Quand les félins s'invitent sur le tapis: on a testé le «cat yoga»

Tendance venue des États-Unis, le yoga avec des chats débarque en Suisse. Si elle suscite des questions, la pratique est autorisée pour autant qu'elle respecte une éthique stricte. Reportage dans un refuge des hauts de Lausanne.
16 juin 2025 Oriane Grandjean
Les chats adultes qui participent au cours de yoga ont été choisis afin d'être parfaitement adaptés à la pratique.
© Oriane Grandjean
Les chats adultes qui participent au cours de yoga ont été choisis afin d'être parfaitement adaptés à la pratique.
© Oriane Grandjean

Tapis colorés au sol, musique douce, position du lotus… On pourrait se croire dans un studio de yoga comme il y en a tant. Mais ce serait omettre que la moitié des participants à ce cours pas tout à fait comme les autres ont quatre pattes, des moustaches et une souplesse à faire pâlir l’autre moitié du groupe de yogis.

Huit tapis sont installés dans un des enclos qui entourent la Maison des chats à Lutry (lire l’encadré ci-dessous). Le principe? Il est aussi simple qu’inhabituel: suivre un cours de yoga entouré de félins, ce qui ajouterait de la détente à la pratique. En ce samedi après-midi, Polochonne, Mardi, Marlon et les autres sont déjà installés sur les tapis, au soleil.

Un aspect caritatif

«Le but de cette démarche n’est pas simplement de faire du yoga, mais de soutenir le refuge financièrement, en lui reversant 25% des frais d’inscription, précise Lorraine Costa, fondatrice de Yoga&Paws. C’est donc à la fois une activité pour eux et avec eux.» Troisième argument: le fait que cette activité se déroule au sein d’un refuge permet aussi de sensibiliser à la problématique de l’abandon – voire pourquoi pas de susciter des adoptions.

Inventée aux États-Unis, la pratique du yoga avec des animaux domestiques a conquis les réseaux sociaux. Et pour que les images réalisées durant ces cours soient plus attractives, on met à contribution des chiots ou des chatons. C’est que le bât blesse: lorsqu’elle débarque en Suisse en 2023, il ne faut pas longtemps pour que la pratique soit interdite par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).

Sujets triés sur le volet

«Le puppy yoga risque d’inciter davantage les participants à acheter des chiens sans réfléchir, indique la Confédération. Une instrumentalisation excessive équivaut à une atteinte à la dignité de l’animal concerné.» Dans les hauts de Lausanne, on prône une autre approche. «Le chat ne doit pas être un outil de communication, argumente Jean-Louis Stauffer, vétérinaire et président de la Maison des chats. Je soutiens cette pratique, pour autant qu’elle implique des animaux adultes, car elle apporte un bien-être réciproque aux humains et aux animaux. La démarche peut être positive, notamment pour des gens qui n’ont pas de contacts avec des chats ou qui ne peuvent pas en avoir chez eux.»

Pour avoir l’autorisation de relancer ces cours, la fondatrice de Yoga&Paws a dû montrer patte blanche. Il a fallu faire plus d’une dizaine de vaccins aux chats, notamment contre la rage. «Nous avons aussi dû travailler avec une comportementaliste, qui est venue sur place pour voir quels chats étaient les plus adaptés à la pratique», explique Lorraine Costa.

Le yoga animalier a la cote

Vous n’êtes pas très chats? Qu’à cela ne tienne, le choix est large: en Engadine, une exploitation agricole propose un cours de yoga avec ses chèvres. Présentation du troupeau, pratique puis collation, ce programme original a trouvé son public. Yoga&Paws organise aussi des cours ponctuels avec des huskies, également dans un refuge. Et du côté de Berne et de Zurich, on enchaîne les postures au milieu d’un troupeau d’alpagas.

60 minutes d’exercices et de relaxation

Polochonne, Mardi et Marlon font partie de la dizaine de pensionnaires élus. À nous de nous adapter à ces participants qui ne daignent pas toujours prêter leur coin de tapis. Pour l’enseignante Clara Le Gall, qui est accessoirement juriste spécialisée dans l’environnement et le droit des animaux, c’est aussi une première: «Il y a plus de paramètres à gérer que lors d’un cours traditionnel!»

La séance dure une heure, à raison d’une trentaine de minutes de yoga puis autant de détente avec les félins. Certains choisissent de se prélasser à côté des sportives, d’autres préfèrent trouver un coin plus calme et suivre d’un œil curieux le lent ballet de leurs visiteurs du jour.

Apaisement et concentration

Du côté des participantes, toutes ne sont pas de grandes adeptes du yoga, mais toutes adorent les chats. Il y a ces deux amies, dont l’une a reçu en cadeau un bon pour tester cette activité, ou encore ce duo mère-fille séduit par l’idée en tombant sur le compte Instagram de Yoga&Paws.

«Comme on aime les chats et que ma maman pratique régulièrement le yoga, on a tout de suite eu envie d’essayer», précise Evy. «C’était une expérience incroyable, complète sa mère Valérie, à l’heure de ranger les tapis. C’était très apaisant. Les chats nous apportent de la légèreté. Et puis c’est plus ludique que le yoga traditionnel, on est moins axé sur la performance.»

La pratique pourrait essaimer

Pour Evy, c’est aussi une découverte: «Grâce à la présence des chats, j’ai réussi à me concentrer plus intensément que d’habitude.» La professeure a également été convaincue: «Ce que j’apprécie avec cette démarche, c’est qu’elle entre dans la philosophie du yoga, qui ne consiste pas seulement à se faire du bien à soi, mais aussi aux autres», résume Clara Le Gall.

Il est temps de laisser la place à la pratique suivante. Il y en aura trois cet après-midi, avant une prochaine session dans une quinzaine de jours. Si le succès de cette nouvelle activité se confirme, Lorraine Costa approchera d’autres refuges pour la faire essaimer.

Un refuge historique

La Maison des chats est un refuge fondé en 1965 sur les hauts de Lausanne. Propriété de la Ligue vaudoise de défense des animaux, il abrite aujourd’hui une centaine de chats victimes d’abandons, sur lesquels veillent trois employés à plein temps. Totalement aménagé pour accueillir ses pensionnaires, le bâtiment comporte un cabinet vétérinaire et une salle d’opération. Une partie des animaux recueillis par Jean-Louis Stauffer et son équipe sont disponibles à l’adoption, mais les trois quarts des pensionnaires, trop âgés ou malades, finiront leurs jours sur place. Tributaire de dons et de legs pour assurer sa pérennité, la Maison des chats s’est dotée récemment d’une salle de conférences où accueillir des événements.

+ D’infos yogaandpaws.ch

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