Un jardin en permaculture 5/12
Fleurs et légumes associés sont une des clés de la biodiversité

Chaque mois, notre collaboratrice Aino Adriaens nous fait part de ses expériences en permaculture. En mai, associer les plantes sur les buttes relève à la fois du casse-tête et du land art.

Fleurs et légumes associés sont  une des clés de la biodiversité

Ne s’improvise pas maman canard qui veut: les œufs de coureur indien et de rouen clair n’ont pas éclos dans la couveuse. Qu’à cela ne tienne, notre cadet, Antoine, a démarré une nouvelle couvée et y veille farouchement. Autre déconvenue: nos magnifiques plantons de tomates, qui ont frisé dans la serre lors de la nuit glaciale du 28 avril. Si les plus élancés semblent irrécupérables, les plus trapus ont déjà bien repris du poil de la feuille. Les chaleurs de l’Ascension nous ont permis de sortir bon nombre de plantons et de poursuivre les semis. Mais une évidence s’impose: la culture sur buttes remet sérieusement en question nos habitudes.

Amis et ennemis
Jamais je ne me suis autant pris la tête pour savoir où j’allais installer céleris, brocolis, salades, poireaux, salsifis, amarantes et côtes de bettes. Jamais je ne suis restée aussi perplexe, un sachet de graines dans une main, un planton dans l’autre. Depuis longtemps nous associons classiquement les oignons et les carottes, les choux et les salades, les tomates et les soucis, mais cette fois nous faisons un sacré pas de plus en optant pour la biodiversité maximale sur un espace très restreint, en réfléchissant aux exigences, affinités et auxiliaires de chaque plante, tout en veillant à l’esthétique de l’ensemble et aux cycles de la Lune pour la mise en œuvre… Heureusement, il existe d’excellents manuels sur les plantes compagnes qui permettent d’y voir plus clair afin de profiter au mieux des capucines et d’améliorer les rapports de voisinage du fenouil. Le formateur québécois en permaculture Bernard Alonso, qui animait récemment un stage à Dizy (VD), m’a aussi amplement rassurée: «Il faut certes faire attention au céleri et au fenouil, car ce sont de mauvais voisins, mais pour le reste ce n’est pas un problème si on ne connaît pas bien les symbioses. Dans la nature les plantes se combinent de façon aléatoire et ça marche plutôt bien. L’important, c’est surtout la diversité!» Un conseil qui est venu à bout de mes hésitations et qui a habillé les buttes d’une joyeuse alternance de semis et de plantons en tout genre. Les légumes aux racines profondes ont plutôt pris place au sommet des buttes, dans une symétrie très approximative, tandis que les salades et les bettes s’épanouiront sur leurs flancs. Les brocolis sont intercalés entre les épinards, les cosmos égaieront les choux et les poireaux se coltinent les céleris. Aux extrémités, on a planté quelques vivaces aromatiques et piqueté des fleurs au petit bonheur.

Tour à patates et bottes de paille
Le verger n’est pas en reste côté cultures. Christian a monté deux «tours à patates» entre les pommiers. Le concept, qui permet surtout de gagner de la place, est simple: on prend un silo à compost grillagé et on le remplit d’une alternance de paille et de compost. Les tubercules sont posés sur le compost en bordure du silo. Un tuyau percé placé au centre de la tour permettra d’arroser le tout uniformément. Si tout se passe bien, les plants de patates s’épanouiront bientôt vigoureusement à travers le grillage.
Autre expérience: la culture sur bottes de paille. Devenue très prisée en milieu urbain où le sol est rare, elle consiste à cultiver ses légumes dans des bottes de paille bio posées sur la tranche, fibres à la verticale. Au préalable, il faut d’abord enclencher le processus de décomposition des bottes en apportant une bonne dose d’azote: nous les avons couvertes de crottes de poules puis arrosées régulièrement de purin d’orties pendant une semaine. La paille commence alors à fermenter et monte en température. Au bout d’une dizaine de jours, quand la température est redescendue à 20 degrés, on rajoute une couche de compost et on peut commencer les plantations. Christian a aligné ses bottes sur une terrasse du verger et y a déjà planté courges et maïs. Pour ma part j’expérimente cette technique entre les fondations de notre future serre à plantons, avec je l’espère de belles tomates à la clé. Malgré tous nos efforts, il nous reste encore de nombreux plantons en réserve. Ils remplaceront ceux que mangeront les limaces et feront sans doute le bonheur d’autres jardiniers. Les trocs de plantes (voir encadré ci-contre) font aussi partie de ce grand mouvement de partage qui est un des fondements de la permaculture.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel

questions à...

Bernard Alonso – Formateur québécois en permaculture et fondateur de l’Université collaborative internationale de la transition.

«QU’ON LE VEUILLE OU NON, IL FAUDRA REVENIR A DES VALEURS PLUS NATURELLES POUR ASSURER L’AVENIR DE LA TERRE.»

Les trocs de plantes et de graines sont devenus très à la mode ces dernières années. Selon vous, c’est aussi de la permaculture?
Oui, car la notion de partage est capitale dans la démarche: il s’agit bien de respecter la terre, le sol, mais aussi l’être humain. Nous faisons partie d’un écosystème et devons réapprendre à soigner nos relations par la solidarité et le partage. Aujourd’hui, les gens en ont besoin, car notre système économique est un fiasco. La compétition entre individus a atteint ses limites et, qu’on le veuille ou non, il faudra renouer avec des valeurs plus fondamentales.

Les paniers bios relèvent-ils aussi de la même tendance?
Tout à fait. De plus en plus de consommateurs veulent manger sain
et local, et recherchent le contact avec les producteurs. Idéalement,
il faudrait pouvoir trouver tout ce dont nous avons besoin pour vivre dans un rayon de 50 kilomètres.

Doit-on forcément faire partie d’un réseau quand on est permaculteur?
Nous sommes des êtres sociaux, les contacts sont donc spontanés, instinctifs et enrichissants pour tous. La permaculture dépasse les limites du jardin, elle s’applique aussi aux mouvements de transition qui essaiment sur la planète. C’est un nouvel art de vivre ensemble.
+ d’infos www.permacultureinternationale.org