En parfaite autonomie, ce robot fourrage comme une bête
«Il travaille lentement, mais il n’a que ça à faire.» Les explications de Colin Schwab sont ponctuées du bruit du robot qui prépare le fourrage. Autour, les vaches attendent paisiblement. Betteraves, luzerne, paquets de foin et de regain dévalent la rampe de bois pour atterrir dans le bol mélangeur de l’appareil.
Cet élément, que le jeune agriculteur décrit comme la «pièce maîtresse», ressemble à une sorte de blender géant monté sur roues et muni d’un capteur laser, mélangeant et distribuant du fourrage sec en parfaite autonomie.
Idée venue du Canada
Le Lely Vector, c’est son nom, soulage depuis 2019 le dos et les bras de Colin Schwab, de son frère Benjamin et de son père Cédric. C’est lors d’un stage au Canada que Colin a vu l’intérêt d’une telle acquisition. Un choix précurseur pour cette exploitation des Ponts-de-Martel (NE). «À ce moment, c’était la première au monde à utiliser ce robot en fourrage sec et betterave», fait remarquer Grégoire Duboux, responsable des ventes chez Lely Center en Suisse romande.
Jusque-là, l’affouragement des bêtes, dont 90 vaches laitières pour le gruyère, demandait surtout de l’huile de coude, les bovins avalant en moyenne 8,5 tonnes de fourrage tous les trois jours. Aujourd’hui, il suffit de remplir les boxes que les agriculteurs ont aménagés au-dessus de l’étable.
De jour comme de nuit
Dans les espaces séparés par des cloisons boisées, on trouve ainsi du foin, du regain, de la luzerne et de la betterave. Évaluant les besoins en continu, le robot prélève lui-même les quantités nécessaires de chaque fourrage grâce à une pince mobile fixée dans la grange, à quoi il ajoute un peu de tourteau de colza. Dans le bol mélangeur, brins d’herbe et racines sont ensuite coupés par des lames tranchantes. «Pour ne pas défibrer la ration et conserver ses valeurs nutritives, il est important que les végétaux soient coupés et non pas broyés», précise Colin.
Cette préparation, qui dure une trentaine de minutes, a l’avantage d’offrir aux vaches une nourriture homogène et de qualité, fraîche en permanence. «C’est important. À la différence des porcs ou des humains, les vaches mangent et ruminent quasi en continu. Dans l’idéal, il faudrait leur fournir du fourrage frais chaque heure, ce qui n’est pas possible en distribuant à bras comme on le faisait avant. D’où l’intérêt de ce robot travaillant même la nuit», continue le jeune agriculteur. Sa botte secrète?
Capteur laser
Un capteur laser qui mesure la hauteur du fourrage restant. Au-dessous de 16 cm, l’engin distribue une nouvelle ration. «Sur le marché, c’est actuellement la seule machine capable de scanner la hauteur d’alimentation», relève Grégoire Duboux. L’intérêt de cette technologie, c’est qu’elle permet au robot de s’adapter rapidement.
Si les bovins mangent moins, il diminue les rations. «C’était le cas il y a deux semaines. Quelques-unes de nos vaches étaient malades, le robot a naturellement adapté les quantités à la baisse», illustre Colin.
Investissement important
Tout cela à un coût: 200’000 francs pour la famille des Ponts-de-Martels. Mais elle ne regrette pas l’investissement. Bien au contraire, à entendre Colin dérouler la liste des avantages. D’abord pour les animaux. «Les bêtes sont plus calmes et le troupeau est globalement en meilleure santé. Tout cela se ressent sur la production laitière, qui s’en trouve légèrement améliorée, surtout avec les primipares (ndlr: vaches en première lactation).»
Selon lui, cette plus-value tient en partie dans la régularité du robot et sa répartition plus homogène du fourrage. Car à l’inverse, lorsque l’humain donne à la fourche et à la pelle, les types de fourrages sont souvent séparés. La compétition devient ainsi plus grande entre les vaches autour d’aliments comme la betterave, un vrai dessert. «Les bêtes les plus anciennes ont tendance à s’imposer devant les plus jeunes qui se retrouvent ainsi privées d’un apport nutritif important.»
Futur technologique
Avantageux pour le bétail, qui l’a rapidement adopté, le Lely Vector, l’est également pour l’homme. L’engin offre un gain de temps aux agriculteurs, de plus en plus sollicités par les nombreuses autres tâches du domaine. «Nous renouvelons simplement les stocks de fourrage tous les trois jours. Ce qui nous prend entre 30 et 40 minutes», explique Colin tout en déplaçant le robot, d’un simple doigt sur son smartphone.
Le jeune paysan relève la fiabilité et la solidité du système. Comme avec tous les appareils, des pannes sont certes inévitables. Mais à ce jour, il n’a pas connu de problème majeur. «Et le service client a toujours répondu présent», salue le jeune homme, convaincu que la majorité des fermes utiliseront à l’avenir de tels engins.
Il évoque les premières machines de traite. «Au départ, beaucoup d’agriculteurs étaient sceptiques. Mais aujourd’hui, pratiquement tous s’y sont mis.» De son côté, Cédric, le père, est heureux de voir ses deux fils motivés à assurer la continuité du domaine: «Ce robot, c’est un investissement pour l’avenir.»
Comment ça marche?
Le robot Lely Vector se déploie en deux parties: l’espace stockage (appelé «la cuisine») et le bol mélangeur-distributeur proprement dit. Côté cuisine, le robot travaille d’abord à l’aide d’une pince, qui se déplace sur un support fixe au-dessus des différents fourrages, sélectionnant lui-même les aliments dont il a besoin pour sa ration. Une fois dans le bol, les aliments sont mélangés et coupés. Sa capacité, d’environ 2 m3, permet des rations de 200 kg (sèches) ou 600 kg (ensilage). Pendant cette première phase, le robot se recharge sur une borne électrique qui constitue le départ de son circuit. Une fois la ration préparée, elle est distribuée par le robot dans les crèches selon les besoins. Repoussant également le fourrage restant devant les bêtes grâce à son système roulant, le Lely Vector s’arrête instantanément en cas de contact avec un objet ou une personne. Il se commande manuellement via une application sur tablette ou smartphone. Son prix: entre 140’000 et 230’000 francs, en fonction des besoins spécifiques de l’exploitation.
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