on aime aujourd’hui: dodu, sucré, juteux. Il doit sa gloire récente et sa version charentaise (cantaloup) à une propriété des papes à Cantalupo (I). Ses nombreuses variétés actuelles, de trois types (brodé, cantaloup, melons d’hiver), se déclinent en une large gamme de couleurs, du vert olive au jaune or, de formes et de textures.