Santé
Vermifuger ne suffit plus pour lutter contre les parasites

Dans les troupeaux d’ovins, réguler la quantité de vers gastro-intestinaux est une préoccupation importante. Les principes de prévention et de lutte s’adaptent au développement de résistances aux vermifuges.

Vermifuger ne suffit plus pour lutter contre les parasites

Tous les troupeaux de petits ruminants qui pâturent sont infestés par des vers gastro-intestinaux. L’enjeu, pour le détenteur, consiste à maîtriser leur quantité, en raison du problème sanitaire et économique important qu’ils causent. Si on a longtemps cru qu’une vermifugation systématique était suffisante pour lutter contre ces parasites, la mise en place de mesures préventives devient désormais incontournable. «Des résistances à la majorité des vermifuges actuels se développent rapidement, souligne Steffen Werne, de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), à Frick (AG). Cette évolution est très inquiétante, car peu de méthodes alternatives existent. Pour éviter que la situation ne se dégrade encore, il faut donc user de tous les moyens possibles. L’objectif est de limiter la propagation de vers résistants, afin de prolonger la durée d’utilisation des vermifuges encore efficaces.» Désormais, le développement de souches multirésistantes contre plusieurs substances actives au sein d’un même troupeau n’est en effet plus une exception. La situation ne peut cependant pas être généralisée. Alors que certaines exploitations sont confrontées à l’inefficacité des vermifuges, la gestion des parasites ne pose pas de problème dans d’autres.

Rompre le cycle de reproduction
Le traitement systémique d’un troupeau entier est l’un des moteurs de formation de résistance les plus puissants. «Utiliser des vermifuges n’est pas anodin, car on sélectionne ainsi des vers résistants, relève Steffen Werne. En effet, seuls les vers survivants, et donc résistants, vont continuer à produire des œufs.» Pour ralentir la propagation d’une éventuelle résistance, on cherche donc à maintenir une population de vers sensibles aux vermifuges, dans l’animal et sur les pâturages. Ne pas traiter 10 à 20% des brebis est une des méthodes utilisées. On cherchera en outre à sélectionner les sujets qui ont développé une meilleure immunité contre les vers en éliminant ceux qui sont sensibles aux diarrhées. En parallèle, la conduite de la pâture est la mesure préventive la plus efficace. L’objectif est de rompre le cycle de reproduction des parasites. La concentration de moutons à l’hectare joue un certain rôle. Un particulier qui n’a que quelques moutons, mais dans un petit espace, peut donc être plus touché que l’éleveur dont les bêtes montent à l’alpage en été. On veillera donc à limiter au maximum la durée de passage sur les diverses parcelles. Idéalement, les moutons ne devraient pas rester plus de quatorze jours sur un pré, avec des intervalles de huit à dix semaines minimum avant d’y revenir. Alterner avec la production de fourrage ou une pâture avec d’autres animaux est conseillé. «Chaque éleveur devrait remettre en question sa gestion de la lutte contre les parasites gastro-­intestinaux, avant qu’une résistance ne soit visible, indique Steffen Werne. Il est alors trop tard pour agir.»


Comment gérer les herbages?
Privilégier l’alternance
Un pré ne doit jamais être pâturé continuellement. Effectuer des rotations en divisant la surface. Une pâture en alternance avec des bovins ou des chevaux permet de diminuer fortement la pression parasitaire. Une autre option consiste à produire du fourrage. Le labour élimine pratiquement toutes les larves infectieuses. Pour lutter contre la douve du foie, les zones humides doivent être clôturées ou drainées, ce qui permet de réduire l’exposition à l’hôte intermédiaire que constitue l’escargot. À noter que le gel hivernal n’est pas suffisant pour éliminer entièrement les larves.

Quelles autres mesures prendre?
Améliorer les conditions d’élevage
Renforcer les défenses immunitaires aide les animaux à lutter contre les parasites internes. S’assurer donc que le colostrum soit pris correctement par les nouveau-nés. Veiller ensuite à une alimentation équilibrée et en quantité suffisante. Le stress peut affaiblir le système immunitaire: l’éviter à tout prix. L’emploi de l’esparcette permet de réduire l’excrétion des œufs de strongles. L’effet dépend de la dose des tanins contenus dans cette légumineuse, ainsi que de la quantité donnée, qui doit être importante. Vu le coût élevé, cette méthode est à réserver plutôt aux particuliers.

Comment employer les vermifuges?
Optimiser leur utilisation
Adapter le choix du produit aux parasites présents. Pour être efficace, celui-ci doit être correctement utilisé. Il faut notamment veiller à ne pas le sous-doser. Les animaux devraient être mis à jeun une douzaine d’heures avant l’administration d’un vermifuge oral. Il faut s’assurer que le produit soit bien avalé ou que l’injection ne soit pas faite dans la laine: un système de contention approprié augmente les chances de réussite. Veiller ensuite à ne pas changer de pâture immédiatement après le traitement, sous peine de sélectionner des vers résistants dans un milieu sans concurrence.

Quelle est l’efficacité du traitement?
Opter pour un contrôle
Traiter à l’aveugle ne garantit en aucun cas le résultat. Pour évaluer l’efficacité du traitement, deux analyses d’échantillons coprologiques sont nécessaires. La première permet d’affiner la sélection des animaux à traiter et du produit à utiliser. Une fois les moutons vermifugés, on effectue un second prélèvement environ deux semaines plus tard. La réduction de l’excrétion fécale – soit la quantité d’œufs dans les fèces – donne une indication sur le succès du traitement. Afin de réduire le coût, on peut grouper en un seul échantillon les fèces d’environ cinq animaux du troupeau.

Quels animaux traiter?
Cibler les plus vulnérables
Ne jamais traiter l’ensemble du troupeau simultanément, mais au maximum 80 à 90%, sous peine de sélectionner les vers résistants. Vermifuger en priorité les animaux les plus sensibles, à savoir les sujets en gestation ou en lactation, ainsi que les agneaux, en observant leur état de santé. Une perte d’appétit, des muqueuses pâles, de la diarrhée, un affaiblissement général, une laine à l’aspect terne ou un amaigrissement sont autant de symptômes qui peuvent être dus à une verminose. La productivité des brebis laitières et les gains journaliers des agneaux fournissent également de bonnes indications.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Claire Muller