Architecture verte
Un écovillage fribourgeois instaure un mode de vie durable et solidaire

Une fois par mois, nous vous emmenons à la découverte de maisons exemplaires sur le plan énergétique. À Cheiry (FR), une coopérative d’habitation favorise le partage d’espace et les liens sociaux.

Un écovillage fribourgeois instaure un mode de vie durable et solidaire

Entre des villas bien entretenues et un champ de tabac, une construction hors du commun est sortie de terre dans le village de Cheiry (FR). Depuis la route, une banderole annonce la couleur: il s’agit d’un écovillage conçu par l’association La Smala, en 2019. Cette coopérative d’habitation accueille une quinzaine de personnes, qui ont rassemblé leurs fonds propres sous forme de parts sociales afin de devenir copropriétaires du bâtiment. Mais ce n’est pas tout. Les habitants ont surtout décidé de partager leur espace, leur mode de vie et leurs tâches du quotidien, dans un esprit de solidarité, de mixité et de durabilité. Ils nous accueillent dans la bonne humeur à l’heure du repas, pour un buffet et une visite guidée.

Appartements modulables

En ossature bois, la bâtisse a été conçue avec un maximum de matériaux naturels, dont une isolation en fibre de bois, des façades intérieures peintes à la chaux et du mobilier en chêne massif. Sur le toit, des panneaux solaires thermiques chauffent l’eau, tandis que des panneaux photovoltaïques produisent de l’électricité, afin de permettre à la communauté d’être quasi autonome en énergie. Des poêles à pellets ainsi qu’une ventilation double flux ont été installés. «Ce système, qui fonctionne à l’aide d’un échangeur thermique, permet de récupérer 90% de l’énergie et de la chaleur de la maison pour réchauffer l’air neuf insufflé», explique David Thorimbert, assistant maître d’ouvrage. D’ici peu, l’eau de pluie sera collectée pour faire tourner les machines à laver.

Au-delà des caractéristiques techniques du bâtiment, les étages ont été imaginés comme modulables et évolutifs en fonction du nombre d’habitants. Chaque appartement est séparé en deux, voire en trois logements distincts avec cuisine partagée, afin de mutualiser les espaces. Ainsi, Daniel et Christine, un couple de sexagénaires, côtoie au quotidien une famille avec enfants. «Au début, j’étais réticent, mais en fait, il y a une très bonne ambiance, témoigne le retraité. On peut voir du monde si l’on a envie, tout en conservant son intimité.» Au même étage, Pascal, musicien et directeur de chœurs, a installé son studio d’enregistrement.

Apprendre la vie en communauté

La joyeuse bande partage également une buanderie, un local à outils, une terrasse sur le toit et une salle polyvalente, qui accueille ponctuellement repas, réunions, cours de yoga et concerts. Un grand jardin avec potager nourricier, coin barbecue
et prairie fleurie borde la propriété, à côté de la rivière Lembe. «Nous y avons même installé une rampe pour aller se rafraîchir dans l’eau», sourit Françoise, une autre coopératrice. Pour participer à l’aventure, nul besoin de prérequis. «Nous acceptons tout le monde pour une période d’essai de trois à six mois, afin de voir comment se passe la cohabitation. Nous aidons aussi à rassembler des fonds propres si nécessaire, afin de faciliter l’accès à la propriété aux revenus les plus modestes», expose Théo Bondolfi, cofondateur de La Smala.

Chaque mois, une réunion a lieu entre les coopérateurs, afin de mettre en place un tournus des tâches, comme le trajet jusqu’à la déchetterie et les courses communes. Au quotidien, des coachs de la Smala sont aussi disponibles pour des questions logistiques et pour assurer une médiation en cas de conflit. «Il y a toujours certaines tensions à apaiser. Entre trois et sept ans sont nécessaires pour qu’une communauté se stabilise et n’ait plus besoin d’aide extérieure. Ici, les gens commencent à bien se connaître. Tout est une question d’équilibre, de bienveillance, de respect de l’autre et de la planète.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

En chiffres

  • 12 m2 de panneaux thermiques et 33 m2 de panneaux photovoltaïques.
  • 110 m2 d’espaces communs, soit 20% de la surface totale.
  • 16 habitants âgés de 4 à 69 ans.
  • 3 étages modulables de 5 à 6 pièces.
  • 3 cuisines partagées.
  • 2200 francs le mètre carré, contre 3000 francs en moyenne dans la région.

Les concepteurs

Créée en 1993 par un collectif d’artistes, dont Théo Bondolfi, l’association La Smala est active depuis huit ans dans l’animation d’écovillages, à travers la coopérative Bâtir Groupé. Trois bâtiments ont vu le jour à Grandvaux (VD) et à Cheiry (FR), accueillant une soixantaine d’habitants. Les notions de bien commun et de transition écologique sont au cœur de la démarche.