Décryptage
Roi de nos salons, le chat possède aussi d’importantes colonies errantes

En Suisse, la population de chats harets, ces félins domestiques retournés à l’état sauvage, est estimée à plus de 100000 individus. De nombreuses associations leur viennent en aide et tentent de limiter leur prolifération.

Roi de nos salons, le chat possède aussi d’importantes colonies errantes

Leur nom vient de «harer», qui signifie «chasser» en vieux français. Une manière de les dissocier de leurs congénères nourris dans les chaumières. En Suisse, la population de ces félins domestiques retournés à l’état sauvage dépasserait les 100000 individus. Présents le plus souvent aux abords des fermes, ils investissent parfois aussi les villes, suscitant la pitié des uns ou l’agacement des autres. Une problématique suivie de près par la Protection suisse des animaux (SPA) et les nombreuses associations qui viennent en aide à ces animaux souvent malades, parfois blessés et très amaigris. Dans le canton du bout du lac, la Société genevoise pour la protection des animaux (SGPA), le refuge SOS Chats, l’Association genevoise des vétérinaires et le Service de la consommation et des affaires vétérinaires du canton ont lancé la campagne «Cats Outdoor» en 2010 déjà. Son objectif: capturer ces félins errants en vue de leur castration ou stérilisation pour limiter leur prolifération.

Cinq colonies à Genève
«Lorsqu’une personne nous appelle pour signaler la présence d’un chat errant, nous nous rendons sur place pour poser une cage-trappe. L’animal est ensuite emmené chez l’un de nos vétérinaires partenaires afin d’être observé et de vérifier qu’il n’a pas de puce et donc de propriétaire», explique Maroussia Dupasquier, responsable administrative de la SGPA. L’animal est alors stérilisé ou castré et vacciné contre la rage. Pendant l’anesthésie, le vétérinaire lui coupe un petit bout d’une oreille, signe que l’animal errant a été pris en charge. Enfin, il est pucé puis enregistré, avant d’être rendu à sa liberté, idéalement sur le lieu de sa capture. «Nous discutons avec la personne qui nous l’a signalé afin de voir si elle est disposée à le nourrir bénévolement. De notre côté, nous nous engageons à lui fournir les aliments gratuitement.» Quand cela n’est pas possible, le félin est relâché au sein d’une colonie de chats errants. «Le territoire genevois en compte cinq, en ville et à la campagne. Ce sont des endroits où l’on sait qu’ils sont acceptés et nourris par les habitants», poursuit Maroussia Dupasquier.

Capturés pour être adoptés
Des campagnes similaires sont organisées par la plupart des SPA de Suisse romande, aidées parfois par des structures privées. L’association Les Chats du Robinson recueille les félins errants du Valais central, celle des Chats perchés est active dans le canton de Vaud. Samantha Oberson a cofondé en 2017 avec Jennifer Reichenbach-Matthews l’association à but non lucratif Les Chats Errants de la Gruyère, qui collabore avec la SPA de Fribourg. En 2020, 248 félins ont transité par cette structure. Le principe est semblable à celui de la campagne «Cats Outdoor», à une différence majeure près: les animaux capturés par l’association fribourgeoise sont, eux, dans la majeure partie des cas, destinés à l’adoption. «Nous fonctionnons avec des familles d’accueil qui prennent en charge les animaux pendant quelques semaines, en vue de leur socialisation et de leur placement futur auprès d’adoptants», explique Samantha Oberson. Une démarche qui nécessite un protocole bien défini, comme l’explique la Gruérienne: «Lorsqu’un habitant découvre un chat errant dans son quartier et demande une prise en charge, nous lui faisons remplir un avis de découverte, puis nous mettons une annonce sur STMZ (Schweizerische Tiermeldezentrale), le portail du Centre suisse d’appels pour animaux. Nous sommes dans l’obligation d’attendre 60 jours afin de nous assurer que l’animal n’appartient à personne. Le chat est alors stérilisé ou castré s’il est âgé de plus de 6 mois, déparasité, vermifugé, testé (leucose et FIV), pucé et reçoit les vaccins primo et rappel (typhus, leucose, coryza). Puis, si nous voyons qu’il s’adapte bien à l’homme, nous le plaçons à l’adoption, moyennant quelques centaines de francs destinés à couvrir les frais vétérinaires engagés par l’association, qui ne vit que de dons.» Il arrive toutefois qu’un animal soit trop sauvage pour être socialisé. Il est alors relâché dans un lieu où un bénévole s’engage à le nourrir à l’extérieur.

+ D’infos www.sgpa.ch/chats-errants ;Sur Facebook, page Association des Chats Errants en Gruyère – ACEG. Contact:associationaceg@gmail.com

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): DR

Questions à...

Zoé Siegel, auteure d’une thèse de master sur le sujet à l’Université de Lausanne

Quelle pression les chats harets exercent-ils sur la faune?
Il n’existe pas de données précises, mais des études ont montré que les félins nourris par leurs maîtres avaient moins d’impact sur la faune sauvage que les chats harets et que si l’on jouait avec eux, leur prédation diminuait. Les chats harets, surtout ceux infiltrant les milieux naturels, exercent une pression sur des proies (oiseaux, rongeurs) qui représentent des ressources pour d’autres prédateurs sauvages, générant une compétition entre ces espèces. Le chat sauvage, Felis silvestris, serait le plus touché, car il se nourrit des mêmes proies que le chat domestique et possède une morphologie similaire.

Comment le chat haret partage-t-il son territoire avec les autres félins sauvages?
Dans mon travail, nous avons montré que le chat domestique, incluant le haret, pouvait potentiellement limiter l’accès du chat sauvage aux lisières, qui sont des environnements riches avec une grande biodiversité de proies. Concernant le lynx, celui-ci ne semble pas avoir d’impact sur l’occupation spatiale des deux autres chats, car il possède un domaine vital beaucoup plus grand et n’est souvent que de passage dans leur zone d’occupation.

Campagnes de stérilisation

Avec une population estimée à environ 1,7 million d’individus, le chat demeure l’animal de compagnie le plus représenté dans nos foyers. Pour limiter leur expansion, la Protection suisse des animaux mène depuis plus de vingt ans des campagnes en faveur de la stérilisation et castration des félins domestiques. Car, avec deux portées annuelles de quatre à huit petits, «un seul couple peut en effet aboutir à plus de 420‘000 chats en l’espace de sept ans», rappelle l’institution.