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L’hiver, le bouvreuil se rapproche de l’homme

Poitrail bombé, le mâle bouvreuil semble faire le fier, capé de noir et habillé d’un rouge éclatant. L’oiseau est pourtant d’un naturel plutôt timide.

L’hiver, le bouvreuil se rapproche de l’homme

Un mangeur de graines et de bourgeons
Chez les oiseaux de l’ordre des passereaux, de fortes mandibules désignent bien souvent une famille de mangeurs de graines: les fringillidés. Résident des forêts jusqu’à la limite des arbres, le bouvreuil pivoine en fait partie. «La forme conique du bec de ce bel oiseau est un indicateur de son régime alimentaire presque exclusivement végétal, commente Philippe Delacrétaz, fraîchement retraité de l’enseignement en sciences naturelles et féru d’ornithologie. Or, lorsque les plantes dont le bouvreuil tire sa nourriture, soit des graines ou des bourgeons, sont inaccessibles, car enfouies sous la neige, l’oiseau se voit contraint d’entamer une migration verticale pour survivre. Il rejoint la plaine et s’installe donc plus volontiers dans nos parcs et jardins en période de pénuries.»

Dimorphisme et moeurs secrètes
Les couleurs du mâle, habillé de rouge vif, de gris cendré, et capé de noir brillant, le rendent impossible à confondre avec une autre espèce sous nos latitudes. «Ce qui n’empêche pas l’oiseau de savoir rester d’une étonnante discrétion, ajoute aussitôt le naturaliste. Un dimorphisme sexuel marqué distingue la femelle. Son plumage gris et brun lui offre certainement une meilleure protection lors de la nidification. Il faut savoir qu’outre son habitude de se tenir haut perché dans les arbres, le bouvreuil est d’une nature calme et même timide qui attire peu l’attention. Il passe donc facilement inaperçu lorsqu’il rejoint le monde urbain. À moins qu’il ne lance son appel flûté si caractéristique qui permet de le situer bien avant de le voir», souligne notre ornithologue amateur.

Sus aux mangeoires
S’il fréquente les mangeoires placées dans les jardins, le bouvreuil est toutefois moins assidu que les mésanges, merles ou pinsons. Il ne se mêle d’ailleurs pas aux regroupements de plusieurs espèces qui se forment spontanément durant l’hiver pour une recherche de nourriture. «Les bouvreuils viennent à la mangeoire le plus souvent par groupes de quelques individus seulement. Peu querelleurs, ils ne cherchent pas à s’imposer comme le fait la mésange charbonnière, par exemple. Ils attendent que le chemin soit libre pour prendre leur tour. Gamin, j’aimais d’ailleurs beaucoup l’observer dans le verger familial, se rappelle le collaborateur de la station ornithologique suisse de Sempach. Ce qui me contrariait par contre énormément, c’était de le voir se gaver des bourgeons de nos délicieuses pêches.» En Valais, le bouvreuil cause parfois de grosses pertes dans les cultures d’arbres fruitiers. Une étude des années 1970 a même estimé qu’un abricotier pouvait perdre la totalité de ses fruits à cause de lui durant l’hiver.

Une très vaste répartition
Bien que le bouvreuil pivoine ne soit pas considéré comme un oiseau en danger en Suisse avec une population de 45’000 à 70’000 couples, ses effectifs déclinent un peu, notamment à cause de la modification de son habitat. «Le bouvreuil pivoine est une espèce paléarctique. Sa répartition est donc très vaste, s’étalant de l’Europe de l’Ouest jusqu’aux confins de l’Asie orientale. Depuis quelques années, des individus d’origine nordique, notamment de Finlande et du lointain Oural, rejoignent notre pays en hiver. Rien ne permet de distinguer ces oiseaux migrants de notre espèce indigène mis à part leur voix. Le bouvreuil de Komis, comme il est parfois surnommé, émet un cri qui rappelle une trompette, ce qui lui vaut le nom de bouvreuil trompetteur ou trompettant. À signaler donc si vous en repérez.» Pour le moment, la mangeoire de jardin de Philippe Delacrétaz est vide. Mais en cas de besoin lorsque la neige fera son apparition, il y placera des graines de tournesol dont bien des oiseaux sont friands. Avec l’espoir, bien sûr, que cela détournera aussi le bouvreuil de ses arbres fruitiers.

Texte(s): Daniel Aubort
Photo(s): Daniel Aubort