Interview
«Swiss Expo à Genève, c’est une consécration pour l’élevage suisse»

Du 15 au 18 janvier 2020, Swiss Expo prend ses nouveaux quartiers à Genève, dans les immenses halles de Palexpo. Une étape de plus dans l’évolution de l’exposition aux yeux de son président, Jacques Rey.

«Swiss Expo à Genève, c’est une consécration pour l’élevage suisse»

Vingt-quatre ans après sa première édition sur un parking de La Chaux-de-Fonds, et après un passage de quinze ans à Beaulieu Lausanne, Swiss Expo investit désormais les immenses halles de Palexpo, à Genève. Ne craignez-vous pas d’avoir vu trop grand?
➤ Non. Une telle étape constitue une évolution logique et nécessaire pour Swiss Expo. Notre petite manifestation est devenue au fil des années la première exposition de bétail en Europe. Imaginez: nous accueillons chaque année 20’000 visiteurs en provenance de vingt-cinq pays, non seulement d’Europe, mais aussi de Russie et d’Amérique. On vient désormais du monde entier en Suisse pour voir les meilleures vaches européennes. Nous devons donc continuer d’être attractifs. La proximité de l’aéroport de Genève, d’une desserte ferroviaire, de l’autoroute et d’un complexe hôtelier de taille fait de Palexpo un lieu idéal. Sans compter qu’on dispose de onze hectares couverts…

Certains professionnels de l’élevage ont cependant décidé de boycotter la manifestation, reprochant à Swiss Expo d’avoir perdu son âme et bradé son identité sur l’autel de la mondialisation. Que leur répondez-vous?
➤ Qu’ils ont tort! Aujourd’hui, on offre avec Swiss Expo un véritable cadeau aux éleveurs suisses: ils ont, à portée de camion, un outil exceptionnel, une véritable vitrine, pour présenter le fruit de leur travail de sélection. Passer de Beaulieu à Palexpo ne modifie en rien notre ADN. On gagne en qualité d’organisation et en confort de travail. Quant à nos visiteurs habitués au Palais de Beaulieu, ils n’y perdront pas au change. Si le temps de trajet est un peu plus long, ils pourront l’effectuer en train et arriver directement dans les halles. Le show aura lieu dans de meilleures conditions, une halle sera consacrée au machinisme. L’âme de Swiss Expo reste et la convivialité qui y règne va subsister à Palexpo, comme cela s’est passé quand nous avons déménagé de La Chaux-de-Fonds à Lausanne à l’époque.

Belgique, Espagne, Finlande: on vient de plus en plus loin pour exposer son bétail à Swiss Expo. Mais nombre d’éleveurs régionaux n’ont plus les moyens de se payer une place et le nombre de vaches helvétiques présentes diminue. N’est-ce pas contradictoire?
➤ Les tarifs pour les exposants sont identiques aux années passées, soit 150 francs pour la première vache pour toute la durée de la manifestation. C’est le tarif qui se pratique dans toutes les expositions régionales en Suisse. Ce n’est pas exorbitant si on considère Swiss Expo comme une vitrine pour son élevage. Les retombées commerciales sont en effet réelles pour les propriétaires de bétail. Au final, nous offrons la possibilité aux professionnels de dégager un revenu annexe en vendant plus facilement du bétail d’élevage. Quant à la présence des vaches suisses, nous avons effectivement enregistré une baisse d’inscriptions, notamment du côté des brunes. Elle s’explique par la tenue en février prochain du championnat européen, en Italie. Le nombre total de vaches ne va quant à lui pas diminuer, bien au contraire. Il y aura même 30% de vaches étrangères en plus. Les éleveurs français, allemands, espagnols, italiens représenteront désormais un quart des exposants. Dix-sept ans après la première participation des vaches françaises à Swiss Expo, cela reste une réelle fierté pour moi.

Ce rayonnement a-t-il une incidence positive pour un producteur de lait qui doit gagner sa vie dans un contexte économique des plus moroses? Les objectifs d’élevage de ce dernier ne sont-ils pas aux antipodes de ceux d’un éleveur de vaches d’élite?
➤ Les vaches présentes à Swiss Expo sont des formules 1, certes. Mais au lendemain de Swiss Expo, elles retrouvent leur étable et le même régime que leurs comparses. Ces vaches d’élite, qui sont par ailleurs tout à fait capables d’aller pâturer et de produire du lait de façon économique – 80% des vaches exposées dépassent les dix ans de carrière! –, tirent vers le haut la génétique laitière. Quel que soit le niveau de production visé! Il faut des courses automobiles pour que les voitures de demain soient plus performantes et efficientes.

Enquêtes concernant le respect du bien-être animal, manifestations d’antispécistes, remise en question de l’usage du collodion… Swiss Expo connaît passablement de tourmentes ces dernières années, et le monde politique se divise également sur l’avenir des expositions de bétail. Que faites-vous pour regagner la confiance du grand public et des décideurs?
➤ Cette stigmatisation du monde de l’élevage est totalement injuste et infondée. C’est désolant d’en arriver à ce que l’usage du collodion soit débattu au Conseil national. N’est-ce pas aberrant que les représentants du peuple perdent leur temps sur ces détails, pendant qu’on importe des viandes traitées aux hormones et aux antibiotiques? Ne peut-on pas faire confiance aux producteurs de ce pays, qui doivent vivre de leur métier et connaissent leurs vaches? On l’a assez dit, les tricheurs n’ont pas leur place à Swiss Expo. Tricher, c’est massacrer son animal, c’est tuer son gagne-pain, c’est se punir soi-même. Nous avons été les premiers à instaurer l’échographie de contrôle à la sortie du ring. Nous avons tout mis en œuvre pour être irréprochables et sommes entourés par d’excellents vétérinaires.
Quant aux antispécistes, ils font désormais partie du paysage; il faut faire avec. Je n’ai aucune inquiétude quant à l’avenir des expositions, car tant que nous, les éleveurs, gardons les pieds sur terre, nous irons de l’avant.

Est-ce qu’il ne faudrait pas une bonne fois pour toutes ouvrir Swiss Expo au grand public et en faire un véritable Salon de l’agriculture où producteurs et consommateurs peuvent se rencontrer?
➤ Je ne crois pas au modèle de la porte de Versailles. L’agriculture qui est présentée à Paris ne reflète pas la réalité car on y trouve autant les paysans que la grande distribution. Les portes de Swiss Expo ont toujours été ouvertes au grand public. Mais notre manifestation restera un salon destiné aux professionnels. Je pense que nous avons plutôt une carte à jouer du côté des fabricants de matériel agricole. Les grandes expositions de machinisme n’ont lieu que tous les deux ans, on pourrait donc se profiler sur ce terrain dans les années à venir, là encore grâce à notre emplacement idéal et aux onze hectares couverts à disposition. Enfin, qui sait si un jour ne se posera pas sur la piste d’atterrissage de Cointrin un avion aux couleurs canadiennes amenant non seulement des visiteurs, mais aussi des vaches… C’est là un vieux rêve qui pourra peut-être, grâce à notre déménagement à Palexpo, devenir réalité!

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Guillaume Mégevand

Bon à savoir

Pour cette 24e édition, Swiss Expo s’étendra sur près de 5 hectares. Deux halles, soit 2,7 hectares, seront dévolues au millier de vaches présentes; 1,5 hectare sera à la disposition des exposants et des stands de restauration. Du côté des juges, ce sont les Canadiens Brian Carscadden et Joël Lepage qui officieront pour les red holsteins et les holsteins. Bruno Beyeler aura la tâche de départager les simmentals, le Français Philippe Gros les montbéliardes, Stefan Hodel les brunes et brunes originales et Rolf Dummermuth les fleckviehs. Si les concours de race ont lieu du jeudi au samedi, celui du showmanship international, qui fait désormais partie du programme de la manifestation, se déroulera le mercredi 15 janvier dès 14 h. Ce concours de présentation est ouvert aux jeunes éleveurs âgés de 9 à 28 ans, quel que soit leur pays d’origine, qui présentent une génisse, peu importe la race.

+ d’infos www.swiss-expo.com

Bio express

Jacques Rey est né le 2 octobre 1966 aux Verrières, dans le Val-de-Travers (NE). Avec son frère Christian, il reprend le domaine familial en 1984. Aujourd’hui, l’exploitation des frères Rey, située à 1100 m d’altitude en zone montagne 2, s’étend sur une centaine d’hectares (pâturages et forêts compris). Leur cheptel de holsteins compte une septantaine de vaches laitières, parmi lesquelles on trouve plusieurs championnes, comme Flo, Katanga, Calanda, Indienne, Naya, Victoria etc.