Nature
Sous ses airs de peluche, le lièvre variable est un robuste gaillard

Durant tout l’été, nous vous présentons des espèces animales et végétales qui vivent à l’étage alpin, soit à plus de 2000 mètres. Pleins feux sur des montagnards discrets, souvent peu connus.

Sous ses airs de peluche, le lièvre variable est un robuste gaillard

1. Sur les traces d’un timide
Son nom latin est Lepus timidus. Et ceux qui ont essayé de l’apercevoir savent pourquoi le lièvre variable a hérité du qualificatif de «timide»: il est extrêmement discret. Surtout actif la nuit, parfaitement camouflé et totalement silencieux, celui que l’on appelle «blanchon» donne du fil à retordre aux biologistes et aux photographes animaliers qui le cherchent. En revanche, pendant l’hiver, on repère facilement sa présence aux traces qu’il laisse dans la neige fraîche. En forme de T, elles permettent de déterminer dans quelle direction courait l’animal, et de se rendre compte de la longueur impressionnante de ses bonds.

2. Une tenue par saison
Une fashion-victim, le lièvre? Comme une véritable star de la mode, le rongeur change d’aspect au gré des saisons, mais ce n’est pas par coquetterie. Il faut dire que la liste des prédateurs qui croqueraient volontiers un lièvre variable est aussi longue que ses oreilles: renard, aigle ou martre, de nombreux dangers le guettent. Pour leur échapper, rien ne vaut un camouflage qui s’adapte au décor saisonnier. Ainsi, pendant l’hiver, le pelage du lièvre est totalement blanc – à l’exception du bout de ses oreilles – pour passer plus inaperçu sur la neige. Puis, lorsque vient le printemps, l’animal perd peu à peu ses poils blancs pour arborer une livrée gris-brun d’une grande discrétion parmi la rocaille.

3. Superféta… quoi?
La femelle du lièvre variable est capable d’un exploit rare dans le monde animal: elle peut être fécondée alors même qu’elle attend déjà une portée. C’est ce qu’on appelle la superfétation. Pas systématique mais constaté chez plus d’une femelle sur trois par des chercheurs allemands, le phénomène est connu de longue date, puisque Aristote le décrit déjà dans son Histoire des animaux, quatre siècles avant notre ère. Le lièvre variable n’est pas la seule espèce à pratiquer la superfétation: outre son cousin le lièvre d’Europe, on l’observe aussi chez le blaireau ou le vison. À une altitude où l’été est court, la superfétation permet à la hase de réduire l’espacement entre les mises bas pour donner naissance à deux ou trois portées de levrauts par an!

4. Elevés à la dure
Les deux à quatre levrauts issus de chaque mise bas sont vite mis dans le bain: chez le lièvre variable, on vit en solitaire. La mère dépose chacun des jeunes, déjà couverts de poils et les yeux ouverts, dans des cachettes distinctes. Durant trois semaines, elle fait des tournées pour allaiter les levrauts, qui apprennent rapidement à explorer les alentours seuls. Les jeunes individus sont extrêmement vulnérables, et peu d’entre eux survivent jusqu’au printemps suivant.

5. Estomac blindé
Le lièvre variable n’hiberne pas, ce qui veut dire qu’il doit être capable de se nourrir durant toute la saison froide.
Un sacré défi pour ce petit rongeur, dont le système digestif lui permet de manger de l’écorce, des aiguilles, des bourgeons et des racines, ainsi que ses propres crottes. Lorsque la végétation est plus abondante, il préfère tout de même les herbes et les graminées.

6. Paré pour le froid
Tandis que le lièvre brun d’Europe est taillé pour la plaine, le lièvre variable est dans son élément entre neige et rocaille. Et cela se voit à son physique dicté par ses conditions de vie extrêmes: ses oreilles sont plus courtes que celles de son cousin de basse altitude, son corps plus trapu, et son épais duvet lui permet de limiter la perte de chaleur corporelle. Quant à ses puissantes pattes arrières, elles sont conçues comme des raquettes. Larges et poilues, elles empêchent le lièvre de s’enfoncer dans la poudreuse.

7. Deux menaces planent
Parfaitement adapté à la haute montagne, le lièvre variable supporte mal les périodes trop chaudes. L’institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage WSL a donc étudié l’impact du changement climatique sur cette espèce sensible. Et le bilan est alarmant, puisque, d’après les spécialistes, un tiers des surfaces favorables au lièvre variable devraient avoir disparu en 2100. L’autre menace est d’origine humaine: skieurs hors-piste et randonneurs en raquette peuvent forcer le lièvre à fuir, gaspillant ainsi une précieuse énergie.

8. Où l’observer?
Le lièvre variable est présent dans toutes les Alpes et les Préalpes suisses, au-dessus de 1300 mètres d’altitude. Mais pour avoir une chance de l’apercevoir, il faudra être extrêmement patient. Mieux vaut tenter de repérer ses traces, parsemées de petites crottes sphériques, lors d’une balade hivernale.

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): DR

Carte d’identité

Nom latin Lepus timidus.
Taille 48 à 60 cm.
Poids 1,8 à 3,5 kg.
Répartition Alpes et Préalpes, entre 1300 et 3000 mètres d’altitude.
Effectifs 14 000 en Suisse.
Statut Non menacé.