Le raclettegate: la chronique de Valentin Emery
Que ce soit lors d’une soirée entre amis, une fête villageoise ou à la mi-temps d’un match de football, toutes les occasions sont bonnes pour déguster une succulente raclette. Pour le Valaisan d’origine que je suis, c’est bien simple, il n’y a pas d’heure ou de saison pour apprécier cet emblème de la gastronomie alpine. D’ailleurs, j’ai toujours une demi-meule au frais, au cas où. Un amour de ce plat partagé par bon nombre de mes compatriotes.
Il suffit pour s’en rendre de compte de voir le tollé général suscité par la récente annonce d’Agroscope. Le centre de compétence de la Confédération pour la recherche agronomique et alimentaire a en effet développé une alternative végétale à la raclette. Une «raclette» végane à base de tourteaux de tournesol locaux. Après les faux steaks, le faux gras, voilà donc la fausse raclette. Un crime de lèse-majesté au pays du fromage fondu. Dans un canton où la raclette est hissée au rang de religion, cela tient même de l’hérésie.
Il n’en fallait pas plus pour que cette annonce prenne une tournure politique. La conseillère aux États centriste valaisanne Marianne Maret a interpellé le Conseil fédéral, soutenue par des élus allant du PS à l’UDC. Et de questionner la dénomination de ce nouveau produit, la concurrence qu’il peut engendrer pour les filières laitières suisses, et l’utilisation de fonds publics pour le développer. La presse nationale s’emballe. Marianne Maret en a gros sur la patate, et je la comprends. Pourquoi diable vouloir toujours imiter les produits d’origine animale? Pourquoi ne pas valoriser les produits végétaux pour ce qu’ils sont? Cette tendance aux faux en tout genre m’exaspère. Surtout quand cela touche un patrimoine culinaire. Mais soyons réalistes. Ce substitut végan – pour autant qu’il soit commercialisé – ne concurrencera en aucune manière notre bonne vieille raclette.
Reste la question de savoir si c’est vraiment le rôle d’Agroscope de développer ce genre de produits avec de l’argent public. Ce n’est peut-être pas très malin de leur part vu les susceptibilités, mais par rapport à l’immense travail de recherche réalisé au quotidien par cet organisme fédéral, cela reste anecdotique. Il n’y a donc pas de quoi en faire tout un fromage. Et je dois même l’avouer, cette séquence politique me rassure. Alors que le monde va mal, nos élus prennent le temps d’interpeller le Conseil fédéral sur l’avenir de la raclette. Signe que notre pays ne se porte pas si mal, non?
