Le Marronnier
Sur les étangs, le grèbe huppé se livre au plus majestueux des ballets

Dès aujourd’hui, visionnez sur notre chaîne YouTube le nouvel épisode du «Marronnier». Imaginée par le journaliste genevois Witold Langlois, cette série décrypte chaque mois le comportement des animaux de chez nous.

Sur les étangs, le grèbe huppé se livre au plus majestueux des ballets

Au coeur de la roselière
Au beau milieu de l’étang, le bec pointu et les «toupets» caractéristiques du grèbe huppé émergent des joncs et des roseaux. Gracieux et élancé, ce superbe oiseau d’eau de la taille d’un colvert paraît plus grand qu’il n’en a l’air. «Le grèbe passe la plupart de son temps à nager et à plonger, explique Laurent Vallotton, ornithologue au Muséum d’histoire naturelle de Genève. Il ne marche qu’en de rares occasions, et il faut qu’il soit en danger de mort pour se décider à voler.» Sous l’eau, son corps fuselé et son bec en forme de poignard en font une véritable flèche. Le grèbe huppé est l’un des plus redoutables plongeurs d’eau douce, et aucun poisson ne lui échappe. Essentiellement piscivore, il sait varier les plaisirs et n’hésite pas à se mettre têtards, mollusques ou autres petits insectes sous le bec!

Chorégraphie minutée
La spectaculaire parade nuptiale des grèbes huppés suit un rituel précis, à commencer par l’approche qui fait l’objet de manœuvres tout à fait particulières. Au début de la formation des couples, les oiseaux font régulièrement mine de se lisser les scapulaires, une partie du plumage située dans leur dos. Durant la période de construction du nid, mâle et femelle émettent des cris caractéristiques, collerette déployée et toupets rabaissés. Plongeant séparément à la recherche de plantes aquatiques, ils reviennent l’un vers l’autre, tête au ras de l’eau, pour se dresser d’un seul coup poitrine contre poitrine, en tenant chacun leurs trouvailles dans le bec. L’accouplement après la parade n’est pas systématique. Les couples sont très solides, mais leur constitution, qui prendre beaucoup de temps, se solde parfois par un échec.

Un classique
Le grèbe huppé n’est pas farouche. Facile à observer, y compris en milieu urbain, sa parade nuptiale ne lasse pas les habitués et les plus expérimentés, tout en étant accessible aux ornithologues débutants. Si elle n’est pas menacée, l’espèce voit toutefois ses habitats (étangs et eaux stagnantes) diminuer drastiquement au fil des ans. Heureusement, le grèbe huppé s’adapte et se reproduit aussi aisément dans les grands lacs comme le Léman.

Transport original
Le nid du grèbe huppé est un radeau de débris végétaux plus ou moins décomposés et de fragments de roseaux. Le mâle et la femelle s’y relaient d’heure en heure, durant environ 28 jours, pour couver leurs œufs. «Il n’y a qu’une seule couvée par an, exceptionnellement deux, précise Laurent Vallotton. La femelle pond entre 3 et 6 œufs de début mai jusqu’à la fin du printemps.» Les petits, zébrés, sont fréquemment visibles lorsqu’ils sont transportés sur le dos de l’un des parents. Les juvéniles garderont ce plumage caractéristique jusqu’à leur première mue hivernale. Ils atteindront leur maturité sexuelle deux ans plus tard.

Pas tous huppés
En plus des grèbes huppés, on compte aussi des grèbes castagneux, esclavons ou encore à cou noir. Ils appartiennent à la famille des Podicipédiformes, qui ont en commun de ne pas marcher, de ne pas voler et de ne jamais émettre de son, ou presque, en dehors des périodes d’accouplement. Ces différents oiseaux sont tous piscivores et experts en matière de plongée.

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Texte(s): Witold Langlois
Photo(s): Robin Recordon

Notre expert

Adjoint scientifique au Muséum d’histoire naturelle de Genève, le biologiste Laurent Vallotton collabore à la gestion des collections d’oiseaux et de mammifères, à l’organisation d’expositions et à l’accueil des publics. Cet éminent ornithologue est également coauteur de l’ouvrage de référence Les oiseaux de Suisse.