Reportage
Pionnière, la Suisse valorise le PET depuis trente ans

Chaque mois jusqu’à l’été, nous partons à la découverte des principales filières de recyclage du pays. Quatrième épisode consacré au circuit fermé des bouteilles à boissons, dont la grande majorité est collectée.

Pionnière, la Suisse valorise le PET depuis trente ans

De jour comme de nuit, 50 tonnes de bouteilles à boissons en PET arrivent quotidiennement à Grandson (VD) par voie ferrée ou camion, en provenance de toute la Suisse romande. Compactées sous forme de balles ou en vrac, elles atterrissent chez RC-Plast, filiale de l’entreprise Cand-Landi. Fondée en 2016, cette entreprise est l’un des trois centres du pays à trier le contenu des poubelles au logo bleu et jaune. Ces nombreux points de collecte ont été installés il y a plus de trente ans dans les commerces, bureaux, écoles, hôpitaux, gares ou encore stations-service à la suite d’une ordonnance du Conseil fédéral, afin de valoriser cette matière synthétique inventée dans les années 1970. «Berne a décidé qu’au moins 75% du volume vendu devrait être recyclé, sous peine d’être consigné. Aujourd’hui, nous avons largement dépassé cet objectif, avec un taux de 82% en 2020, ce qui place notre pays parmi les grands champions d’Europe dans ce domaine!» se félicite Pascal Simonetto, responsable du bureau romand de l’association PET-Recycling Suisse, qui nous accueille pour visiter les impressionnants locaux de l’usine.

Attention aux faux amis
Dans un premier temps, les déchets sont déposés sur un grand tapis roulant, afin de retirer les métaux ferreux à l’aide d’un aimant. Deuxième étape: un lecteur infrarouge et une caméra identifient la matière et la couleur de chaque élément, avant de les éjecter sur la bande convoyeuse adéquate par une poussée d’air comprimé. «Avec ce système de tri optique, la machine fait la différence entre un contenant de shampoing non conforme et une bouteille à boisson en PET. Ces dernières sont ensuite séparées en quatre couleurs: azurée, marron, verte ou multicolore», explique le responsable d’exploitation Jérôme Bonin d’une voix forte, pour couvrir le bruit assourdissant des appareils. Rapides et ultrasensibles, les capteurs effectuent jusqu’à 6000 mesures en cinq millisecondes, permettant de traiter 150 000 pièces à l’heure. Puis un surtriage manuel est réalisé en cabine, pour plus de précision.

Y a-t-il beaucoup d’intrus? «Oui, car des faux amis existent. Je pense par exemple à certains flacons pour l’huile, le vinaigre ou le lave-vitre. Même si ceux-ci sont constitués de PET, ils ne peuvent pas être recyclés dans cette filière, pour des questions de goût donné au plastique ou de résidus toxiques. Seules les bouteilles à boissons avec le logo de PET-Recycling sont acceptées», informe-t-il. Les contenants restants sont enfin compactés pour former des balles de 200 à 300 kg, qui seront expédiées dans deux centres outre-Sarine, avec un degré de pureté proche des 99,8%.

Fonte et cristallisation
Là-bas, les étiquettes sont décollées à l’aide d’un grand «aspirateur», puis les bouteilles sont broyées en minuscules paillettes. Après un lavage chimique, elles atterrissent dans un grand bassin d’eau. Les bouchons, faits d’un autre plastique, y surnagent, alors que le PET, plus lourd, coule. Si une partie de ce matériau est mis de côté pour fabriquer divers produits comme des emballages, des fibres textiles ou encore des chaussures de sport, la majorité est fondue puis cristallisée en granulats, afin d’éliminer par évaporation les ultimes substances nocives et répondre aux prescriptions très strictes de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire. Vient alors l’ultime étape de transformation. Chauffées à une température de 250 °, les chaînes de molécules de PET se liquéfient et peuvent être modelées à volonté. Des préformes semblables à des éprouvettes sont alors créées pour faciliter le transport, avant d’être soufflées en bouteilles à la taille souhaitée par les producteurs.

Continuer à sensibiliser
Si le PET, ou polytéréphtalate d’éthylène est une matière synthétique faite à 100% à base de pétrole ou de gaz naturel, son recyclage permet d’éviter l’émission de 126’000 tonnes de gaz à effet de serre par année en Suisse, ce qui correspond à environ 9500 fois le tour de la Terre en voiture, affirme Pascal Simonetto. Un bilan énergétique que l’association veut encore améliorer, grâce à un paquet de mesures adopté cette année. Parmi celles-ci, l’augmentation de la part d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité, l’installation de panneaux photovoltaïques ou encore la mise en circuit de véhicules électriques ou à hydrogène. Des discussions sont également menées avec les communes pour implanter davantage de points de collecte dans les lieux de loisirs, comme la plage de Vidy, à Lausanne.

En parallèle, les campagnes de communication misent sur une sensibilisation accrue des préadolescents. «Si les jeunes générations, et les Suisses de manière générale, sont particulièrement disciplinés, il y a encore des bouteilles perdues qui finissent à l’incinération. C’est dommage. Chaque geste compte.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Matthieu Spohn

En chiffres

La filière dans le pays

Plus de 1,6 milliard de bouteilles à boissons en PET consommées chaque année en Suisse.

61’764 points de collecte en 2021, soit 2565 de plus qu’en 2020.

Sur les 42’880 tonnes de bouteilles vendues en 2020, 34’414 ont été recyclées.

69% du volume trié est adapté à la production de nouvelles bouteilles.

+ D’infos www.petrecycling.ch