Terroir
Quand des artisans glaciers réinventent la bûche de Noël

Brunella Ferraresi revisite ce dessert traditionnel à l’enseigne de Bougainvillier. Voluptueuse découverte!

Quand des artisans glaciers réinventent la bûche de Noël

Des parfums d’épices et de biscuits, un plan de travail nickel avec juste quelques emporte-pièce pour la déco et, alignées le long de la paroi, une série de grandes glacières du fabricant italien Carpigiani, la Rolls du genre. Un mixeur géant, quelques bidons et des cuves ventrues, le tout dans un laboratoire d’un blanc immaculé, précédé d’une antichambre aux tons pastel et bonbon anglais: bienvenue chez Bougainvillier, artisan glacier installé aux portes de Gland (VD).
À la veille des Fêtes, Brunella Ferraresi et Patrick Berthet, les deux artisans à l’origine de l’entreprise, peaufinent leur gamme de bûches glacées et autres bombes meringuées. Les parfums? Orange sicilienne et grenade; pistache-framboise ou alors, comme ce matin, pain d’épices-chocolat. «Nous privilégions les produits locaux chaque fois que c’est possible», souligne Patrick. Le lait vient ainsi de la ferme des Avouillons, à deux pas d’ici, les poires du Domaine du Roveray, à Aubonne (VD), les framboises sont vaudoises et valaisannes, les fraises genevoises et vaudoises, les abricots viennent de Nendaz (VS). Les glaces et sorbets signés Bougainvillier ne contiennent ni œufs ni crème. Mais une base au moelleux stupéfiant, «la fior di latte, autrement dit le lait entier parfumé, sucré et travaillé différemment par chaque artisan et qui constitue en quelque sorte sa signature», explique Brunella.

Le cœur du dessert
On commence toujours par réaliser le cœur de la bûche. Brunella a choisi un des standards de la maison, le chocolat. Tôt ce matin, la masse chocolat et fior di latte a été turbinée, moulée dans des cylindres et placée dans le freezer. C’est ensuite au tour de la génoise. Une base délicieusement parfumée aux épices de Noël, cardamome, gingembre et cannelle. Le moelleux qu’elle conserve même au sortir du congélateur s’explique par un ingrédient secret aussi génial que parfaitement naturel, mais qui restera confidentiel, concurrence oblige…
Là-dessus, troisième étape, la glace au pain d’épices qui constituera la partie extérieure de la bûche. Patrick a découvert récemment un artisan provençal qui confectionne un pain d’épices somptueux. Celui-ci est coupé en petits morceaux avant d’être mixé avec la fior di latte, puis turbiné durant une vingtaine de minutes. La glace est ensuite versée dans des moules en silicone et refroidie à moins 40 degrés une trentaine de minutes. Reste à insérer le cœur chocolat à l’intérieur de la glace au pain d’épices, déposer le tout sur la génoise et enfin, décorer les bûches…

Des glaces en forme de fleurs
«Voilà une dizaine d’années, nous voulions créer quelque chose ensemble et la glace s’est imposée naturellement», se souvient Patrick, qui gère essentiellement les aspects commerciaux. Pourquoi avoir choisi cette fleur en guise d’enseigne? «On a pris l’habitude de dresser nos glaces en forme de fleur; le bougainvillier est une fleur exotique, très belle, qui résiste au froid comme aux grandes chaleurs et renvoie à nos origines – Brunella est Italo-Éthiopienne et pour ma part j’ai vécu longtemps au Moyen-Orient.» Brunella vient en effet d’Émilie-Romagne, une des régions les plus gourmandes d’Italie, où elle avait créé son entreprise de pâtes artisanales, avant de se former à l’art du gelato: «Moi qui pensais partir sur des parfums classiques, Patrick m’a dit pas question! Lui s’imaginait que j’allais concocter des mariages style ­tomate-mozza, il m’a traumatisée…»
Entre les deux extrêmes, la gamme s’est orientée vers des créations d’une grande subtilité, tels le sorbet mangue-thé vert aux fleurs de jasmin, l’akbar mashti, glace d’inspiration iranienne au safran et à la pistache, ou le faloudeh à la rose. «On est montés jusqu’à 280 recettes. Une folie! le chocolat en représentant à lui seul une trentaine, mais on essaie de réduire la gamme.»

+ D’infos www.bougainvillier.ch

Texte(s): Véronique Zbinden
Photo(s): Olivier Evard

Des bûches oui, mais givrées s’il vous plaît!

La tradition de la bûche serait antérieure à celle du sapin, si ce n’est que les premières étaient bel et bien de bois… Une coutume païenne consistait à faire brûler un énorme rondin le plus longtemps possible en hommage au soleil, durant le solstice d’hiver. Quant à la première bûche comestible, plusieurs pâtissiers français s’en disputent la paternité, autour de 1830. Là-dessus, en un siècle et demi, la recette classique mariant génoise et crème au beurre varie peu. Jusqu’à ce que le XXIe siècle jette l’opprobre sur le sucre et le gras. Comme tous les standards pâtissiers, la bûche se doit désormais d’être légère, légère, une plume… Adieu crèmes au beurre et riches génoises, bonjour sorbets et biscuits aériens! Les bûches sont désormais glacées, voire complètement givrées, à moins qu’on leur préfère des bombes glacées meringuées, dites ici omelettes norvégiennes.

Les artisans

Brunella et Patrick, un duo d’entrepreneurs gourmands. Elle était dans la cuisine, lui dans la banque. Elle avait créé sa PME à Reggio, en Émilie, qui confectionnait des pâtes artisanales. Il s’était lancé dans l’importation de thés et d’épices, après une première vie dans la banque. L’amour des bonnes choses réunissait Brunella Ferraresi et Patrick Berthet: ils ont eu envie de créer quelque chose ensemble. Aujourd’hui, Bougainvillier a 10 ans. Cela a commencé tout petit dans un coin de laboratoire, avant de séduire une clientèle amatrice de pureté des goûts, de beaux produits, de subtilité. Leur plus gros client? Paléo, avec qui ils ont un contrat exclusif depuis trois ans, a contribué à leur notoriété. Patrick et Brunella travaillent beaucoup dans l’événementiel, fournissent une centaine de restaurants et des épiceries. Ils pratiquent aussi, depuis peu, la vente directe les mercredis et vendredis après-midi. «Mais si c’est pour une bûche, mieux vaut commander à l’avance!»