Reportage
Parfumée et résistante aux maladies, la rose de demain pousse déjà à Nyon

Lancé ce printemps, le Concours international de la rose nouvelle de Nyon (VD) comble une lacune, puisque la Suisse n’avait plus de telle compétition depuis 2015. Avec une innovation de taille: l’interdiction de tout traitement.

Parfumée et résistante aux maladies, la rose de demain pousse déjà à Nyon

On peut admirer une rose ou même tout un rosier sans pour autant se laisser enivrer d’élans poétiques. Pour les jurés permanents du Concours international de roses nouvelles de Nyon, c’est même recommandé: après tout, il s’agit de noter plus de 80 variétés inédites de tous genres – du plus petit rosier miniature aux foisonnants rosiers de parcs ou aux grimpants, en passant par la catégorie reine des hybrides ou roses de thé. Chacune est jugée selon quatre critères: la végétation, les fleurs, la résistance aux maladies et parasites et enfin le parfum. Les notes attribuées vont de 0 à 30 (10 pour le parfum, qui fait également l’objet d’un classement à part), en fonction de la pondération de chaque élément (voir l’encadré ci-contre). Après une courte discussion, les six membres du jury – tous professionnels de l’horticulture à l’exception d’une amatrice très éclairée – rendent une seule décision, consignée par le président Raymond Tripod, par ailleurs président de la Société romande des amis de la rose et de l’horticulture. «Celle-ci est parfaite! La structure est compacte, les fleurs sont bien réparties et la défloraison est tout aussi homogène avec des boutons qui se fanent régulièrement, commente ce dernier en se penchant sur un rosier miniature paradoxalement de bonne taille. La végétation est bien fournie et saine et le parfum agréable. En revanche, son obtenteur aurait dû la faire concourir dans la catégorie hybride.»

La ville mise à contribution
Il faudra deux bonnes heures au jury pour faire le tour des lopins attribués à chaque variété en compétition sur le site de l’Établissement horticole de Bois-Bougy, où est produite la quasi-totalité des plantes et des fleurs utilisées pour la décoration de la ville. C’est la quatrième réunion du jury, mais pas la dernière: il se retrouvera encore à trois reprises avant le jour J du concours, où un jury international prendra le relais. Ce sera le 20 juin 2020, sauf pour les variétés grimpantes et de parc auxquelles on laisse une année de plus pour s’épanouir; la note finale tiendra compte pour 60% de ces évaluations en cours de croissance. Un peu en retrait, Gérard Meylan et Cédric Piaget, respectivement responsable technique et président de l’Association des amis de la rose de Nyon, n’en perdent pas une miette. Tous deux sont de fins connaisseurs, passionnés de la reine des fleurs; c’est à eux, pour l’essentiel, qu’on doit la mise sur pied du concours. «La Suisse n’avait plus de compétition de roses nouvelles depuis la disparition du concours de Genève en 2015. Nous avons imaginé un événement à Nyon, et la ville a immédiatement accepté, en posant comme condition l’absence de toute aide phytosanitaire, conformément à ses pratiques horticoles», explique Cédric Piaget.

Un marché intéressant
Une exigence à laquelle les organisateurs se sont pliés avec enthousiasme: «Nous sommes le premier concours de ce type, se félicite Gérard Meylan. Actuellement, on ne trouve sur le marché qu’une centaine de variétés de roses ne nécessitant aucun traitement contre les maladies et les parasites. Or, elles intéressent de plus en plus la clientèle, surtout les responsables d’espaces verts publics qui en forment une part importante. Les obtenteurs y travaillent, mais avant de pouvoir présenter une nouvelle rose à un concours, il faut compter de cinq à huit ans de travail de  sélection.»
Pour les passionnés qui s’y consacrent, une compétition est donc une occasion de tester leurs créations en situation réelle et de voir comment elles s’adaptent à des conditions pédoclimatiques données. «Cela sert également à évaluer l’intérêt du public avant une commercialisation éventuelle. Beaucoup de roses nouvelles n’atteindront jamais cette étape», précise le spécialiste. Mais une distinction, avec à la clé la promesse d’un marché pour la nouvelle variété, ouvre des possibilités de revenu bien réelles: «Chaque obtenteur d’une rose reconnue comme nouvelle reçoit le droit exclusif de la multiplier, valable vingt à vingt-cinq ans, explique Cédric Piaget. Les pépiniéristes auxquels il accorde une licence doivent lui payer des royalties sur chaque exemplaire. Ce sont souvent des passionnés qui ne vivent que de cela.»
Parmi les variétés en lice, trois proviennent d’ailleurs de Chine – autre point sur lequel le concours de Nyon innove dans le petit monde des compétitions rosières. Mais impossible de savoir lesquelles des 88 variétés plantées (87 en réalité puisque l’une a succombé): les parterres créés pour l’occasion – tous équipés d’un goutte-à-goutte manuel sous le pied – n’identifient les carrés attribués à chaque variété que par un simple numéro… À l’issue du concours, toutes les roses seront arrachées et détruites, essentiellement pour se plier à la réglementation sur la propriété intellectuelle – pas question de vendre une rose avant de la faire breveter. «On pense bien sûr à organiser une exposition des roses primées, mais les obtenteurs devront alors fournir de nouveaux plants», espère Gérard Meylan.

+ D’infos larn.ch/concours

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Olivier Evard

En chiffres

Le concours de Nyon, c’est:
88 roses nouvelles plantées.
5 catégories: hybrides (roses thé), fleurs multiples, miniatures, rosiers de parc, rosiers grimpants.
27 obtenteurs issus de 13 pays, dont la Chine pour sa première participation.
4 critères: floraison (30%), végétation (30%), résistance aux maladies (30%), parfum (10%).
1 jury permanent chargé d’évaluer périodiquement les roses (60% de la note finale), 1 jury international le jour du concours (40% de la note).
7 évaluations en 2019-2020 + 1 le jour du concours (20 juin 2020).

Questions à...

Jean Spaeth, parfumeur, membre du jury permanent du concours
La rose, c’est une fragrance importante en parfumerie?
Grâce à ses composants chimiques comme le citronellol, le linalol, le géraniol, etc., la rose est une des fleurs incontournables dans la création d’un parfum, avec notamment le lilas, le jasmin, la tubéreuse et quelques autres plantes. On l’utilise en huile essentielle, avec une préférence pour la rose de Damas, considérée comme la meilleure en termes de parfum.
Comment donner une note au parfum d’une rose?
Une des difficultés de l’exercice est de garder en mémoire le parfum d’une rose lorsqu’on en hume une autre, de façon à hiérarchiser les impressions olfactives. Il faut souvent revenir, sentir à nouveau… Au fur et à mesure des visites du jury, je restreins progressivement la sélection: d’une quinzaine de fleurs retenues en juin dernier, on est désormais à cinq ou six. Au final, seul un rosier recevra la Coupe du parfum.
À rose nouvelle, parfum nouveau?
Pour l’heure, on est plutôt dans des parfums très classiques, aucune des candidates ne se distingue vraiment des autres, à part peut-être une variété qui sent la pomme cuite. Du coup, un parfum différent vaut une note positive, à condition toutefois qu’il soit agréable.