Agriculture
Une structure de conseil pour les microfermes se met en place

Les arcanes administratifs du micromaraîchage font désormais l’objet d’une offre spécifique de la vulgarisation vaudoise. Une première en Suisse, qui répond à un besoin croissant.

Une structure de conseil pour les microfermes se met en place

«Avec actuellement 60 à 70 microfermes, dont la moitié dans le canton de Vaud, la demande en expertise en matière de technique et de gestion a explosé cette dernière année, constate Delphine Piccot. Or, les microfermes ne sont pas faciles à conseiller: leur cadre cultural bio et intensif n’est pas celui qui est mis en avant dans la formation au CFC de maraîcher, et l’essentiel de la réglementation agricole n’a pas été conçu pour celles-ci.»

 

Expérience de terrain

Si cette lacune a déjà été identifiée par la filière, Proconseil est la première structure professionnelle romande à proposer une offre de coaching sur mesure pour les microfermes. Une thématique que Delphine Piccot suit de près depuis quelques années, auparavant au sein de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), où elle a travaillé jusqu’en 2020. La jeune femme est également la coanimatrice, avec Hélène Bougouin, du Groupe d’intérêts microfermes et permaculture comptant quelque 120 personnes. Pour Prométerre, ce CV en faisait la personne toute trouvée pour tenir lieu de référente en la matière. «Il est probable que beaucoup de microfermiers débutants ne se seraient pas sentis légitimes pour la vulgarisation classique, observe-t-elle. Les deux mondes ne sont pourtant pas antagonistes.» Si l’Office technique maraîcher reste responsable de la pratique, Delphine Piccot répond à toutes les demandes touchant à la gestion. C’est dans ce cadre qu’elle propose un cours en avril 2022, visant à «déterminer ce qui est le plus judicieux pour ouvrir une exploitation, et expliquer les jalons essentiels du parcours juridique et administratif».

 

Établir une synergie

Sans surprise, la première question abordée est celle de l’accès au terrain – pas facile pour des futurs exploitants souvent sans lien avec le monde agricole. «Le plus simple et efficace est de s’adresser directement à un propriétaire agricole pour se mettre d’accord sur la location d’une parcelle, en surmontant l’éventuelle méfiance réciproque, souligne l’agronome. Profiter du bouche-à-oreille et pouvoir convaincre de sa motivation sont d’excellentes bases à la discussion.» En la matière, Proconseil relaie les offres et demandes parvenant à sa connaissance, sans fonctionner comme une bourse d’échange, précise-t-elle.

Aussi cordiale soit-elle, une rencontre n’est pas suffisante. Car l’élément central du micromaraîchage repose fréquemment sur la serre; or une autorisation légale est requise dès lors que l’installation est permanente et dépasse trois mètres de haut. «C’est le deuxième écueil, admet Delphine Piccot. L’administration doit se prononcer, notamment la Direction générale du territoire et du logement, et les règles sont assez restrictives.» Sur un terrain loué, le propriétaire doit autoriser formellement la nouvelle construction et selon les circonstances participer également aux démarches afin d’augmenter les chances de réussite – ce qui peut poser un problème.

Établir une synergie avec ce dernier est donc recommandé: «Si le propriétaire est agriculteur, l’association peut être bénéfique: il trouve généralement facilement un demi-hectare dont il peut se passer, va gagner en loyer ce qu’il perd en paiements directs, et tend à une diversification bénéfique pour son exploitation, d’autant que tous les paysans n’adorent pas le maraîchage.»

La question des paiements directs, d’ailleurs, est incontournable. «Les microfermes peuvent prétendre à certaines contributions si leur structure juridique s’y prête, souligne la spécialiste. Les contributions à la biodiversité et à la qualité du paysage sont celles qui entrent le plus facilement en compte.» Les paiements directs ne sont pas les seuls soutiens éventuellement en lice. «Un CFC de maraîcher donne droit à l’aide initiale d’installation et il vaut la peine de vérifier si l’on est éligible», recommande Delphine Piccot. Des paiements en lien avec le Plan climat vaudois prévu pour 2022 pourraient également entrer dans l’équation. Évidemment, le calcul des UMOS est un prérequis à toute prétention de ce genre. «Mais il n’est pas si complexe», rassure-t-elle.

 

Un outil indispensable

Dans le cadre des cours dispensés en avril, l’après-midi sera consacré à la création d’un budget provisionnel, «un outil qui fait un peu peur, mais fournit une visibilité indispensable sur les trois ou quatre premières années d’exploitation, note encore la conseillère. Et c’est généralement nécessaire pour briguer une aide étatique.»  La formation sera donnée en coordination avec le FiBL et Agridea; ces deux dernières organisations ont déjà tenté d’obtenir une image précise des exploitations micromaraîchères en Suisse, remarque Delphine Piccot. On peut d’ailleurs la consulter sur agripedia.ch. «Mais cela ne donne que des tendances; un portrait obtenu au moyen d’un protocole strict de récolte des données permettrait d’établir de façon ferme les facteurs de rentabilité d’un projet. Pour l’heure, aucun organisme n’en a reçu le mandat.»

Cours «Comment lancer sa microferme: les bases juridiques essentielles à connaître», 7 avril, inscriptions sur prometerre.ch

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

Préserver l’esprit entrepreneurial

Comme le souligne Delphine Piccot, les microfermes sont aujourd’hui un peu en marge d’une réglementation agricole conçue pour des exploitations plus traditionnelles. Faut-il donc étendre le soutien des contributions étatiques à leur endroit? À cette question, Christian Hofer apporte une réponse nuancée. «Premièrement, les paiements directs ne sont pas les seuls instruments à même de soutenir ces nouveaux modèles, estime le directeur de l’OFAG. Ils peuvent par exemple s’intégrer au cadre de projets de développement régional (PDR) ou à celui de la promotion de la qualité des produits agricoles. Ensuite, ces initiatives voient le jour et se donnent les moyens d’exister sans financement public, ou presque, avec une flexibilité et une indépendance que les paiements directs ne viennent pas corseter. Si l’on fixe un cadre pour le micromaraîchage, on doit absolument le faire en préservant cet esprit entrepreneurial qui peut et doit inspirer toute l’agriculture suisse.»