viticulture
Passeport du vin et déclencheur d’achat, l’étiquette mérite qu’on y réfléchisse

Qu’il s’agisse de donner une identité à une nouvelle gamme ou de rafraîchir l’allure d’un vin déjà réputé, concevoir une étiquette s’inscrit dans une démarche marketing aujourd’hui de plus en plus formalisée.

Passeport du vin et déclencheur d’achat, l’étiquette mérite qu’on y réfléchisse

On n’a jamais une seconde chance de faire une bonne première impression: une pépite de sagesse qui s’applique aussi au vin. Comme le rappelle Philippe Herminjard, secrétaire de la Fédération vaudoise des vignerons: «Le jugement sur l’étiquette est un fait établi.» Les vignerons le savent depuis longtemps: l’habillage est une chose sérieuse. Certains sont néanmoins tentés de s’y lancer seuls: «Entre ceux qui réutilisent les étiquettes des anciens millésimes en biffant la date ou ceux qui recourent à leur imprimante jet d’encre dont les couleurs s’effacent au froid, on voit de tout», confirme Aurélie Daiz, responsable d’un cours de formation continue sur la vente et la communication des métiers de la terre proposé par ­ProConseil (voir l’encadré ci-dessous). Pour la majorité des professionnels, le concours de spécialistes est néanmoins incontournable pour élaborer une étiquette apte à favoriser l’acquisition de clients. «Avant les graphistes et les entreprises de communication, les imprimeurs ont longtemps été seuls à remplir cette fonction», fait remarquer Anouk Danthe, designer spécialisée dans les domaines de la viticulture et de l’horlogerie. «L’imprimeur spécialisé joue le rôle de conseiller en marketing, acquiesce Jean-Michel Borel, ancien directeur de Roth et Sauter, acteur bien connu de la branche devenu R+S Conseil après sa faillite il y a quelques années. On connaît la législation en la matière, et surtout, on a des contacts réguliers et de longue date avec les vignerons.»

Démarche en profondeur
Le marché de l’impression, aujourd’hui, s’est resserré, et la création-conseil permet de s’y profiler. À Châtel-Saint-Denis (FR), Marsens Étiquettes (autre imprimeur bien implanté en Suisse romande racheté il y a dix ans par le groupe français Autajon) s’est attaché les services d’Anouk Danthe et propose à titre gratuit une «analyse personnelle destinée à permettre au vigneron de concrétiser sa vision et de verbaliser ce qu’il recherche lors de la création d’un nouvel habillage ou d’un relooking»… en deux heures chrono. L’entretien peut, ou pas, déboucher sur un mandat confié à l’imprimeur. «Pour nous, c’est un investissement pour un client futur, avance le directeur, Dominique Bosio. Nous avons eu ainsi un client par mois en 2018, et on compte accélérer le mouvement en 2019.»
Comme chez tous les imprimeurs spécialisés, la base du processus reste une discussion orientée vers les bonnes questions: quelle clientèle pour le ou les vins à (r)habiller, quel positionnement dans la pyramide de produits, quel environnement de consommation pour la bouteille? La présence de tous les décisionnaires est requise, y compris et surtout les enfants appelés à reprendre l’exploitation. Il s’agit ensuite de cerner les souhaits du vigneron. «On a conçu un carnet de tendances avec des exemples de base pour affiner progressivement le choix, explique Anouk Danthe. Classique ou original? Un style très arty ou au contraire très graphique? Y a-t-il un élément architectural fort dans le domaine? On évoque aussi les embellissements: découpe, gaufrage, dorures, etc.» Si la démarche est sans obligation d’achat, «100% des clients qui y ont recouru nous ont confié ensuite un mandat», confirme David Lude, chef des ventes de Marsens. La réflexion sur l’étiquette se prolonge parfois dans une refonte du logo de l’entreprise viticole ou dans une remise en question de la segmentation de la gamme, souvent trop étendue au regard des volumes commercialisés, ajoute Anouk Danthe. «La question d’abandonner l’AOC et de repositionner en tant que marque un vin doté d’une étiquette forte et connue peut même se poser», ose David Lude. D’autant que la technique a considérablement évolué. «On peut tout faire, résume Dominique Bosio. La seule limite, c’est le coût.» «L’étiquette est l’élément de l’habillage qui déclenche l’acte d’achat, alors qu’il représente la part congrue de son coût. On ne gagne rien en grattant sur ce poste pour passer de 11,5 à 10,8 centimes», conclut Anouk Danthe.

+ d’infos www.autajon.com

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): DR