Un jardin en permaculture 9/12
En ce début d’automne, sachons sécher et ensacher sans chichi!

Chaque mois, notre collaboratrice Aino Adriaens nous fait part de ses expériences en permaculture. En septembre, les fruits sèchent au soleil et les graines mûrissent à point pour l’an ­prochain.

En ce début d’automne, sachons sécher et ensacher sans chichi!

Enfin de la pluie! N’en déplaise aux amateurs de chaise longue, je remercie le ciel pour ses perturbations! Il faut dire que le jardin commençait sérieusement à tirer la langue car, vu l’état de nos réserves d’eau, nous limitons l’arrosage au strict minimum vital. Si quelqu’un m’entend là-haut, je commande donc des épisodes d’au moins deux jours de pluie abondante suivis de soleil à gogo pour poursuivre et parfaire le séchage des fruits et la récolte des graines du jardin.

Sous le soleil exactement
Le verger n’est pas particulièrement généreux cette année, mais les prunes et les mirabelles sont quand même suffisamment abondantes pour avoir motivé la sortie de notre séchoir solaire. Bricolé en suivant les conseils de l’association genevoise Solemyo (www.cuisinesolaire.com), le modèle est encombrant, mais efficace. Son principe est simple: la chaleur du soleil est captée par une tôle ondulée peinte en noir mat, inclinée et recouverte d’une plaque de verre ou de polycarbonate. L’air qui circule entre la tôle et la plaque s’échauffe, puis monte dans un caisson collecteur percé de trous, sur lesquels nous disposons les grilles de séchage, en l’occurrence celles d’un dessiccateur électrique. Les pommes en rondelles peuvent sécher en une journée ensoleillée, tandis que les prunes coupées en deux nécessitent deux à trois jours de séchage selon leur épaisseur.
À côté du séchoir solaire, le cérificateur est aussi en action. Là, il ne s’agit pas de fruits à sécher, mais de cire à faire fondre, car je profite des derniers beaux jours pour éliminer mes vieux cadres de ruche: les pains de cire ainsi récupérés se métamorphoseront en bougies avant Noël.
L’usage de ces deux caissons solaires correspond parfaitement à l’esprit de la permaculture. Au-delà du jardinage bio, il s’agit en effet d’une démarche globale qui vise autant l’économie que l’autonomie énergétique. Dans le même ordre d’idée, j’augmenterai cette année la part de légumes conservés par lactofermentation. Conquis par la choucroute, que nous fabriquons depuis quelques années dans des bocaux d’un litre, nous allons tester prochainement betteraves, topinambours, navets et côtes de bette en nous inspirant des recettes de notre ami et voisin Christophe Béguin, initiateur de l’Assoce à salade (www.assoce-a-salade.ch).

Semences pour l’an prochain
Septembre est aussi le bon moment pour faire le plein de graines pour l’an prochain. Motivée par l’acquisition d’une vieille armoire où je pourrai enfin bien ranger mes semences, j’ai décidé de m’y appliquer plus sérieusement cet automne. Non seulement cela permet des économies substantielles sur la prochaine commande de graines bios, mais c’est aussi tout bénéfice pour la vigueur des futurs plants: d’une génération à l’autre, les graines portent en elles le vécu de leur plante mère, comme le type de sol et de climat où elle a grandi, et donnent à leur tour naissance à des plantes plus résistantes, car parfaitement adaptées au contexte du jardin. Pour l’instant, j’ai déjà ensaché les graines de trois variétés de salades, de l’arroche rouge ainsi que celles des endives, bettes à tondre et persil de l’an dernier. Il est d’ailleurs probable qu’elles se soient déjà en grande partie semées toutes seules et qu’elles germeront au hasard des buttes au printemps prochain.

Une belle collection de cailloux
Moins glamour et plus physique, un autre chantier mobilise notre énergie depuis quelques jours: la récolte de cailloux! Une source inespérée de belles pierres a en effet jailli à deux maisons de chez nous, au pied d’une vieille ferme en cours de rénovation. C’est une véritable aubaine, car, à part les cailloux ronds récupérés au bord des champs, nous manquions cruellement de matière première locale pour ériger les murets de pierres sèches dont nous rêvons depuis des années. Tout vient à point à qui sait attendre, mais comme le chantier n’attend pas, nous occupons nos soirées par des allers-retours de la benne au jardin avec notre frêle remorque. La pluie ne nous facilite pas la tâche, mais peu importe: elle dépoussière les vieilles pierres qui, si elles ont une âme, partagent sûrement le bonheur des jardiniers.

Texte(s): Aino Adriaens
Photo(s): Antoine Lavorel

Questions à ....

Christophe Béguin – Naturopathe et fondateur de l’Assoce à salade, une association qui promeut la nourriture saine
«LA LACTOFERMENTATION PRESERVE LES VITAMINES DES LEGUMES»

La conservation par lactofermentation semble à nouveau au goût du jour. Comment l’expliquez-vous?
Les consommateurs ont envie de manger des aliments plus sains, riches en nutriments. Contrairement à la congélation, au séchage ou à la stérilisation, la lactofermentation augmente la part de vitamines des légumes. Elle produit des probiotiques qui équilibrent notre flore intestinale et facilitent la digestion. En plus, cette méthode de conservation ne grille aucune énergie alors que les légumes peuvent se conserver jusqu’à cinq ans.
Quel en est le principe?
C’est très simple: on utilise un régulateur, le sel, qui favorise le développement des bactéries lactiques. Celles-ci vont transformer les sucres et les acides contenus dans les légumes en acide lactique, qui va détruire ou inhiber les micro-organismes responsables de la putréfaction. La recette de base pour les légumes râpés est de leur rajouter 10 grammes de sel marin par kilo, puis de bien les tasser dans un bocal à conserves, pour ne pas avoir trop d’air et en sortir le jus. Pour les légumes en morceaux, on ajoute de l’eau salée à 20 grammes par litre.
Peut-on lactofermenter tous les légumes?
Les légumes racines, comme les panais, carottes, navets, topinambours, betteraves, s’y prêtent parfaitement, mais cela marche aussi avec les haricots et les côtes de bette. Le goût des légumes est dénaturé par l’acide lactique, mais cette perte est compensée par les avantages nutritionnels. C’est aussi l’occasion d’explorer de nouvelles associations gustatives en rajoutant des épices et des herbes dans les bocaux: coriandre, romarin, ail, ciboulette, sauge ou piment.