Nature
VIDEO: La chouette effraie est un rapace plus menacé que menaçant

Dès aujourd’hui, visionnez sur notre chaîne YouTube le nouvel épisode du «Marronnier». Imaginée par le journaliste genevois Witold Langlois, cette série décrypte chaque mois le comportement des animaux de chez nous.

VIDEO: La chouette effraie est un rapace  plus menacé que menaçant

Un fantôme dans la nuit

L’effraie des clochers, ou chouette effraie, peut donner à celui qui l’aperçoit de nuit l’impression d’avoir une vision. Mesurant 30 cm, ce rapace nocturne a le dessus du plumage roux doré et le dessous blanc. Son apparition silencieuse, ses chuintements désordonnés et ses ronflements aux sonorités plaintives lui donnent une dimension inquiétante et fascinante à la fois. «L’effraie des clochers est sédentaire, explique Alice Cibois, ornithologue au Muséum d’histoire naturelle de Genève. Elle affectionne les milieux ruraux, les vieilles granges, les tours, les greniers, de même que certaines ruines.» Elle construit son nid à même les poutres, en hauteur ou sur le plancher, de préférence à proximité d’une ouverture donnant sur des espaces dégagés tels que champs ou prairies.»

Redoutable prédateur

L’effraie est une chasseuse redoutable. Elle se nourrit aussi bien de petits rongeurs (musaraignes, mulots, campagnols, souris), de batraciens (grenouilles, salamandres, crapauds) que
de passereaux. Son plumage soyeux lui permet d’approcher ses proies sans bruit. L’attaque est propre, nette et sans bavure. Son bec puissant, ordinairement caché sous les plumes, est un outil redoutable pour déchiqueter les proies avec l’efficacité d’un rasoir. Pendant la mauvaise saison, lorsque les champs sont enfouis sous la neige, l’effraie peine toutefois à se nourrir. Les hivers les plus rigoureux engendrent la disette et beaucoup de ces rapaces nocturnes meurent avant d’avoir pu se reproduire.

Des jeunes bruyants

Les petits naissent au milieu du printemps. En général, ils sont quatre ou cinq maximum par nid. En permanence affamés, ils le font bien comprendre! «Leurs cris sont aussi stridents qu’effrayants», précise Alice Cibois. La nuit, les adultes s’activent dans des va-et-vient incessants pour nourrir les oisillons. Pour défendre son nid et ses petits face aux prédateurs, l’effraie déploie ses ailes et les incline en direction de l’ennemi comme des flèches menaçantes. Puis elle bouge la tête d’avant en arrière, dans une étrange danse. En même temps, elle émet de forts sifflements et claque du bec, les yeux complètement révulsés. Si vraiment l’intrus insiste, l’effraie lui saute dessus et le frappe de ses pattes. Ce rituel de nourrissage et de défense se poursuit ainsi de 7 à 12 semaines. Les juvéniles peuvent alors voler de leurs propres ailes pour chercher un partenaire.

Espèce en grand danger

L’effraie est sérieusement menacée. Le développement des zones urbaines entraîne la diminution de ses habitats. Les chocs meurtriers sur la route sont une autre cause importante de mortalité pour l’espèce. Continuer à poser des nichoirs en campagne pour favoriser son installation est une mesure permettant de la favoriser.

Arrêtons de fantasmer

Pendant des siècles, on a considéré l’effraie comme un oiseau de mauvais augure, même si elle est symbole de sagesse dans la mythologie grecque. La coutume de la clouer contre la porte des personnes à qui l’on voulait du mal a mis longtemps à disparaître. Ces pratiques moyen­âgeuses tendent heureusement à cesser. Mieux connue, débarrassée de l’aura de superstition qui l’entourait, l’effraie des clochers est en train de devenir plus populaire. Elle est désormais protégée par la loi.

Texte(s): Witold Langlois

Notre experte

Alice Cibois est ornithologue et biologiste au Muséum d’histoire naturelle de Genève. Elle s’intéresse en particulier aux passereaux et aux oiseaux africains et asiatiques. Elle est par ailleurs présidente de la Société suisse de systématique et corédactrice de la Revue suisse de zoologie.