Reportage
Une cave high-tech permettra de changer en or le lait d’Entremont

Inaugurée cet été dans le cadre du Projet de développement du Grand Entremont, la nouvelle laiterie d’Orsières (VS) mise sur l’agritourisme pour offrir de nouveaux débouchés à une vingtaine de producteurs.

Une cave high-tech permettra de changer en or le lait d’Entremont

Quand on entre dans le bâtiment de béton et de bois aux proportions généreuses et à la façade ornée de couleurs flashy, le regard est immédiatement attiré par une ouverture découpée dans un mur massif, au fond du couloir. Baignées dans une douce lumière, des meules de raclette AOP estampillées Orsières sont exposées comme des œuvres d’art dans un musée. Sur le côté, un accès est réservé aux livraisons matinales. «La laiterie appartient à 22 producteurs qui ont chacun investi dans sa réalisation», explique le président de la coopérative, Benoît Tornay, pas peu fier de présenter ce nouvel outil de travail qui a coûté 6,5 millions de francs, dont 3 millions accordés à titre de subventions dans le cadre du Projet de développement régional du Grand Entremont (voir encadré).

Identifiés grâce à un numéro qui leur a été attribué, les coopérateurs s’enregistrent avant de livrer le lait du jour. Si la capacité maximale de réception est de 8700 kilos par jour, la moyenne de cette fin novembre tourne plutôt autour de 6500 kilos, pour une centaine de pièces fabriquées. «Les vaches, qui viennent d’avoir leurs veaux, vont repartir en lactation, relève Benoît Tornay. Nous allons recevoir plus de lait dans les semaines à venir.»

Automatisation poussée
Une fois la livraison réceptionnée, le fromager valide le pesage et prélève deux échantillons. Le premier est analysé sur place, le second est conservé pour pouvoir si nécessaire retracer l’historique d’un produit qui présenterait un défaut de fabrication. Des contrôles auxquels viennent s’ajouter ceux effectués chez les paysans ainsi qu’à la laiterie, tous les quinze jours. De là, le lait est acheminé vers la salle de fabrication sous la surveillance attentive du responsable René Lovisa et de son aide Carlos Fonseca, qui s’activent dans l’air humide. Attenante aux deux cuves d’une capacité de 3600 kilos et à la «petite» cuve de 1500 kilos servant à fabriquer les tommes, une presse automatisée permet de retourner 144 fromages en même temps. «Cette installation est unique en Valais, se réjouit Benoît Tornay. Le comité de construction a planché durant deux ans avec les producteurs pour la concevoir.» La technologie améliore le confort de travail des employés, qui devaient auparavant retourner trois ou quatre fois les pièces au cours de la même matinée. «Mais bien entendu, elle ne remplacera jamais la main du fromager.»

Les meules sont ensuite déplacées au local de salage, où elles passeront 24 heures dans un bain de sel. Toutes les deux heures, ce dernier est brassé par un système de pompe pour homogénéiser la saumure et un contrôle quotidien de qualité permet de vérifier que le taux de salinité reste optimal. «Contrairement à l’ancienne laiterie, qui ne produisait que du sérac et des tommes, la nouvelle installation permet de fabriquer du beurre, souligne Benoît Tornay. Tout le lait est ainsi valorisé.»

Raclette en vedette
La visite se termine par la cave d’affinage, d’une capacité totale de 20000 pièces – 15000 de raclette AOP et 5000 tommes. «Comme nous avons commencé il y a quatre mois, elle n’est remplie qu’au quart, relève Benoît Tornay. Un responsable est chargé de veiller sur les fromages, assisté de Pierre-François… le robot! «L’entreprise Leu, qui l’a conçu, souhaitait qu’on lui donne un prénom plutôt qu’un numéro. Nous avons choisi celui d’un employé qui a travaillé vingt ans pour l’ancienne laiterie.» Si le fromage est au centre de la nouvelle structure d’Orsières, celle-ci se veut bien plus qu’un lieu de fabrication. «Grâce à cet investissement, nous ambitionnons de nous positionner comme un acteur agritouristique fort dans la région», se réjouit Simon Tornay, directeur commercial des Espaces Terroir de la nouvelle laiterie. L’un de ses atouts, outre une exposition didactique sur la fabrication du fromage, est assurément son café-œnothèque, ouvert 7 jours sur 7, où l’on peut déguster une raclette sans réservation de… 6 h du matin à 22 heures!

La sélection du shop est pointue. Dans les frigos, on trouve du raclette, bien sûr, y compris des pièces affinées plus de douze mois dans une cave spéciale. «Nous avons choisi l’appellation Orsières, qui symbolise notre identité», précise Simon Tornay. Au rayon des produits laitiers, on peut également citer les tommes maison du Clocher et Via Francigena, le sérac et le beurre produits sur place, auxquels s’ajoute une autre spécialité: les pâtes artisanales farcies de viande d’hérens locale ou de raclette, fruit d’un partenariat avec un artisan italien. Pain, confitures, miels, sirops, tisanes, chocolats et autres douceurs complètent l’assortiment. «La nouvelle laiterie offre à nos producteurs, qui sont pour la plupart des jeunes, de solides perspectives pour l’avenir», conclut Benoît Tornay.

Texte(s): Alexander Zelenka
Photo(s): Sedrik Nemeth

En chiffres

La nouvelle laiterie d’Orsières, c’est…

  • Un investissement de 6,5 millions de francs.
  • Une cave d’affinage d’une capacité totale de 20000 pièces.
  • 22 producteurs.
  • Un shop du terroir, un café et une œnothèque ouverts 7 j/7 de 6 h à 22 h.
  • Une exposition interactive sur le fromage.
  • Un espace modulable à louer de 150 places.

+ D’infos

Les PDR boostent l’agriculture du Valais

Les PDR, ou projets de développement régionaux, ont pour but de créer de la valeur ajoutée et des emplois dans le secteur agricole en Valais. Avec le val d’Hérens, Loèche-Rarogne et le val d’Illiez, le Grand Entremont est la quatrième région à en bénéficier. Soutenu notamment par la Confédération, l’État du Valais et la branche, le projet s’intègre dans le cadre de la politique cantonale visant à dynamiser l’agriculture régionale en s’appuyant sur la valorisation de produits authentiques, un paysage typique, une riche biodiversité et un accueil de qualité. Il garantit des structures de production performantes et offre des perspectives de développement pour les agriculteurs. Le PDR du Grand Entremont mise en particulier sur les filières de la viande, du fromage, des plantes aromatiques et médicinales, des céréales, fruits et miels, ainsi que sur la promotion de l’image de la région et de la qualité de ses produits. Il prévoit par ailleurs le renforcement des créneaux de vente directe et la diversification des prestations agricoles, notamment par le développement d’activités agritouristiques.

+ D’infos www.vs.ch/web/sca/projets-de-developpement-regional