Un jardin en permaculture 4/12
La basse-cour et la petite faune du jardin: de précieux alliés antilimaces

Chaque mois, notre collaboratrice Aino Adriaens nous fait part de ses expériences en permaculture. En avril, les limaces occupent déjà la serre, mais la lutte contre les ravageurs s’organise à tous les niveaux du jardin.

La basse-cour et la petite faune du jardin: de précieux alliés antilimaces

Nos bords de fenêtres sont encombrés de bacs de culture et la serre est maintenant tapissée de plantons. Les couches chaudes tiennent leurs promesses: le fumier de cheval s’est mis à chauffer et maintient une température douce au ras des plants de tomates déjà sortis de la maison.
Les limaces se portent également très bien car j’en ai importé une belle collection avec le mulch de feuilles mortes. La lutte se joue tous les soirs à la lampe de poche et à couteaux tirés. Au jardin, elles sommeillent encore mais on s’attend à ce qu’elles apprécient diablement les paillis qui recouvrent nos buttes. Qu’à cela ne tienne, vous pouvez déjà trembler, limaces! Une arme secrète est en train de prendre vie dans la chaleur de notre couveuse.

Canards chasseurs
Sept œufs de canards y occupent en effet une place de choix parmi un bel assortiment d’œufs de poule. Si tout se passe bien, d’ici à la fin du mois, notre basse-cour s’étoffera de quelques palmipèdes réputés pour raffoler des limaces. D’après mes lectures, les coureurs indiens remportent quasi tous les suffrages auprès des permaculteurs: lâché dans le jardin, ce canard léger au port dressé engloutirait chaque jour des dizaines de limaces sans faire trop de dégâts aux légumes du potager. Sur internet, certains témoignages divergent pourtant et affirment que l’animal finit toujours par prendre goût aux légumes, en particulier si un été sec le prive de limaces. A Montalchez (NE), Guillaume Mussard tempère: «Tous les canards mangent des limaces mais certaines races sont plus adaptées que d’autres à la permaculture. Pour ma part, je préfère les rouens clairs aux coureurs indiens cars ils sont plus familiers, plus gros et mangent donc trois fois plus de limaces. Comme ils sont lourds, ils ne montent pas sur mes buttes bordées de planches et n’abîment pas les semis. C’est aussi une race dont on fait bonne chère, alors que les coureurs indiens, secs, nerveux mais excellents pondeurs, sont devenus très populaires dans les pays anglo-saxons, où les permaculteurs sont souvent végétariens.» Je me ferai donc ma propre opinion car, par chance, on m’a donné des œufs de ces deux races pour ma couveuse. Je suivrai en tout cas le conseil de Guillaume: se limiter à maximum deux canards par 1000 m2, pour éviter les dégâts au potager. La poule a aussi la cote auprès des permaculteurs, car c’est l’exemple même de l’animal multiservices: elle mange nos déchets organiques, détruit des parasites, désherbe, épand un bon engrais et, de surcroît, pond des œufs! Bref, une super auxiliaire s’il n’était sa fâcheuse habitude de gratter le sol partout où elle passe et d’aimer autant les feuilles de choux que leurs ravageurs. Les solutions? Ne lâcher ses volailles dans le potager que sous haute surveillance ou seulement en fin d’hiver, lorsqu’il n’y a plus de légumes à perdre.
Le tracteur à poules est aussi sorti de l’imagination débordante des permaculteurs: il s’agit simplement d’un petit poulailler mobile, enclos compris, pas plus large qu’une planche de culture, que l’on déplace comme une brouette au gré des besoins en engrais et en désherbant. On peut adopter le même système pour les lapins, mais en guise de tondeuse cette fois. Je doute cependant que Touffu, notre barbu belge, trouve cela rigolo alors qu’il partage actuellement un vaste bout de verger avec nos quinze poules. Pour cette année en tous cas, pas question de lâcher la basse-cour sur nos nouvelles buttes à peine stabilisées. Il est parfois plus sage de se passer de ses services.

Auxiliaires sauvages
Les animaux domestiques, y compris nos abeilles (voir encadré ci-contre), jouent un rôle essentiel dans un jardin qui se veut autarcique. La petite faune sauvage est tout aussi indispensable. En cette saison, nos haies broussailleuses attirent beaucoup de passereaux migrateurs affamés qui boulottent déjà chenilles et ravageurs potentiels. Antoine a contrôlé la propreté des nichoirs et m’a aussi aidée à rafraîchir l’hôtel à insectes.
C’est le bon moment, car nos plates-bandes de vivaces sont pleines de tiges sèches et creuses qu’il est temps de couper: débitées en tronçons, elles pourront servir de lieu de ponte aux guêpes et aux abeilles sauvages, tout comme les tiges de ronces et de framboisiers. L’étang, lui, est déjà paré d’auxiliaires en puissance: des centaines de
têtards de crapauds et de grenouilles rousses, futurs amateurs de limaçons, ondulent le long des berges.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Aino Adriaens

Vers une apiculture plus naturelle

Nos abeilles sont en pleine effervescence. En cette saison, les visites doivent être assez régulières car les ruches classiques de type Dadant nécessitent beaucoup d’interventions: rajout de cires gaufrées et de cadres à mâle, pose de hausses et de grilles à reine, création de nuclei, etc. En permaculture, on leur préfère des systèmes qui dérangent moins les abeilles, où les colonies se développent de façon plus naturelle. Plusieurs options sont possibles: les ruches Waré, les ruches africaines de forme trapézoïdale ou encore, les ruches «rondes» qui imitent les arbres creux. Dans ces ruches, la reine se promène où elle veut et on se contente de fournir aux abeilles des baguettes de bois auxquelles elles vont suspendre leurs rayons à miel. L’apiculteur les pressera à la main le moment venu pour en extraire le précieux nectar. Séduite par l’élégance des ruches rondes, j’aurais aimé en construire une pour tenter l’expérience dès cette année, mais le jardin et les autres élevages ne m’en ont pas laissé le temps. Affaire à suivre l’an prochain peut-être…
+ d’infos Apiculture alternative, Maurice Chaudière, Editions Le Décaèdre, 2015, 54 pages