De saison
Petit à petit, le sandre grandit au Val-de-Ruz

En collaboration avec Pays romand, pays gourmand, nous vous emmenons cet été à la découverte de produits originaux, comme le sandre élevé par la famille de Tribolet sur son exploitation agricole à Valangin (NE).

Petit à petit, le sandre grandit au Val-de-Ruz

Lorsqu’on arrive au Sorgereux (NE), sur le domaine agricole de la famille de Tribolet, ont est saisi par la beauté des arbres bordant la route d’accès. Puis on se prend à écouter avec plaisir les cloches des vaches paissant à côté d’un hangar. Banal au premier abord, ce bâtiment en bois cache en réalité une installation d’aquaculture dernier cri. Plus de 12000 poissons au corps fuselé et aux canines proéminentes y grandissent à l’abri des regards. On se trouve devant la Maison du Sandre imaginée par Guillaume de Tribolet.

Un pari osé
Épaulé par son père Olivier et un associé, le jeune agriculteur s’est lancé en 2016 dans l’élevage de cette espèce sur son domaine du Val-de-Ruz. «En dernière année de CFC, j’ai cherché un moyen de diversifier notre production, explique Guillaume de Tribolet. En Suisse, moins de 5% du poisson consommé provient de nos lacs et les effectifs de pêche sont en constante baisse. Je me suis dit que l’on pourrait tirer parti de notre eau de source en créant une pisciculture dans un local que l’on n’utilisait pas vraiment jusqu’ici.» De tels projets, encore rares, sont compliqués à mettre en place. Le jeune homme se forme à l’aquaculture en circuit fermé, garantissant un contrôle total de l’eau dans les cuves et choisit d’y élever des sandres, poissons indigènes rarement pêchés. «Sa chair blanche est très fine et plutôt noble. Le sandre est une espèce relativement peu consommée, car il est difficile d’en trouver dans le commerce. Il n’est pas aussi populaire que sa cousine la perche, même s’il est un digne représentant du terroir neuchâtelois.»

Son élevage, dans une pénombre quasi complète, est exigeant. Guillaume de Tribolet se déplace entre les douze cuves de son aquaculture à l’aide d’une lampe frontale pour ne pas stresser inutilement ses protégés, aimant vivre dans un mètre d’eau. Pour qu’un alevin de 40 grammes soit prêt à être dégusté, il faut attendre un an. «Ils grandissent à leur rythme, jusqu’à ce qu’ils atteignent la taille idéale – entre 30 et 40 cm – et un poids d’un peu moins d’un kilo, poursuit l’éleveur. Il faut surveiller leur croissance quotidiennement, matin et soir, en vérifiant notamment qu’il y ait suffisamment d’oxygène dans l’eau. La moindre erreur peut être fatale!» La qualité de l’eau est contrôlée en permanence et les poissons sont répartis dans les bassins en fonction de leur taille. Dans le local, il fait plus de 20 degrés toute l’année, la température idéale pour leur développement. «Carnassiers, les sandres sont nourris avec des granulés composés de céréales sans OGM et de protéines répondant à leurs besoins naturels. On n’utilise pas d’antibiotiques.»

Frais ou fumés à froid
Une fois par semaine, le jeudi, les plus grands spécimens sont abattus par hydrocution, avant d’être écaillés puis filetés. L’entier de la production trouve preneur auprès de restaurateurs et de particuliers, appréciant sa chair fraîche ou fumée à froid. Ce processus permet de prolonger la durée de conservation du produit de 5 à 20 jours. Depuis deux ans, le restaurateur et ami de la famille Kevin Habegger peaufine sa recette de fumage à froid, rehaussant les filets avec des aromates et des épices, en suivant une recette jalousement gardée. Fumer du sandre est en effet rare, ce poisson étant peu gras. Or c’est justement la graisse qui donne du goût au produit fini. «En Suisse, la tradition de l’apéro est vivace, note le professionnel. Mais il n’y a pas que le saucisson dans la vie! Nous proposons une alternative avec notre produit fumé à déguster en fines lamelles.» Guillaume de Tribolet espère à terme atteindre une production annuelle de 15 tonnes. Cette première valorisation du poisson n’est donc qu’un début, les deux hommes souhaitant remettre au goût du jour ce poisson délicat quelque peu oublié.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Guillaume Perret/Lundi 13

L producteur: Guillaume de Tribolet

Le projet de la Maison du Sandre, imaginé par Guillaume de Tribolet, s’est concrétisé en 2016. Après deux ans de formation et une année de travaux intensifs, l’élevage a démarré en août 2017 dans la pisciculture flambant neuve sur le plateau du Sorgereux, avec l’aide de son père Olivier et d’un associé. Les locaux sont approvisionnés par l’énergie solaire des panneaux photovoltaïques installés sur le toit du hangar, alors que celle servant à tempérer l’air et l’eau provient de leurs forêts, les trois hommes ayant à cœur que leur entreprise soit le plus  possible respectueuse de l’environnement. Leur poisson, vendu sur leur site internet, peut aussi s’acheter dans l’atelier d’horlogerie Les Rouages du Temps du frère de Guillaume, Étienne, installé au centre de Valangin (NE) et dans des commerces neuchâtelois tels que le Cellier des Fées, à Fleurier.

+ D’infos www.sandre.ch

Toutes canines dehors

S’il est un poisson qui passionne les pêcheurs de carnassiers, c’est bien le sandre. Son nom vient de l’allemand Zahn, qui signifie dent, en référence à ses canines proéminentes. Avec son corps fuselé, cette espèce d’eau douce se révèle être un prédateur rapide. Le Sander lucioperca ou perche-brochet, n’a pas la défense furieuse du brochet ni la puissance de la truite au bout de la ligne, mais il a deux atouts pour lui: sa chair est excellente et sa pêche exige de la finesse et de la discrétion. À l’origine, le plus grand représentant des percidés du continent peuplait principalement les lacs et les cours d’eau d’Europe orientale et continentale. On le trouve aujourd’hui aussi dans quelques États américains.