Spécial Agrama
Les tracteurs de demain seront plus économes en carburant

Après s’être concentrés sur les émissions polluantes, les tractoristes commencent à chercher des pistes pour diminuer la consommation de carburant de leurs moteurs. Tour d’horizon des innovations et des pistes de réflexion.

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Les coûts de carburant comptent pour 40% dans les charges de mécanisation d’une exploitation agricole, si l’on en croit le rapport coûts/machines publié en 2014 par l’Agroscope de Tänikon. «Un moteur économe fait partie aujourd’hui des arguments de vente d’une machine, affirme Gaétan Lavanchy, commercial chez GVS Agrar, qui importe les marques du groupe AGCO, dont Fendt. L’agriculteur est clairement à la recherche des économies de carburant.»
Depuis la fin des années nonante, les tractoristes ont investi énormément pour atteindre les normes antipollution internationales. «Travailler en parallèle sur des moteurs moins gourmands en énergie était un véritable challenge», analyse Roger Stirnimann, enseignant en technique agricole à la Haute École d’agronomie de Zollikofen (BE). Ces évolutions forcées ont cependant indirectement permis de développer des moteurs plus performants et plus économes en carburant, performance imputable à l’amélioration de la combustion. «Entre les phases 3B et 4, nous avons vu les consommations diminuer de 8%», affirme Jean Krebs, représentant de la maison New Holland en Suisse romande.

L’hybridation vue par Manitou
Désormais, chez les constructeurs, le mot d’ordre est donc identique: le tracteur de demain consommera moins. Ainsi Manitou, fabricant français d’engins télescopiques, a développé l’Ecobooster, un système d’hybridation qui récupère l’énergie dégagée par le ralentissement et l’utilisation du bras télescopique. L’énergie mécanique est stockée sous forme de pression dans des accumulateurs hydropneumatiques et se voit restituée lorsque le moteur est soumis à un surcroît de puissance. L’Ecobooster équipe les modèles MLT 960 (141 ch). «Le rendement est bon, affirme Emmanuel Frei, qui importe la marque en Suisse, puisque 80 à 90% de l’énergie initiale est restituée.» Et l’économie de carburant serait importante aux dires de la marque: de 15 à 25%, soit un gain de 2500 litres de fioul sur la base de 1000 heures d’utilisation.
«Ce fonctionnement en circuit fermé, et le fait de stocker de l’énergie, est un concept unique sur le marché et clairement novateur», confirme Roger Stirnimann. Mais l’Ecobooster de Manitou constitue plus ou moins le seul exemple d’hybridation sur le marché. «Il y a quelques années, John Deere avait lancé son E-Premium, un tracteur doté d’une génératrice de 20 kW, qui se substituait à l’alternateur pour alimenter certains composants tels que le ventilateur de refroidissement ou encore le compresseur. Mais le développement de cette technologie n’a guère été plus loin car les économies escomptées n’étaient pas au rendez-vous.»

La piste de la variation continue
Pratiquement tous les constructeurs européens proposent aujourd’hui des tracteurs dotés de transmission à variation continue (CVT), qui adaptent instantanément le régime moteur en fonction de la charge à laquelle celui-ci est soumis sans que le conducteur n’ait à intervenir. Sur route, ces transmissions permettent ainsi des déplacements à 40 km/h à très faible régime. «Sous conditions, les CVT permettent effectivement un rendement accru et une consommation plus faible», admet Roger Stirnimann. Ces dernières années, New Holland a ainsi choisi d’équiper la quasi-totalité de sa gamme au-dessus de 100 ch d’une transmission continue ecodrive entraînant une diminution de la consommation de carburant.
Le pionnier et leader en matière de CVT reste sans conteste Fendt, qui depuis des années ne propose plus que des tracteurs à variation continue. Désormais, Fendt se concentre sur une motorisation la moins gourmande possible pour équiper ses plus gros modèles. La solution? Surdimensionner volontairement la cylindrée. «Cela permet d’exploiter des bas régimes et donc d’économiser du fioul», affirme Gaétan Lavanchy. Et de citer l’exemple du Fendt 1050 vario, équipé d’un 6 cylindres Man de 12,4 litres, qui affiche un couple élevé à bas régime: 2400 Nm à seulement 1100 tours/minute.

Incontournable diesel
Autre piste de recherche en vogue actuellement dans les laboratoires des tractoristes: la gestion globale et efficace du bloc de motopropulsion – aussi appelé powertrain – dans son ensemble. «L’électronique et les algorithmes assisteront toujours plus le conducteur», précise Roger Stirnimann. Ces évolutions ont permis de diminuer progressivement les régimes nominaux: il y a vingt ans, il fallait pousser son moteur 2500 tours/minute pour monter à 40km/h. Il y a dix ans, 2200 tours/minute suffisaient. Désormais, les modes «éco» développés par toutes les marques sans exception permettent de rouler, à charge légère, à 40 km/h à seulement 1600 tours/minutes. «Les économies de carburant varient selon le travail effectué, souligne Roger Stirnimann, mais on se situe facilement autour de 5%.»

Texte(s): Claire Müller
Photo(s): Mathieu Rod

Bon à savoir

L’écoconduite, simple et efficace
Adapter le régime moteur, régler ses outils, vérifier la pression des pneus sont quelques astuces pour réduire le coût de ses factures. En premier lieu, il faut garder à l’esprit que c’est généralement entre 1600 et 1800 tours/minute de régime moteur que la consommation d’énergie est la plus basse. Ensuite, ne pas oublier qu’un lestage excessif contribue à augmenter la résistance au roulement du tracteur et qu’un sous-lestage induit du patinage et donc une baisse de l’efficacité. Enfin, faire en sorte que la pression des pneumatiques soit la plus basse possible dans les champs et, au contraire, la plus élevée possible sur route. Entre la conduite, le lestage et les réglages, il est possible d’économiser 20 à 30% d’essence par an.
+ d’infos www.agri-ecodrive.ch

Eclairage

Manitou, le bon élève de l’empreinte carbone

pt_07_dsc_4334Le constructeur français de télescopiques investit dans la recherche de solutions permettant d’économiser de l’énergie. Désormais, la marque française peut se targuer de disposer des TCO (coût cumulé tout au long de son cycle de vie) les plus bas du marché, notamment grâce à des économies de carburant de 5% sur la gamme New Ag. En parallèle de l’Ecobooster inauguré en 2015, Manitou a ainsi développé:

L’Eco mode

Ce système de gestion de la boîte de vitesses permet de travailler au maximum du couple moteur et de rechercher en permanence l’optimum énergétique.

Le Stop&Go hydraulique

Une première dans le monde agricole. Ce système coupe le moteur lorsqu’il n’est pas sollicité, offrant jusqu’à 5% d’économie de carburant.

Le slow sharing

Il gère le débit hydraulique quel que soit le régime moteur. Plus besoin d’augmenter les gaz systématiquement pour alimenter les circuits hydrauliques!
+ d’infos www.manitou.fr, www.bernardfrei.ch