Vente directe
Viser un prix cohérent, équitable et transparent plutôt que le «juste prix»

Quel prix pour ses produits transformés, vendus sur place ou par un tiers? Que facturer pour une nuitée à la ferme? Un cours organisé pour la première fois en Suisse romande apporte des réponses et des conseils.

Viser un prix cohérent, équitable et transparent plutôt que le «juste prix»

Avec le développement spectaculaire de la vente directe, les producteurs sont devenus transformateurs – pâtissiers, boulangers, bouchers, etc. – mais également… vendeurs. Dont le premier acte est de fixer un prix à leurs produits. Or, la réalité montre de vraies lacunes à ce niveau-là: des prix qui prennent insuffisamment en compte les coûts de transformation et de commercialisation, qui peinent à exploiter la plus-value que représentent la traçabilité et la qualité des produits, et qui, parfois, sont inférieurs à ceux de la grande distribution.
«Les paysans sont trop absorbés par les tâches pratiques de la vente directe pour consacrer le temps qu’il faut à la question, constate Aurélie Daiz. Et la plupart du temps, on ignore comment fixer un prix pour un produit, ou une prestation. Il y a une vraie demande en termes de conseils et d’expertise sur ce sujet.»

Définir sa cible

Conseillère en commercialisation au sein de ProConseil, la jeune femme animait récemment la première journée consacrée à cette thématique en Suisse romande, en collaboration avec Éva Flückiger, conseillère en milieu rural à Grangeneuve (FR). Objectif: apprendre à fixer le prix d’un produit en circuit court ou d’une prestation d’accueil. Au programme: notions théoriques, témoignages personnels, exercices pratiques de calcul – et en trame de fond, une patiente entreprise de démystification. Car plutôt que de viser un hypothétique «juste prix», les participants au cours (une vingtaine, venus de toute la Suisse romande), ont été invités à réfléchir à leur politique de prix: comment atteindre la rentabilité? Quel profit viser? Quel rapport qualité-prix chercher, sachant que l’image d’un produit en dépend dans une large mesure? Comment communiquer efficacement avec ses clients?
«La première étape est sans doute de définir sa cible, souligne Aurélie Daiz. Le but est de vendre le bon produit à la bonne personne, à la bonne place et au bon moment. Déterminer une politique de prix s’insère dans un ensemble de choix à opérer en lien avec le produit, sa distribution et la communication. C’est ce qu’on appelle le marketing-mix.» Autrement dit, avoir une vision claire et avant tout cohérente des choses s’impose.
En commençant probablement par voir quels prix pratiquent les autres. «La démarche la plus basique, c’est le contrôle des points de vente des produits analogues, détaille la conseillère. Les index de prix publiés dans les journaux spécialisés comme Terre&Nature offrent aussi des informations faciles à obtenir.» Se positionner est également crucial – et ne peut se faire sans avoir défini sa clientèle cible, donc. Connaître cette dernière, c’est savoir ce qu’elle est prête à payer, fixer la limite psychologique, le fameux «9 fr. 95».
En amont sur la chaîne, déterminer ses canaux de vente n’est pas moins important: vente à la ferme, circuits courts ou circuits longs auront un impact différent sur le prix de vente de ses produits. Et sur le calcul d’une marge commerciale, notion délicate, mais à intégrer impérativement à l’opération, de l’avis d’Éva Flückiger, que l’on recoure à un intermédiaire ou pas: «Une marge peut permettre de financer une part des éventuels investissements ultérieurs.»

Des calculs complexes

Mais l’opération la plus complexe reste le calcul des coûts de production. Des ingrédients de base aux frais d’utilisation des machines, en passant par le matériel de conditionnement ou d’emballage, le loyer et les assurances, tout, absolument tout doit être relevé. Y compris, et surtout, le travail consenti – le sien propre ou celui de tiers. Un gros morceau pour les producteurs-transformateurs promus vendeurs… Pas tant, d’ailleurs, que celui qui consiste à évaluer au plus précis le prix d’une prestation comme une nuitée avec petit déjeuner, une visite à la ferme, la mise à disposition de locaux, etc.
«Surtout, le problème est de déterminer ce que l’on fait payer, indique Éva Flückiger. Le dialogue, le contact authentique, le temps mis à disposition de ses hôtes font partie de la prestation recherchée par les clients et ont donc un prix. Mais à tout additionner, on peut aussi tomber dans un prix excessif. Valoriser sa disponibilité est extrêmement difficile.» La conseillère suggère de faire payer un montant fixe établi d’avance pour ce genre de prestation. Et de ne pas hésiter à faire appel à ses services ou aux structures analogues pour se faire aider.
Bref, le sujet dépasse largement le cadre d’une journée, fût-elle aussi dense que celle-ci. Pour les conseillères, certains messages sont essentiels: ne pas vendre trop bon marché (entre autres pour éviter de réajuster un prix à la hausse en cours de commercialisation), soigner les relations avec ses clients, fixer un «prix conseillé» lorsqu’on travaille avec ces derniers…
Et surtout être en mesure d’expliciter clairement ses prix, en étant fier de ce qu’ils recouvrent – traçabilité, qualité, mode de production équitable également du point de vue social, etc. «Aujourd’hui, dans la décision d’achat, la formation du prix n’est guère prise en compte, et peu exploitée par les producteurs. C’est l’influence de la grande distribution, qui préfère entretenir l’opacité sur ce point. Mais il y a un mouvement dans ce sens qui se dessine, avec des vendeurs qui informent sur la formation de leurs prix sur l’habillage des produits ou l’affichage dans les lieux de vente, en se montrant volontiers créatifs, observe Aurélie Daiz. Pour moi, c’est clairement dans cette direction que la vente en circuit court doit aller.»

 

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): DR

Vertus du prix

Une politique de prix digne de ce nom doit être…

  • durable: ne pas pratiquer de prix d’appel non rentable à titre provisoire, ne pas se concentrer sur un seul client, se méfier d’une vision opportuniste au coup par coup et privilégier la cohérence;
  • équitable: tenir compte de la pondération de tous les éléments à prendre en compte; transparente: être en mesure d’expliciter avec fierté ses prix; cohérente: s’accorder à l’image du produit, à la clientèle choisie, au positionnement, être régulière à long terme.

+ d’infos www.prometerre.ch