La «olla», une petite jarre qui arrose toute seule le potager

En dépit de son efficacité et de ses aspects pratiques, l’irrigation par jarre reste relativement méconnue. Une start-up lausannoise s’est lancée dans l’aventure et propose des ollas 100% locales à planter dans son jardin.
11 juin 2020 Blaise Guignard
François Wavre/Lundi13

En espagnol, olla se prononce «oya» et désigne un pot. Le terme reste le plus usité pour désigner la technique d’irrigation par jarre, même si celle-ci n’est pas spécifiquement latine; ses origines remonteraient à la Chine antique – ou à l’Iran ou encore à l’Afrique du Nord selon les sources. Peu explorée par l’industrialisation de l’agriculture, la olla est restée cantonnée au jardin potager mais l’évolution du climat suscite aujourd’hui un regain d’intérêt pour cette technique.

Depuis 2019, la start-up lausannoise Wepot commercialise ainsi une gamme de ollas de différentes tailles, pour le jardin ou le balcon. L’initiative a germé dès la fin 2017. «Dans le cadre de nos études en HEC, nous cherchions un projet entrepreneurial qui apporte quelque chose à la planète plutôt que d’en exploiter les ressources, explique Quentin Kany, l’un des deux fondateurs de la petite société avec son condisciple Clément Perez. Le système de la olla nous a intéressés et nous nous sommes mis à démarcher les céramistes de la région.»

Un projet qui fait du sens

Céramiste et  maîtresse socioprofessionnelle (MSP), travaillant alors aux ateliers protégés la Cordée, à Prilly (VD), Melissa Fahrni a immédiatement été séduite par le concept. «L’étude de la porosité de l’argile fait partie de l’apprentissage du métier, mais ensuite, on cherche plutôt à l’éviter et on n’a guère l’occasion de l’approfondir, indique la jeune femme. Pour la olla, on recourt à de la terre à poterie cuite à basse température, de façon à éliminer toute l’humidité de la pièce. Techniquement, le plus gros défi était surtout d’adapter la production aux personnes travaillant à la Cordée.» Car faire appel à ces adultes en situation de handicap mental pour produire les ollas s’est vite imposé comme une évidence.

«En tant que MSP, on est toujours à la recherche de programmes de travail qui fassent sens», se réjouit Melissa Fahrni. La production des jarres, disponibles dans quelques points de vente de la région lausannoise (répertoriés sur le site internet de Wepot), a rapidement pris de l’ampleur; loin de freiner l’élan de la start-up, l’épidémie de Covid-19 a de fait boosté les commandes de ollas sur celui de la société. À tel point que celle-ci occupe désormais la totalité du temps des deux associés, toujours étudiants; quant à la céramiste, elle a officiellement rallié la start-up, même si la collaboration avec la Cordée se poursuit encore actuellement.

Occupée à l’expédition des ollas commandées et à la production du modèle XL, qui a nécessité l’élaboration d’un moule de 12 kilos, la petite société (qui va se restructurer en S. à r.l.) fourmille également d’idées pour d’autres produits basés sur l’irrigation par porosité: «On pense déjà à un pot intégrant une olla, ou à un concept d’hydroponie sur argile, ou encore à une olla enrichie en nutriments, imagine Clément Perez. Et un de nos objectifs est d’apporter cette technique là où les besoins en eau sont les plus cruciaux, en la produisant sur place. Mais au préalable, nous devons la faire mieux connaître ici et améliorer le corpus de connaissances sur cette méthode d’irrigation.»

Des essais au Repuis

Horticulteur, youtubeur et chroniqueur (voir l’encadré ci-contre), Tom Monnat, plus connu sous le nom de Tom le Jardinier, apporte à Wepot son feed-back de jardinier et son expérience des réseaux sociaux; agronome mastérisé à l’ETH Zurich, Pablo Bovy a quant à lui accepté de se pencher sur la olla, simple d’utilisation et performante, mais «souffrant d’un manque d’informations scientifiques qui entrave son potentiel»: «Il y a quelques travaux sur la porosité des ollas, mais peu de chose sur leur mise en activité, précise-t-il. Or, si l’on entend dépasser le produit trendy et viser une clientèle professionnelle, il faut être en mesure d’en documenter tous les aspects avec précision. Comment ça va marcher avec des carottes? Puis-je utiliser la olla pour faire de la fertilisation? Y a-t-il des risques? Il y a tout un champ à explorer.»

En collaboration avec le centre de formation spécialisée Le Repuis, à Grandson (VD), Pablo Bovy a donc développé un protocole de recherche devant servir de base pour une notice technique; des essais de terrain vont avoir lieu dès cette année sur le domaine de l’institution, incluant des comparaisons d’efficience avec d’autres systèmes d’irrigation. «La olla a un potentiel certain, conclut-il. Sa fragilité est encore peu compatible avec le travail des sols requis par un usage professionnel, mais un système unique de ollas reliées les unes aux autres et donc remplissables en même temps, par exemple, serait sans doute intéressant pour la culture de choux, de fraises, de salades et autres.»

Comment ça marche?

La petite jarre diffuse l’eau par capillarité; à la première utilisation, elle se vide donc rapidement; ensuite, un équilibre se crée entre sa matrice poreuse d’argile et celle du sol et l’apport hydrique du substrat se régule automatiquement. Au bout d’un certain temps (un mois pour les plantes aromatiques, deux à trois mois pour les autres), les racines des plantes voisines viennent enserrer la olla, se servant ainsi directement à la source. Après une saison, elle est souvent totalement enveloppée par leur système racinaire.

Questions à...

Tom Monnat, chroniqueur jardin dans Terre&Nature

  • La olla, un système qui a de l’avenir au potager?
    Oui, sans doute. Surtout avec le réchauffement climatique. Accompagné d’un bon paillage, c’est un joli objet qui permet d’abandonner son jardin pour une semaine et d’avoir une irrigation plus homogène dans le temps. Grâce à elle, on évite ainsi la maladie du cul noir des tomates causée par un manque de calcium lié au stress hydrique.
  • D’une façon générale, comment parvenir à une gestion efficiente de l’eau dans son potager?
    Il existe des systèmes analogues à la olla, par exemple des embouts pour bouteilles en PET, ou d’autres moyens qui nécessitent toutefois une mise en marche ponctuelle. Sinon, je recommande surtout le paillage, avec ce qu’on a sous la main: paille, feuilles mortes, mulch de gazon ou même résidus de tonte récupérés sur les accotements des routes. Si l’on peut, ménager plusieurs strates climatiques dans son jardin, avec une canopée qui ombrage le potager, est aussi efficace. Enfin, pour ce qui est de l’irrigation proprement dite, je recommande d’arroser en grande quantité au moins une fois par jour, plutôt en début de soirée, pour une infiltration en profondeur incitant les racines à plonger au lieu de rester en surface.

+ D’infos
www.wepot.ch

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Icône Boutique Icône Connexion