Reportage
Une balade bovine qui se révèle vachement bien!

Les excursions avec des yaks ou des lamas ont la cote. Dans le canton de Schaffhouse, un agriculteur propose une évasion plus originale, à dos de vache. Nous avons testé pour vous ce concept unique.

Une balade bovine qui se révèle vachement bien!

Et si une vache laitière pouvait remplacer ma jument le temps d’une balade? À la ferme Bolderhof, à Hemishofen (SH), les bovins sont des compagnons de loisir pour le moins ordinaires pour leur propriétaire, plus surprenants pour le visiteur. «Pourquoi cantonner nos vaches helvétiques à la seule production de lait et de viande? questionne Heinz Morgenegg, l’initiateur de cette prestation depuis une dizaine d’années. Avec de la patience, elles deviennent des montures agréables. À ma connaissance, nous sommes les seuls au monde à proposer un tel concept.» Désormais, des touristes du monde entier – des Arabes, des Américains et des Russes, notamment – viennent se balader en compagnie de ses vaches dans la campagne schaffhousoise. De quoi titiller notre curiosité.

S’apprivoiser mutuellement
Sorties du troupeau pour une demi-journée, Balu et Milena ont été soigneusement nettoyées, avant d’être sellées. Première étape pour nous autres «cavaliers» (devrait-on dire vachers?) du jour: apprivoiser notre monture à cornes, afin de la mettre en confiance. Nous la caressons, tout en lui susurrant quelques mots doux à l’oreille, prenant ainsi le temps de faire connaissance. Nous apprenons aussi les mots – en allemand bien sûr! – qu’il faudra lui dire pour lui demander d’avancer ou de s’arrêter. «Contrairement à la croyance populaire, les vaches sont très intelligentes, souligne l’agriculteur. Jeune garçon, j’ai essayé comme beaucoup de collègues de monter sur leur dos. En général, je finissais au sol après quelques minutes… Mais avec un entraînement approprié, elles comprennent vite ce qu’on attend d’elles. Le plus important est de créer un lien basé sur le respect.»

Un rythme indolent
Les premiers mètres de la balade se font à pied, afin de renforcer la complicité amorcée. Ils permettent aussi de laisser le stress quotidien de côté, ce qui évite que le cavalier en herbe transmette sa propre nervosité à la vache. Marcher en tenant au licol un animal pesant plus de 700 kilos et muni de solides cornes est déjà une expérience en soi. L’attrait de l’herbe le long du chemin est parfois le plus fort pour le bovin que celui de la promenade. Pas facile alors de réussir à convaincre cette masse de muscles de nous suivre, uniquement à l’aide d’une corde. «Pour cette raison, les balades ne sont pas adaptées aux jeunes enfants, car il faut un minimum de force pour maîtriser une vache», relève Heinz Morgenegg.

Puis vient le moment tant attendu de se mettre en selle. Un surfaix équipé de poignées et une couverture remplacent l’équipement équestre traditionnel. Nous voilà juché sur le dos de notre anima! L’exercice n’a pas été finalement aussi périlleux qu’on le craignait. Nous pouvons nous remettre en route, confiant, découvrant le paysage de ce point de vue original. Le pas de Milena est nonchalant, interrompu par quelques haltes destinées à grappiller une touffe de verdure, çà et là au bord du sentier. Question souplesse et confort, c’est autre chose! Difficile de retrouver les mêmes sensations qu’à cheval: la position plus basse de la tête et le long dos droit nécessitent un temps d’adaptation pour un cavalier.

Quelques frayeurs
Après avoir longé plusieurs prés, nous atteignons sans encombre ni incident la rive du Rhin. Bien que Balu et Milena soient calmes, on sent leur puissance contenue. Je me prends alors à me demander comment arrêter ma monture s’il lui venait à l’idée de partir en goguette, n’ayant à ma disposition qu’un simple licol sans mors pour contrôler l’animal. Cette question m’a à peine effleurée que Balu entraîne sans crier gare son passager dans les fourrés voisins, gênée qu’elle est par des insectes. Heureusement, cette soudaine rebuffade se solde par plus de peur que mal! Son cavalier ne ramènera de sa cavalcade que quelques belles égratignures. Pour la maîtrise, on repassera!

La chaleur estivale commençant à se faire sentir pour nos deux compagnes de promenade, une baignade dans le fleuve est la bienvenue. Les vaches rentrent facilement dans l’eau, heureuses de se rafraîchir. Les vagues causées par des bateaux transportant leur lot de touristes ne les effraient guère. Se retrouver juché sur une vache au milieu du Rhin se révèle pour le moins surprenant et dépaysant. Après ce bain de pied, l’heure est venue de retourner à l’étable. Le chemin du retour se fait paisiblement, nous permettant d’apprécier ce mode originale de locomotion.

La balade terminée, nos montures rejoignent leur troupeau et retrouvent leur vie quotidienne. En effet, ces vaches – une dizaine d’entre elles sont dressées – ne sont pas pour autant uniquement une attraction touristique. Elles continuent à être élevées pour leur production laitière. Mais, là aussi, Heinz Morgenegg a opté pour une méthode moins commune à la tradition suisse: les veaux sont laissés avec leur mère le temps de l’engraissement.