Décryptage
Un premier envol hors du nid plus ou moins volontaire

En cette période printanière où les nids sont pleins, la présence d’un oisillon à terre ne signale pas forcément une chute. En tous les cas, mieux vaut y réfléchir à deux fois avant de se précipiter à son secours.

Un premier envol hors du nid plus ou moins volontaire

Départ programmé
Comme tant d’autres oiseaux dits nidicoles, ceux qui égaient nos parcs et jardins – moineaux, merles, rougequeues et autres – naissent nus et aveugles, dépendant de leurs parents durant de longues semaines, tant pour réguler leur température corporelle que pour se nourrir. Ils ne prendront leur envol que lorsqu’ils auront ainsi suffisamment grandi et forci. Mais ils sortent du nid en général avant d’être totalement aptes à voler, car ils y sont de plus en plus à l’exigu, explique Sophie Jaquier, de la Station ornithologique suisse. «Et souvent, ce sont les parents eux-mêmes qui les attirent hors du logis avec de la nourriture, pour les inciter à se lancer, car les chances de survie de la nichée sont meilleures lorsqu’elle est ainsi dispersée. Ça se passe en général le matin, de façon que l’oisillon ait la journée entière pour s’adapter à son nouvel environnement.» Bien caché et toujours nourri par ses parents, il prendra de lui-même son envol définitif d’ici quelques jours.

Audace… ou malchance
Vous avez découvert un jeune oiseau incapable de voler? S’il est bien emplumé et se tient solidement sur ses pattes, il y a de fortes chances que ce soit un oisillon qui a choisi de s’émanciper. Et que maman ou papa, qui ne sont en réalité pas bien loin de leur rejeton, se pointent après quelques minutes. Mieux vaut donc ne pas le déplacer (faire rentrer le chat, en revanche, peut être une bonne idée) et attendre à quelque distance pour s’assurer que tout va bien. «En revanche, s’il est nu ou se tient comme agenouillé, il s’agit alors d’une chute involontaire. Il est donc effectivement en danger», indique la spécialiste. Que faire alors?

Moineau à terre!
L’ornithologue déconseille fermement de s’aventurer à jouer les apprentis vétérinaires. «En pratique, nourrir un jeune oiseau est très difficile et très astreignant, et la moindre erreur peut lui être fatale», avertit-elle. Sans compter qu’une autorisation du vétérinaire cantonal est requise. Deux options s’ouvrent alors au sauveteur: s’il n’y a aucun doute sur le domicile de l’oisillon, on peut le remettre dans son nid (l’odeur de l’homme ne va pas déranger les parents); sinon, le plus sûr est de téléphoner à un vétérinaire, à une station de soins ou directement à la Station ornithologique; celle-ci indiquera la station de soins la plus proche, où l’on pourra déposer l’infortuné dans les mains de spécialistes.

Mise en boîte
La scientifique ne le cache pas: plus l’oiseau est jeune, plus minces sont ses chances de survie. «Mais ça vaut toujours le coup d’essayer!» Pour les augmenter, on placera le petiot dans une boîte en carton percée de trous d’aération, mais on évitera surtout de mettre eau ou nourriture à sa disposition, au risque d’aggraver sa situation.

Parents adoptifs
Chaque année, la Station ornithologique suisse accueille ainsi entre 1300 et 1500 patients à plumes, indique Sophie Jaquier. «La moitié environ des oiseaux que nous recueillons sont des petits. Parmi eux, les passereaux sont nombreux: l’an dernier, nous avons ainsi élevé 128 jeunes merles noirs et 138 moineaux domestiques.» Mais la majorité du contingent est composée pour l’essentiel de jeunes canards colverts et de martinets noirs. Pour ces deux espèces, le problème est un peu différent: «Les colverts nichent fréquemment à l’abri de terrasses ou de balcons, les petits peuvent se trouver alors incapables d’escalader les murets qui y donnent accès, explique-t-elle. Quant aux martinets noirs, qui passent presque 100% de leur vie en vol, ils ne sautent hors de leur nid situé sous les toits que lorsqu’ils savent voler. Si un jeune en tombe avant ce stade, il est systématiquement en danger de mort.» Extrêmement difficiles à nourrir de la main de l’homme une fois recueillis, les petits martinets sont généralement confiés à des parents adoptifs, bonnes poires, qui les élèvent comme leurs propres rejetons.

+D’infos www.vogelwarte.ch

->Participez au comptage des oiseaux du 8 au 10 mai 2020! En ce printemps où l’on est confiné à la maison, apprenez à reconnaître les principales espèces d’oiseaux présentes tout près de chez vous! Un recensement participatif sera également organisé du 8 au 10 mai par BirdLife Suisse. Toutes les informations et les posters pour reconnaître les oiseaux sont disponibles ici.

 

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): DR