Du côté alémanique
Un paysan bernois fabrique des cosmétiques à base de caméline

Aux portes de l’Emmental, Thomas Vogt s’est lancé dans la production de caméline. Grâce à sa sœur droguiste, l’entreprise commercialise désormais divers produits à base de cette oléagineuse sous la marque Hofmanufaktur Vogt.

Un paysan bernois fabrique des cosmétiques à base de caméline

Dans les vertes vallées de l’Emmental, les pentes abruptes se prêtent davantage aux pâturages qu’aux grandes cultures. Les vaches laitières, dont la production est destinée à la fabrication du fameux emmental, ainsi que le bétail d’engraissement représentent le débouché principal pour les agriculteurs de la région. Pourtant, quelques surfaces plus planes permettent à certains producteurs d’innover. À Krauchthal (BE), Thomas Vogt, qui exploite son domaine en agriculture biologique, s’est ainsi lancé dans la culture de caméline voilà trois ans. Si cette plante est également cultivée à petite échelle en Suisse romande, notamment au pied du Jura vaudois et dans le canton de Genève, l’originalité de la démarche de Thomas Vogt repose sur la transformation de cette graine oléagineuse. «Nous la vendons en graines brutes, pour agrémenter une salade ou un bircher, et également sous la forme d’huile pressée à froid. Mais ce qui nous distingue des autres agriculteurs, c’est toute la gamme de produits dérivés que nous avons pu élaborer grâce à ma sœur Susanne Mosimann, qui est droguiste.» Des gélules à base d’huile ainsi que divers produits cosmétiques comme des crèmes pour les mains ou pour les pieds et un lait corporel sont fabriqués à base d’huile de caméline.

Le fruit du hasard
«Ma découverte de cette oléagineuse doit beaucoup au hasard, explique le Bernois. Mon objectif premier était de planter des pois, afin d’améliorer la teneur en azote de la ration alimentaire de mon bétail. Pour limiter le risque de verse et lutter contre les mauvaises herbes, il me fallait absolument l’associer à une autre culture. En faisant des recherches, je suis tombé sur la caméline, qui fait un tuteur idéal pour les pois.» Il est immédiatement séduit par les qualités qu’on prête à cette plante oléagineuse, qui était déjà cultivée en Europe du temps des Celtes, avant de tomber dans l’oubli.

Une récolte délicate
Aucun autre agriculteur ne cultivant de la caméline dans cette région, il a dû faire ses propres expériences. L’ensoleillement limité dans la vallée était notamment une source de questionnements. «On m’avait conseillé de semer au printemps, mais vu l’humidité des terrains à cette époque, j’ai préféré opter pour l’automne. Le succès a été immédiatement au rendez-vous, cette plante se plaisant particulièrement bien dans nos terres qui sont plutôt acides.» Désormais, trois hectares sont consacrés à cette production. «Je ne peux guère augmenter la surface, car l’association avec les pois nécessite de faire une rotation entre les parcelles. J’attends au minimum cinq ans avant de réensemencer un champ.»
Juger du moment idéal pour récolter la caméline est cependant délicat et nécessite du doigté. Moissonnée trop tôt, la caméline est encore humide. Trop tard, les minuscules graines s’éparpillent au sol, une partie étant ainsi perdue. Après la récolte, un moulin sépare mécaniquement la caméline des pois grâce à leur différence de taille.

Graine excellente pour la santé
«Cette graine est aussi bonne pour la santé que pour la peau, s’enthousiasme la droguiste Susanne Mosimann. La richesse en oméga-6 et surtout en oméga-3, qui est une caractéristique rare pour une plante, fait tout l’intérêt de la caméline. Deux cuillères à café d’huile par jour suffisent à couvrir les besoins en acide gras essentiels. En outre, son goût de pois, salade et noix est particulièrement agréable en bouche.» À cela s’ajoute sa concentration en vitamine E, qui permet de conserver l’huile particulièrement longtemps.
La droguiste a élaboré les diverses recettes pour les produits cosmétiques, après de multiples tâtonnements. «J’ai encore d’autres idées en tête, notamment un produit pour la douche.» Frère et sœur peuvent compter sur l’aide de leur maman Ruth pour le conditionnement et la confection de paquets cadeaux. L’entier de la production est ensuite vendu via le magasin situé dans la ferme, leur site internet, ainsi que divers commerces de la région. «Les super­aliments comme les baies de goji ou les graines de chia ont la cote aujourd’hui, observe Ruth Vogt. Mais ils sont souvent produits à l’étranger. Redécouvrir des plantes qui apportent des bienfaits pour la santé, tout en étant cultivées localement, est particulièrement enthousiasmant.»

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Véronique Curchod/DR

En chiffres

Le domaine Vogt, c’est:

  • 30 hectares de pâturage et de cultures, dont 3 consacrés à la caméline.
  • 16 hectares de forêt réservés à la production de bois déchiqueté pour le chauffage.
  • Une vingtaine de vaches mères de race limousine.
  • 580 mètres l’altitude moyenne.
  • 2015, la reconversion en agriculture biologique.
  • La 5e génération à exploiter le domaine.
  • 6 produits différents à base de caméline: graines, huile, capsules, crème pour les mains et les pieds, lotion corporelle
  • 980 kilos par hectares, le rendement en caméline en 2017

+ D’infos www.hofmanufakturvogt.ch

Une vallée qui a donné son nom à un fromage

L’emmental est, après le gruyère, le fromage le plus produit en Suisse. Il est fabriqué depuis le XIIIe siècle dans la vallée de l’Emme, à laquelle il doit son nom. Cette pâte dure, reconnaissable à ses fameux trous, a obtenu en 2006 la labellisation AOP (appellation d’origine protégée). À noter toutefois qu’un fromage industriel est également fabriqué de nos jours dans toute l’Europe sous le nom générique d’emmental. Ces dernières années, la production a été mise à rude épreuve. La demande pour cette pâte dure, sur le marché suisse et à l’étranger a chuté et le nombre de producteurs laitiers impliqués dans la production d’emmental AOP ne cesse de diminuer. À Affoltern im Emmental, une fromagerie de démonstration permet de découvrir toutes les facettes de la fabrication de l’emmental.