Reportage
Rien de mieux que des moutons pour exercer son leadership

Les activités qui renforcent l’esprit d’équipe sont en vogue dans le monde professionnel. Un concept insolite met à contribution des ovins pour développer la communication et l’entraide entre les collaborateurs.

Rien de mieux que des moutons pour exercer son leadership

A priori, peu de points communs entre les employés d’une entreprise et un troupeau de moutons. Pourtant, les ovins de Nathalie Briguet participent depuis plusieurs années au développement personnel de collaborateurs de nombreuses sociétés, de la PME romande à certains départements de grandes multinationales. Baptisé Leader’Sheep, ce concept original encourage la collaboration au sein d’une entreprise.
Le principe semble simple: le groupe doit définir les méthodes adéquates pour devenir ensemble les leaders d’une petite dizaine de moutons. Complètement neutres, ces animaux retournent de manière directe l’énergie et l’intention envoyée. Pas moyen de tricher avec eux! «On pense souvent à tort que les moutons sont passifs et ne prennent pas de décisions pour eux-mêmes, relève la bergère. Les participants s’aperçoivent vite qu’ils ont au contraire affaire à des individus avec leur caractère propre. Les moutons ont l’étonnante capacité de révéler les forces et les faiblesses du fonctionnement de chacun. Si l’exercice se veut avant tout ludique, il permet de travailler plusieurs valeurs importantes dans le monde professionnel.»
Ce jour-là, une quarantaine de collaborateurs de l’entreprise La-solution.ch SA, qui propose des soins et de l’aide à domicile, se sont donné rendez-vous à Bex (VD) pour cette activité insolite. «Chacun est mis sur le même pied d’égalité, car rares sont ceux qui connaissent la dynamique d’un troupeau de moutons, souligne Nathalie Briguet. La hiérarchie de l’entreprise n’a alors plus cours, une stagiaire se débrouillant parfois mieux que sa directrice.»

Un travail d’équipe
Il est temps de passer à la pratique. Le lot de moutons doit être mené sur un parcours précis: il faut sortir les animaux de leur parc, les immobiliser vers un piquet, franchir une porte, tourner autour d’un cône. La démonstration effectuée par la bergère avec son chien met la barre très haut: le troupeau se déplace harmonieusement, en gardant son unité. Chaque équipe élabore alors sa stratégie, afin de jouer au mieux son rôle de chien de berger. Quand bien même la théorie veut que quatre personnes soient aptes à effectuer le travail d’un seul chien, le défi est de taille, même avec six équipiers. Les premiers essais sont plus ou moins concluants, mais avec des mouvements du troupeau plutôt chaotiques. Certains mettent trop d’énergie, d’autres ne sont pas suffisamment coordonnés. Une seule personne mal positionnée peut réduire à néant le travail de toute l’équipe, les moutons s’éparpillant dans toutes les directions. Rapidement, chacun se rend compte qu’il n’y a pas de collaboration efficace sans une communication claire et précise. «J’adore ce challenge avec mes collègues, le caractère de chacun se révèle, en particulier la capacité à mener une équipe», note une employée.

Concentration et coordination
Tout au long des divers exercices, Nathalie Briguet veille au bien-être de ses moutons, afin que les interactions ne les stressent pas. De race skudde, ils sont de petite taille et particulièrement dynamiques. Pas question de les feinter en tentant de les amadouer avec des caresses: distants avec l’homme, ils ne se laissent guère apprivoiser. Au fil de l’après-midi, le niveau des groupes s’améliore peu à peu. Chacun veille à garder la bonne distance, sans laisser de points de fuite, et en privilégiant une attitude calme.
«Ces exercices pratiques nous ont permis de mieux visualiser certains principes utiles à notre entreprise, commente la directrice, Stéphanie Cornu-Santos. Si chacun met ses compétences au profit du groupe et s’implique, on atteint plus rapidement un résultat probant. En outre, nous avons tous pu expérimenter l’importance de l’échange verbal. Nos capacités d’adaptation et d’organisation ont aussi été mises à rude épreuve.» Si les moutons ont désormais retrouvé leur pâture, les participants garderont sans aucun doute en mémoire les leçons dispensées par ce troupeau espiègle, qui a donné du fil à retordre à nos bergers d’un jour.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Mathieu Rod

Une bergère expérimentée

Diplômée de l’École d’agriculture de Châteauneuf (VS), Nathalie Briguet est bergère depuis plus de vingt ans. Après avoir longtemps élevé des brebis laitières, des chèvres et fabriqué du fromage en montagne, cette agricultrice, dont l’exploitation est située à Bex (VD), se consacre, depuis la naissance de ses enfants, à son élevage d’une centaine de brebis skuddes et texels, ainsi qu’à ses ânes et chevaux dévolus à l’écopâturage. Active dans la formation des chiens de troupeau, elle prend régulièrement part à des compétitions. Le concept de Leader’Sheep, qu’elle a elle-même développé, est désormais repris outre-Sarine à l’enseigne d’une-bonne-idee.ch
+ D’infos www.leadersheep.ch

Le chien, une aide bienvenue

Collaborateur à part entière du berger, un chien bien dressé facilite grandement le travail quotidien. Il aide notamment son maître à rassembler les bêtes pour les emmener vers une nouvelle pâture ou à retrouver une brebis égarée. Pour agir efficacement, le berger doit pouvoir positionner précisément son chien là où il le souhaite, puis l’inciter à se déplacer dans la direction et à la vitesse voulues. Les gestes, la voix – le vocabulaire maîtrisé par un chien est de cinquante ordres en moyenne – ainsi que le sifflet permettent de communiquer au moyen d’un langage propre au maître. Actuellement, le border collie est le chien de troupeau le plus utilisé, mais une multitude d’autres races, tels le kelpie, le beauceron ou le berger des Pyrénées, ont été à l’origine sélectionné pour leurs aptitudes à travailler avec les troupeaux.